Algérie

«Certaines expériences passées ont eu un impact négatif sur le secteur» Omar Zeghouane. Directeur général de l'ITGC



«Certaines expériences passées ont eu un impact négatif sur le secteur» Omar Zeghouane. Directeur général de l'ITGC
Spécialiste des grandes cultures, directeur de l'Institut des techniques des grandes cultures (ITGC) et désigné chef de file du pôle « savoir et connaissance» à l'exposition agricole qui s'est tenue du 18 au 24 février aux Pins maritimes, Omar Zeghouane évoque dans cet entretien les objectifs et les défis du secteur agricole à moyen et long termes, particulièrement dans les domaines des céréales, de la pomme de terre et autres produits de large consommation.
-Quel bilan peut-on tirer de l'évolution du secteur de l'agriculture, cinquante ans après l'indépendance '
C'est 50 ans de labeur et le résultat est là. C'est plus de production, plus de qualité et d'intégration, mais aussi plus d'engagement et de participation des agriculteurs, créateurs de richesses. L'autre résultat, c'est aussi cette production permanente, disponible toute l'année. Les chiffres parlent d'eux-mêmes, confirmés par les statistiques. Le progrès a été observé de manière exceptionnelle ces quatre dernières années. Cette évolution a été exponentielle pour certains produits. Si je prends l'exemple des céréales ' un des produits que je maîtrise le mieux ' je dirais c'est plus de 50 millions de quintaux de production annuelle moyenne, alors qu'entre 2000 et 2008 c'était 32 millions et avant 2000 encore moins, à savoir 24 millions de quintaux.
Donc nous avons presque doublé la production ces quatre dernières années avec une croissance de 70%. C'est le même cas pour ce qui est de la tomate, de la pomme de terre ou des autres légumes. Il faut noter aussi que ce progrès a été accompagné d'une amélioration qualitative. Nos produits sont de bonne qualité car beaucoup de nos productions restent biologiques. Tel est donc ce que nous voulons démontrer à travers cette exposition. Certes, nous pouvons faire mieux et, sur ce plan, nos objectifs sont plus ambitieux que ce soit en céréales, lait, pomme de terre, viandes ou arboriculture fruitière.
Par exemple, en céréales, notre objectif à l'horizon 2025 est d'accroître la production et d'aller jusqu'à 30 quintaux à l'hectare au lieu de 17q/ha aujourd'hui. Donc il s'agira de multiplier les rendements par deux presque. Ce progrès a été réalisé et se poursuivra grâce à tous les partenaires qui interviennent chacun dans son domaine. Certes, la plus grande part de travail incombe au secteur de l'Agriculture et du Développement rural de par son intervention, mais nous avons avec nous, par exemple, le ministère des Ressources en eau, pour ce qui est de l'hydraulique agricole, le ministère de l'Energie et des Mines pour le développement des énergies renouvelables, notamment dans le Sud. Durant ces 50 ans, le secteur de l'agriculture a également permis la création de dizaines de milliers de postes d'emploi.
-Un rendement de 30q/ha à l'horizon 2025 suffira-t-il pour répondre à la demande en tenant compte de la croissance démographique '
Une moyenne de 30q/ha suffira dans la mesure où les céréales couvrent en moyenne 3,5 millions d'hectares, ce qui représente quelque 100 millions de quintaux par an ; nos besoins n'atteindront pas ce niveau à cette échéance si l'on tient compte, bien évidemment, de l'évolution démographique de la population. Actuellement, nos besoins sont déjà couverts par la production locale à hauteur de 70% en faisant le calcul sur la base des résultats obtenus ces quatre dernières années ; il ne reste que 30% des besoins qui sont couverts par les importations.
-Durant ces 50 ans, le secteur agricole a subi plusieurs réformes, parfois d'inspiration libérale, parfois plus collectiviste ou socialiste. Ces changements radicaux n'ont-ils pas eu d'effets contreproductifs sur le secteur, notamment en termes de préservation du foncier '
