Algérie

Ces auxiliaires jaloux de leur indépendance



Ces auxiliaires jaloux de leur indépendance
Jour de Mawlid Ennabawi. Pour certains, ce n'est pas férié. Depuis le début de la matinée, le siège de la Chambre régionale des huissiers de justice de l'Est ressemble à une ruche en effervescence.Les membres du bureau, venus de plusieurs wilayas, sont réunis dans ce local flambant neuf, sis à l'entrée de la ville nouvelle Ali Mendjeli. A l'ordre du jour, plusieurs points parmi lesquels un exposé de l'ingénieur informaticien chargé d'élaborer un logiciel d'assistance aux huissiers. Ici, on entend bien moderniser les méthodes, rationaliser les moyens et surtout, unifier les procédures.Voici une profession qui n'hésite pas à progresser et à optimiser son organisation afin de conquérir une position meilleure dans l'échelle professionnelle et sociale. Quête obstinée, active et inlassable que ces auxiliaires de justice poursuivent depuis 20 ans. Le sacerdoce se conjugue à l'impératif social.Car le métier d'huissier de justice reste méconnu en Algérie quand il n'est pas simplement mal vu. «Elloussi». Les Algériens demeurent stigmatisés par l'image de cet officier de l'administration coloniale qui vient exécuter des jugements, souvent arbitraires.Au lendemain de l'indépendance, le ministère de la justice de la république naissante annexe la profession conformément aux principes du socialisme. L'huissier devient un fonctionnaire subalterne chargé de l'exécution des jugements. L'histoire retiendra l'échec du modèle pour avoir, entre autres, négligé le chapitre exécution qui s'avèrera être un maillon fort dans le processus judiciaire.Ce n'est qu'avec la loi n° 91-03 du 8 janvier 1991 que la profession s'émancipe et prend son élan. Face à la résistance de la société en général, le paternalisme de l'Etat et la rivalité des corporations juridiques, la profession émerge lentement mais surement grâce à une dynamique irrésistible et beaucoup de sacrifices. A retenir que la corporation a payé son tribut de victimes emportées par le terrorisme islamistes des années 1990.Dynamique éprouvéeLe dispositif législatif régissant la profession évolue aussi grâce à l'implication des professionnels dans l'élaboration des textes. En 2006, une nouvelle loi (n° 06-03 du 20 février 2006, portant organisation de la profession d'huissier de justice) soumise d'abord à débat aux professionnels, vient apporter des correctifs à certaines insuffisances contenues dans le texte organique de 1991.Des décrets exécutifs, signés en 2009, complètent un ensemble qui flatte l'égo des huissiers. «L'Algérie occupe la première place concernant la qualité des textes régissant le fonctionnement de l'exercice du métier de huissier de justice», déclare le président de la Chambre nationale des huissiers de justice (CNHJ), Me Djane Hamed Sid Ahmed. «La nouvelle loi a été même adoptée par des pays arabes comme texte de référence. Certains pays sont même en train d'étudier la possibilité de copier cette loi, considérée comme modèle», se complimente Me Saci Sekkache, président de la chambre régionale des huissiers de l'Est.Sur le terrain, l'amélioration se vérifie à travers le taux d'exécution qui après avoir stagné autour de 50%, grimpe en flèche jusqu'à exécution de la quasi-totalité des jugements. Un trophée précieux, accroché désormais au tableau de chasse des huissiers qui arrachent le respect des autres agents juristes. La dynamique propulse les huissiers algériens sur les podiums internationaux ; aujourd'hui, l'Algérie assure la vice-présidence au sein de l'Organisation internationale des huissiers de justice. En décembre dernier, les participants algériens au colloque international tenu à Tunis ont fait des interventions très appréciées et largement commentées par la presse.Pare-chocsLe métier poursuit sa mutation et accumule les acquis. Le nouveau code de procédure consolide le rôle de l'huissier de justice et lui confie de nouvelles prérogatives, notamment la mission de médiateur évitant le recours aux tribunaux. Il est aussi chargé de prodiguer assistance judiciaire aux personnes incapables d'en payer le cout. Mais tout n'est pas radieux. «Les huissiers subissent un stress énorme ; ils ont peur de la violence des justiciables et de la main lourde de la justice en cas d'erreur», tempère maître Saci Sekkache, qui dévoile les lignes rouges d'une mission délicate. En effet, sur terrain, les chemins de l'huissier sont semés d'embuches. Lors d'une mission d'exécution à Biskra, Me Mohammed Hammadi, ex président de la CNHJ, a échappé de justesse à une agression à la hache de la part d'un justiciable condamné par le tribunal local. Les cas de violence à l'encontre des huissiers en service sont légion. Trop de risques contre très peu de sécurité.Le législateur encourage l'huissier à déposer plainte en cas d'agression, physique ou verbale. «Mais quand on rédige un PV d'agression, au lieu de nous croire sur parole, le juge nous demande des témoins. Je suis officier public, mais pas quand il s'agit de moi-même !», s'indigne Me Elkhayer Bougarn, relatant ses propres mésaventures et celles d'un confrère de Sétif condamné par le tribunal après avoir été agressé en pleine mission, faute de témoins. Ce sont les contradictions du système. Un système auquel en veulent les huissiers pour leur avoir manqué de soutien. «Nous constituons un pare-choc ; si nous sommes cassés sur terrain, vous allez recevoir le choc dans vos bureaux», crie Me Bougarn à l'endroit des magistrats. Les huissiers se rebiffent et se plaignent d'un nombre d'ennuis qui entravent encore l'exercice de leur mission (lire l'entretien avec Me Sekkache).Mais ces grains de sable qui font grincer la machine ne semble guère altérer les ambitions d'une corporation qui a le vent en poupe et entend consolider ses acquis.




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