Algérie

Ces maladies orphelines en mal de traitement



Les spécialistes et les associations de malades plaident pour la création de centres de référence pour assurer une meilleure prise en charge des patients qui souffrent de l'absence de structures spécialisées.Au-delà de la requête adressée par l'Association des anémies héréditaires de la wilaya d'El-Tarf au ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, l'interpellant sur la fermeture d'un centre récemment ouvert destiné à la prise en charge des malades atteints de drépanocytose et de thalassémie, c'est toute la problématique de ces maladies du sang à transmission génétique qui est à soulever. Pas seulement à El-Tarf, mais aussi dans tout le nord-est du pays qui connaît une forte prévalence de ces maladies jusqu'aux wilayas du Centre et de l'Ouest où l'on recense de nombreux malades. Si dans les wilayas disposant de CHU dans lesquels des services d'hématologie se battent contre vents et marées pour assurer un suivi thérapeutique à ces malades, dans les régions dépourvues de structures spécialisées, c'est l'improvisation qui accompagne la prise en charge des drépano-thalassémiques. Les plus chanceux sont suivis en ambulatoire, alors que leur état de santé nécessite des examens réguliers plus poussés pour diagnostiquer à temps toute complication liée à leur pathologie.
C'est de là que la solution de création de centres de référence est avancée par des spécialistes et des associations de malades. "C'est le seul moyen d'assurer une prise en charge adéquate à ces malades, qui sont de plus en plus nombreux", soutient le Dr Ben Fetima, maître-assistante en pédiatrie à l'EHS d'El-Mansourah, à Constantine, où l'on se débat au quotidien pour le suivi de nombreux enfants malades de la région est du pays. "La drépanocytose et la thalassémie sont des maladies lourdes qui nécessitent un suivi régulier et attentif, et la formation de spécialistes ne suit pas. On risque même d'aller vers une régression, d'autant que la relève n'est pas assurée. La solution idéale passe par la création de ces centres", poursuit-elle.
C'est dans le même sens qu'abonde son confrère, le Dr Fenghour, un pédiatre qui assure la même mission à El-Tarf, qui déplore la fermeture du seul centre encore ouvert dans cette wilaya. "Nous recensons plus de 600 enfants drépanocytaires, en plus d'une quarantaine de thalassémiques, sans compter les autres malades qui vont à Annaba. Ces malades ont besoin d'un centre qui leur est propre, car il n'est pas possible de les confondre avec les autres malades, d'autant que leurs familles ont besoin de se confier, de se connaître pour échanger leur expérience dans la pénible souffrance qu'elles endurent avec leurs enfants", souligne-t-il.
L'importance de ces structures spécialisées, selon les mêmes avis, est telle qu'elles auront à initier des médecins généralistes et des paramédicaux au suivi de ces maladies, en plus de s'occuper du dépistage pour éviter de nouvelles naissances d'enfants malades. La drépanocytose et la thalassémie sont des maladies à transmission génétique, et leurs conséquences sur la vie des malades sont lourdes. Stigmatisées et portées tel un lourd fardeau familial, elles semblent être victimes d'un ostracisme médical qui ne dit pas son nom, selon l'opinion de nombreux malades et leurs familles. Méconnues du grand public, elles ne bénéficient que de peu d'attention, sinon qu'elles reflètent une inégalité de soins devant les autres pathologies.
Cette inégalité se manifeste encore par l'absence de chiffres, ni de statistiques, ni même d'un quelconque dépistage pour connaître leur nombre réel, alors qu'elles sont en nette progression. "On ne connaît pas les chiffres, nous sommes dans le flou, mais leur nombre est important, il y a beaucoup de naissances d'enfants malades", déplore, le Dr Ben Fetima. Si les drépanocytaires souffrent épisodiquement de douleurs atroces, désignées sous le terme médical de crises vaso-occlusives (CVO) qui les accompagnent durant toute leur vie, en plus de l'anémie et de la fatigue chronique, les thalassémiques dépendent de la transfusion pour survivre.
"Aidez-moi à rassembler 500 millions pour réaliser une greffe de la moelle à mon fils", nous a dit, en éclatant en sanglots, il y a quelques jours, une femme ayant un enfant atteint d'une thalassémie majeure, qui tente de réunir cette somme par le biais d'un appel qu'elle lançait aux auditeurs de la radio locale de Jijel. La greffe de la moelle est, en effet, une solution, sinon un traitement radical de cette maladie. Sauf que la greffe de la moelle est loin d'être à la portée de ces malades, ce qui pousse leurs parents à recourir à des hôpitaux étrangers où cet acte leur coûte une fortune.
À ces péripéties dans la prise en charge des drapano-thalassémiques, s'ajoutent des risques de graves complications organiques se manifestant par la dégradation de leurs organes vitaux. C'est ce qui impose un suivi régulier et attentif. Or, dans les faits, ce n'est nullement le cas, d'autant que seul le corps médical spécialisé des médecins hématologues est initié à ces maladies. Dans les services hospitaliers ne disposant pas de spécialistes, les personnes atteintes de thalassémie dépendent de la seule transfusion pour rester en vie, alors que les drépanocytaires, notamment lors des épisodes de CVO, sont livrés à l'improvisation et à la détresse que cela engendre.
Le constat à établir est tellement difficile et compliqué, selon les données liées aux conditions de suivi et de prise en charge de ces maladies, que le ministère et, au-delà, les politiques et les pouvoirs publics sont interpellés pour en prendre conscience, d'autant que cela relève d'un grave problème de santé publique. C'est, du moins, l'avis des spécialistes initiés à ces maladies et leurs graves complications. Quant aux malades et leurs familles, ils sont contraints de livrer le combat de leur vie contre ces pathologies dont la prise en charge et le suivi thérapeutique restent lourds et compliqués. À noter que concernant la fermeture du centre de suivi de ces maladies à El-Tarf, nous avons tenté de prendre contact avec le directeur de la santé et de la population de cette wilaya par le biais de nombreux appels à son bureau. En vain.


A. Z.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)