Oui et non. Pour ne pas aller loin, depuis l'année 2000, nous sommes passés par le PNDA (Plan national de développement agricole, ndlr), puis le PNDAR pour le développement agricole et rural et aujourd'hui nous sommes avec le Programme de renouveau agricole et rural. Pour nous, ces trois programmes ont eu un impact positif avec un objectif permanent et prioritaire qui est de produire plus et mieux. En d'autres termes, produire durablement tout en préservant nos ressources naturelles, que ce soit nos sols, notre biodiversité, ce qui se fait à travers l'implication de différentes institutions comme la DGF, le HCDS, l'ANN et autres. Certes, dans le passé, il y a eu des impacts négatifs de certaines expériences.
-Si l'on fait allusion à la révolution agraire et à la libéralisation du marché foncier en 1990'
La révolution agraire a eu beaucoup de points positifs qu'il ne faut pas omettre. Elle a permis l'accès au foncier à beaucoup d'agriculteurs. Mais ce qui a limité sa portée, c'est le fait qu'elle n'a pas bénéficié d'accompagnements sur le plan financier. Mais à travers ce qui se fait actuellement, nous tentons de répondre à ces insuffisances en garantissant, d'un côté, aux agriculteurs le foncier, à travers les concessions ou la création de nouvelles exploitations, ce qui permet aux exploitants de travailler et d'investir dans la tranquillité.
D'un autre côté, l'Etat assure le financement, à travers les subventions et autres soutiens à la production. Aujourd'hui, l'agriculteur reçoit 4500 DA pour un quintal de blé dur produit et livré à l'OAIC, alors que sur le marché international son prix est 40% moins élevé. C'est autant pour le blé tendre ou l'orge. Il faut noter aussi qu'aujourd'hui, l'Etat est présent sur le terrain pour appuyer en permanence les producteurs. C'est vrai, tel qu'il est aujourd'hui, l'encadrement n'est pas suffisant. Pour un pays aussi vaste que l'Algérie, le défi est de renforcer la formation pour avoir un maximum de cadres à mettre sur le terrain.
-Mais pourquoi l'aspect traditionnel et artisanal caractérise-t-il toujours le secteur '
Le caractère traditionnel prédomine dans le domaine des produits de terroir et continuera d'exister puisque c'est nécessaire, sachant qu'il y a des méthodes et un processus qu'il faut maintenir pour que le produit garde son cachet. Mais, de notre côté, ce que nous essayons de faire, c'est de mettre en synergie ce côté traditionnel avec le côté moderne pour ne pas perdre notre production et ses spécificités. Nos recherches en la matière visent à améliorer ce que nous avons de traditionnel et à introduire de nouvelles technologies pour moderniser davantage la production.
Nous avons nos propres variétés locales dont nous essayons de développer et améliorer la production, mais, en parallèle, nous travaillons pour développer des variétés modernes pour l'intensification des rendements, la création de valeur ajoutée et garantir des bénéfices aux agriculteurs. Alors, si on appréhende les choses de telle manière, il n'y a pas d'opposition entre le traditionnel et le moderne.
-En aval, les capacités de transformation existantes, à savoir les industries agroalimentaires, demeurent insuffisantes pour une bonne prise en charge de la production agricole. Quelles sont les projections en la matière '
Le processus de mise en place d'une industrie de transformation est en cours. Il s'agit de moderniser les infrastructures existantes et d'en créer d'autres afin de capitaliser et valoriser nos productions. Cela se fait avec un objectif principal : assurer la sécurité alimentaire en garantissant la disponibilité et une meilleure qualité des produits au consommateur. Pour certains produits, nous avons atteint l'autosuffisance ces dernières années ; pour d'autres, nous avons besoin d'importer, ce qui est tout à fait normal. Aucun pays au monde n'a atteint l'autosuffisance, ni en Europe ni en Amérique.


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