Présentation J'ai tout simplement envie de dire ma rage d'être au monde, ce dégoût de moi-même qui me saisit à l'idée de ne pas savoir d'où je viens et qui je suis vraiment. De lever le voile sur les silences des femmes et de la société dans laquelle le hasard m'a jetée, sur des tabous, des principes si arriérés, si rigides parfois qu'ils n'engendrent que mensonges, fourberie, violence et malheur. " La société dans laquelle a été jetée Maïssa Bey est l'Algérie d'aujourd'hui. Ce pays à la fois si proche et si " étranger ". Dans son précédent roman, Maïssa Bey a osé raconter l'avortement ; aujourd'hui, elle nous parle de petites filles nées de père et - surtout - de mère inconnus. Il s'agit en soi d'un drame absolu et pourtant ce drame absolu, dans la société algérienne, revêt un caractère plus terrifiant encore... Maïssa Bey veut " d'un trait de colère, effacer [son] enfance " ; l'écriture ici devient alors arme et catharsis et, avec elle, c'est une belle voix qui sonne, celle de toutes les petites filles de l'islam et du monde qui prennent enfin leur statut de femmes en mains.
Un roman fort et lumineux, qui nous emmène aussi bien dans nos fantasmes que dans la réalité.
Chroniques amères Filles abandonnées, femmes trahies, fractures de vies, fausses identités, tel est le sujet de ce dernier livre de Maïssa Bey qui raconte ici plusieurs histoires à travers des femmes toutes en proie à l'amertume, l'espoir ou le malheur.
"Ni maison de retraite, ni asile, ni hospice. Tout cela à la fois. Établissement fourre- tout. (....) de temps en temps vous entendez des voix de femmes...".
Les premières pages donnent le ton d'un livre qui sera une succession de tranches de vie. Mélange d'une chronique ordinaire, de documentaires, ou de soliloques, ce texte ravira sans doute ceux qui n'attendent que des témoignages et déroutera les autres qui attendaient un roman, une exploration fine de l'univers féminin.
Car, c'est de femmes qu'il s'agit, de portraits, de brides d'histoires partielles, imprégnées de rêve, de trahisons, de frustrations. Alternant la première et la troisième personnes, pour raconter ces histoires, d'abord celle d'une petite fille née sous X, la narratrice tente de restituer les douleurs d'Aïcha, en réalité Jeanne, Houria, M'barka et tant d'autres. "Quelles sortes de bonheur peut-on ressentir lorsqu'on est enfermé dans les maisons étouffantes ?" La question de la narratrice posée, on a une idée de ces mélancoliques confessions de femmes dont l'univers est aussi imprégné de la présence-absence de l'homme. Celui par qui tout arrive, dans le meilleur des cas l'amour, le pire la lâcheté, la trahison. Maïssa Bey prête sa plume, en quelque sorte, à ces femmes en cri ou en dérive, qui tentent d'échapper à quelque chose qui ressemble à une malédiction : la famille, le mari, la naissance, la société, et tentent simplement de vivre même quand cela ne semble pas possible. "Volonté de dire avec l'alibi de la fiction, la réalité vécue par les femmes en Algérie" expliquait encore récemment l'auteur dans un long entretien "à contre silence" publié par les éditions de l'Aube. Dans le même entretien, Maïssa Bey développait aussi ce qui l'avait amenée à l'écriture de son premier roman édité en 1996 et du second qui est, en fait, un recueil de nouvelles : "Il me fallait adopter pour chaque récit un style différent". Dans ce dernier texte "cette fille-là", difficile à qualifier de roman, non pas parce qu'il déroge à des normes de structure linéaire, ou suggère d'autres règles, la manière d'écrire, de mettre en scène n'échappe pas au style adopté par les premiers.
L'exigence de style perd ici tout son sens , en l'absence de vraies personnages de fiction avec lesquels on pourraît communiquer, que l'on pourraît ressentir comme des êtres physiques, de chair et de sang, ce personnage que l'on pourrait presque prendre par la main, "toucher". C'est-à-dire des êtres victimes, certes, du particularisme de leur société, mais souffrant d'une violence et d'un destin que le reste de l'humanité peut éprouver et partager.
On en reste éloigné de cet objectif de la littérature, peut-être parce que les personnages de ce livre restent plus des métaphores au premier degré et qu'à trop vouloir témoigner, coller à la réalité, l'auteur nous entraîne sur une pente facile.
Ce n'est donc pas la forme, l’hybridité formelle qui pourraît déranger, tout écrivain est amené à y réfléchir, mais le motif du livre qui ne sert qu'à illustrer des cas sociologiques, au détriment de l'essence de l'humanité, but de la littérature et même des auteurs féministes qui ont combattu contre l'exclusion des femmes de la sphère publique et de l'écriture.
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Posté Le : 11/05/2001
Posté par : nassima-v
Ecrit par : D. A. M.
Source : www.liberte-algerie.com