Algérie

Cette couleuvre qui ne passe pas



Quand M. Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU, appelle à de « réelles négociations » entre le Maroc et le Polisario, il admet à demi-mot que les deux « rounds » qui se sont déroulés jusque-là ne peuvent être qualifiés de tels, même s'il y trouve, en forçant le trait, un « motif de satisfaction ». Il sait très bien pourquoi: officiellement, les Nations unies sont toujours en charge du dossier, avec l'objectif proclamé de l'exercice du droit à l'autodétermination. Et, à moins que les Sahraouis n'y consentent, il n'existe aucune autre traduction à ce principe que celle d'un référendum ouvert, donnant aux Sahraouis la possibilité de choisir entre le rattachement au Maroc ou l'indépendance. En termes de légalité internationale, sauf à faire dans le charlatanisme juridique, c'est bien la seule interprétation fondée. Tout le monde le sait, Ban Ki-moon, les juristes de l'ONU mais aussi Paris, Washington et Madrid. Mais comme les intérêts priment sur le droit et que l'ONU a trop produit de textes sur l'autodétermination des Sahraouis, on essaye de recourir à des artifices en décrétant que le « statu quo » n'était plus permis, comme si les Sahraouis en étaient responsables. Les capitales occidentales qui soutiennent le Maroc cherchent tout simplement à faire avaler une grosse couleuvre en imposant une dénaturation grossière du principe en présentant le plan d'autonomie de Rabat comme une autodétermination. Ils ont besoin de ce fait d'une onction de l'ONU pour faire avaliser cette violence à la règle, rien de plus. L'objectif étant de faire légitimer le fait accompli par l'organisation onusienne. La démarche n'a rien de secret, elle table essentiellement sur la lassitude qu'engendre ce long conflit. Elle se drape du « réalisme » qui consiste à donner raison à la partie qui a refusé systématiquement l'application des résolutions de l'ONU. Dans cette logique, il n'y a rien de surprenant à entendre le président français soutenir très bruyamment le plan marocain. C'est dans la ligne de la politique française, qui a d'ailleurs veillé systématiquement à ce que les résolutions du Conseil de sécurité, dont le plan Baker II, ne puissent se traduire dans les faits. La France avait même réussi à convaincre ses partenaires du Conseil de sécurité de respecter la règle qu'aucune « solution ne doit être imposée aux parties », pour permettre au Maroc de ne pas être contraint par les résolutions du Conseil de sécurité. Voilà une règle bien française que le nouveau locataire de l'Elysée semble avoir oubliée en préconisant que le plan d'autonomie marocain constitue la base des négociations. C'est concrètement vouloir « imposer » à la partie sahraouie la solution marocaine. Cela signifie que la France entend prendre une position offensive sur le dossier. Si M. Ban Ki-moon parle diplomatiquement de « réelles négociations », M. Sarkozy suggère une comédie de la négociation. Les Sahraouis y ont vu une pression destinée à influer sur le cours des négociations, une sorte de round Sarkozy. Sur le fond, les Sahraouis, et pas seulement eux, sont fondés à dire qu'ils n'apprécient pas les suggestions pressantes destinées à ravaler l'autodétermination au rang de farce.


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