Publié par le quotidien Le Soir d’Algérie le 12.11.2020
Par Rabah Rezgane(*)
C’est un instituteur allemand du nom de Richard Schirrman qui en a eu l’idée. Il a fait sortir ses élèves de la zone industrielle pour les amener dans les collines boisées de la campagne de la vallée de la Ruhr, effectuant ainsi le premier pas vers «l’enseignement en plein-air», et ses randonnées pédestres duraient 8 jours. En 1909, il concevra le principe des «auberges de jeunesse» et obtient le droit d’utiliser les écoles inoccupées pendant les vacances. Un mouvement venait de naître : l’ajisme.
La première auberge de jeunesse (AJ) permanente dans le monde a été aménagée dans le château d’Altena (Westphalie) en Allemagne, pour remplacer «l’auberge» temporaire située dans l’école de Schirrman, qui crée avec Wilhem Munker la 1re association des AJ en 1919. «Comme nous ne pouvons pas transporter la campagne avec ses forêts, ses champs et ses prés… dans les villes étroites, il ne nous reste pas autres choses à faire que de rejoindre la nature dans le jardin de Dieu, et aller voyager à l’air libre ! Il faut commencer par la jeunesse qui va à l’école…»
Cet appel de Schirrman est entendu et traverse toute l’Europe. Et, chemin faisant, le mouvement s’étend même au-delà. Les jeunes voyageurs peuvent trouver ainsi de plus en plus de gîtes où ils pouvaient rencontrer d’autres jeunes de différents horizons. Mais la seconde Guerre mondiale est déclenchée et ce n’est qu’en 1945 que le mouvement renait de ses cendres avec la fondation de la Fédération internationale des auberges de jeunesse (International youth hostel federation-IYHF) qui devient un mouvement internationaliste touristique, mixte, socioculturel, indépendant et démocratique.
De nos jours, en plus des jeunes, les familles constituent une clientèle apparue dans les AJ, attirées par les prix qui y sont pratiqués et les règlements moins rigides. Les dortoirs sont transformés en chambres et des espaces de restauration et cafétérias y sont aménagés. Le tourisme associatif propose aux jeunes et moins jeunes une découverte à la fois de qualité, à visage humain et intelligent. Les ajistes d’un jour reviennent toujours, mais avec leurs familles, vu le caractère unique des AJ, seul réseau mondial de relais de tourisme pour jeunes, qui les oblige à être toujours meilleurs et fidèles à leur philosophie. La jeunesse représentait en 2019 plus de 35% des voyages internationaux, et totalisait plus de 290 millions d’arrivées internationales, selon l’OMS, et aurait pu atteindre les 300 millions en 2020 si ce n’était la pandémie de Covid-19. Pour adhérer à ce mouvement ajiste, il suffit de se présenter dans n’importe quelle AJ, où une carte internationale d’adhérent vous sera délivrée contre 150 dinars (prix 2019) seulement et présentation d’une pièce d’identité. Le prix des nuitées varie entre 400 et 500 dinars. Jeunes et moins jeunes peuvent aller à la découverte de notre pays ! Du Nord au Sud, d’Est en Ouest, où plus de 200 AJ nouvelles (3e réseau Mondial) rivalisent avec les hôtels. Le monde change, les auberges de jeunesse aussi, non seulement en Europe, mais même en Algérie. Toutefois, avant de partir, il faut s’assurer qu’il y a de la place ! Par ailleurs, durant cette pandémie de coronavirus, toutes les auberges de jeunesse sont fermées.
Cependant, qu’en est-il de la gestion de ces infrastructures ?
Bien que la FAAJ ait été dans un mouvement constant jusqu’à sa suspension en 2006 pour non mise en conformité par rapport à la loi 90/31, alors que les nouveaux statuts avaient été rédigés et approuvés par son assemblée générale à Blida, et déposés à deux reprises au ministère de l’Intérieur par le secrétaire général, mais rejetés; le président s’était alors engagé en réunion du Bureau à le faire, les AJ ont alors végété jusqu’en janvier 2008. Entre directives et directoire, la Faaj a été réactivée par la tutelle, mais sans faire appel à la mémoire de ceux qui ont fondé le réseau en Algérie et tout fait pour que de nouvelles AJ telles qu’on en trouve aujourd’hui soient réalisées pour ne rien envier aux autres pays, et où une dynamique s’était instaurée avec la tutelle jusqu’en 2002. Il était déjà question de la classification des AJ et le symbole retenu avait été le palmier, arbre symbolique de notre pays. Mais ce projet rédigé, discuté et approuvé est resté dans les tiroirs des responsables du ministère jusqu’en 2016. Ce n’est qu’au passage du ministre, El Hadi Ould Ali, qu’il en ressortira pour être signé et publié en 2016 avec date butoir 2018 pour son application, mais à ce jour non mis en exécution. Pourquoi ?
