Algérie

Ces enfants qui travaillent



Combien sont-ils ces enfants à Oran ou dans d'autres villes du pays à avoir intégré le monde du travail à un âge précoce ? Aucune institution n'a malheureusement pu se prononcer avec exactitude sur le chiffre. A l'instar de l'Algérie, les autres pays émergents du monde ne disposent d'aucune statistique à cet égard, en partant du principe que l'on ne saurait inclure dans des données officielles, une situation qui n'est pas censée exister. Même certains pays développés, qui s'efforcent de recenser les enfants au travail, ont buté sur de grosses difficultés. La principale raison est qu'une grande partie de ce travail est « invisible », cachée dans le secteur non structurel, à l'intérieur des maisons, au foyer même de l'enfant ou encore dans les champs. Dès lors, les estimations peuvent présenter d'énormes différences.

 Toujours est-il que le phénomène d'enfants travailleurs à Oran est constaté de visu dans les marchés et autres endroits publics. C'est généralement la pauvreté qui pousse ces bambins à travailler, avec l'accord de leurs parents, en majorité chômeurs ou sous-employés, ou encore à la recherche d'un travail avec un revenu sûr. L'ironie du sort veut que c'est à leurs enfants qu'on offre des emplois, car faciles à exploiter et ne rechignant pas devant un salaire dérisoire. « J'ai proposé à son père un travail dans mon atelier de confection. Je lui ai fait comprendre qu'il ne sera pas assuré et évidement non déclaré à la caisse de retraite. Moi-même j'exerce dans la clandestinité », a confié le gérant d'un atelier, sis dans le quartier Derb, qui emploie des mineurs des deux sexes. Ce cas n'est pas isolé à Oran où des dizaines d'enfants se font exploiter dans des usines et dans d'autres secteurs chez des privés généralement. Certains transporteurs privés font appel à des adolescents en qualité de receveur sans se soucier manifestement des conséquences.

 Le regard éveillé et constamment aux aguets, certains commencent à sillonner, dès les premières heures de la matinée, les rues et les cités de la capitale de l'Ouest. Leur mission est de faire les poubelles et autres dépotoirs pour ramasser des objets recyclables ou du pain rassis qu'ils fourgueront à leurs exploiteurs. Ces derniers installés généralement dans les localités limitrophes de la ville, leur offrent en contrepartie le gîte et la nourriture avec, évidement, une ponction sur le prix du produit rapporté. Selon des informations concordantes, ces bambins sont issus en général de familles vivant au-dessous du seuil de pauvreté et/ou abandonnés dès leur jeune âge par leurs parents pour de multiples raisons relatives à de fâcheux concours de circonstances. Ce qui est certain pour la grande majorité des cas, c'est qu'ils n'ont jamais mis les pieds dans un établissement scolaire.

 « Je n'ai jamais connu mon père. Ma mère m'a confié à une femme alors que j'étais encore bébé. Au début, elle venait de temps à autre me voir. On m'a dit que j'avais à peine trois ans, lorsqu'elle a subitement cessé de venir me voir. Je n'ai plus entendu parler d'elle. La bonne femme à laquelle m'a confié ma mère m'exige de travailler pour payer ma nourriture et le gîte au même titre que d'autres enfants, vivant chez elle, qui ont été abandonnés par leurs parents », a confié un jeune revendeur de sachets, âgé d'à peine 11 ans, domicilié chez sa «bienfaitrice», rue des Aurès (ex-La Bastille). Nombre d'enfants qui lui ont été confiés, plus de 20 ans auparavant, vivent toujours sous son toit. Elle a même réussi à unir deux couples d'enfants abandonnés, et qui viennent lui rendre visite à chaque occasion.

 Près d'une centaine d'enfants, nés hors mariage et abandonnés par leurs parents, sont pris en charge chaque année par la direction de l'action sociale de la wilaya d'Oran. Certains sont placés dans des structures d'accueil et d'autres sont confiés à des familles postulantes au titre de la kafala. Un nombre dérisoire d'enfants ont été finalement récupérés par leurs mères biologiques. Il importe de signaler dans ce contexte que des cellules de veille ont été installées dans le cadre d'un plan national pour la lutte contre la délinquance juvénile. Ces cellules sont assignées à porter assistance aux enfants abandonnés et les prévenir contre les dangers de la rue. Des possibilités de formation professionnelle en faveur des enfants exclus du cursus scolaire sont également inclues dans ce plan.




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