Aussi une question demeure et tout le monde se demande aujourd’hui au sein même du réseau ce que sera le statut juridique et la gestion financière des auberges de jeunesse en Algérie. La croissance du réseau exigeant une gestion de plus en plus professionnelle aussi bien de la Fédération que des auberges de jeunesse, ainsi qu’une excellente communication avec et entre les associations membres ainsi que les personnels des AJ.
Le rôle de chaque acteur et intervenant doit être défini (MJS-DJS-Odej-Faaj-AAJ-AJ). Il devrait être établi clairement ce que chacun attend de l’autre et quel devrait être le rôle de chacun (ministère et ses directions de wilayas, Odej-Fédération / Odej-AJ / Faaj-AAJ et Faaj-AJ). A ce jour, la Faaj est mise en veilleuse depuis plus d’un an à cause de sa démarche de somnambule vers un avenir d’opportunités perdues et de graves instabilités potentielles.
Le logo de la Fédération internationale (Hostelling international) est devenu qu’un symbole de crédibilité que les DJS affichent sur les façades des structures avant même que ces dernières soient homologuées. Le comble il est fait référence à la fois au MJS, DJS et Odej, mais pas à la Faaj alors que c’est cette dernière qui représente Hostelling international en Algérie. Au fait, la Fédération est-elle toujours membre de cette instance internationale ?
De plus les partenaires directs (DJS-Odej) s’attachent actuellement à contenir les auberges de jeunesse plutôt que de résoudre les problèmes sous jacents. Le maintien du statut-quo risque d’exposer le réseau à une sous performance. Un programme de mesures est donc nécessaire et devrait être fondé sur la réalité et constitué en des actions permettant de remédier à cet amalgame.
Cela ne sera pas chose aisée, d’autant plus qu’il existe un véritable fossé entre les directeurs d’AJ et directeurs d’Odej qui soulèvent certaines interrogations quant à la bonne compréhension de la mise en application du rattachement des auberges de jeunesse à cet établissement public de wilaya considérant que celles-ci font des recettes et dépenses, non budgétisées, et ne peuvent prétendre à l’ouverture d’un compte bancaire en qualité de structure annexée. Depuis, le rôle des associations ajistes a été complètement ligoté, et lorsqu’elles existent ce n’est que pour bénéficier des avantages liés aux sorties de découvertes par le biais des subventions que la DJS octroie par le biais du Fonds de wilaya. Et pourtant, lorsque Madame Leïla Aslaoui dirigeait le ministère de la Jeunesse et des Sports, nous lui avions proposé un projet de gestion par les jeunes par le biais des associations (expérimentées au niveau de l’auberge de jeunesse Hassiba Ben Bouali d’Alger, celle-ci relevait directement de la Fédération à l’époque, durant une année avec résultats probants) auquel elle avait donné son avis favorable, mais ce dernier n’a jamais vu le jour sur le terrain. Pourquoi ?
Pourtant, cette gestion par les jeunes (après une formation spécifique) pourrait créer un nombre important de postes à leur profit au niveau des différents axes que propose la Fédération (circuits, week-end, billetterie, cafétéria, restauration, accueil et hébergement, entretient, etc.), et la rendre encore plus crédible.
Pour ce faire, il a été proposé à tous les ministres de la Jeunesse et des Sports depuis 2015 à ce jour, la mise en place d’un groupe de travail auquel seraient conviés des pionniers et sympathisants, guidés par le seul intérêt des auberges de jeunesse afin de sauvegarder la Fédération. Ceci demeure à la portée pour peu que toutes les bonnes volontés s’unissent et travaillent pour le bien du pays. Il ne s’agira pas de faire des propositions de changement uniquement, mais surtout du comment les faire appliquer par tous et au profit de tous.
Ce processus de renaissance est indissociable de l’amélioration de la Fédération qui doit se renouveler en se modernisant et en s’adaptant aux nouvelles technologies, et, pourquoi pas devenir une association reconnue ¬d’UTILITÉ PUBLIQUE.
On ne peut certes rattraper le temps perdu, mais on peut essayer de ne pas perdre le temps qui reste. Il n’est jamais trop tard pour un nouveau départ, l’essentiel est de rendre la joie à notre jeunesse. Malheureusement chez-nous, proposer provoque l’exclusion.
À bon lecteur, salutations.
R. R.
(*) Ex-inspecteur Jeunesse, Secrétaire général FAAJ jusqu’en 2002. Membre fondateur de la FAAJ et du Groupe de travail de la Fédération internationale (IYHF) pour le développement des auberges de jeunesse dans le bassin méditerranéen.
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Posté Le : 12/11/2020
Posté par : rachids