Algérie

Céréales, l'autre bataille de la baguette



La bataille de la baguette de pain resurgit brusquementdans l'actualité politique nationale. Plus en Algérie que sur le marchéinternational, où les cours ont flambé durant ces dernières semaines.Le blé est une denrée hautement stratégique. Et cettematière première peut être à la base de tous les enjeux politiques etéconomiques. Sur les marchés internationaux, le cours du blé a atteint les 800dollars la tonne, selon le ministre de l'Agriculture, M. Saïd Barkat,interpellé sur la crise actuelle qui prévaut sur le marché local.Le ministre a annoncé, pour calmer les appréhensions desagriculteurs, que le gouvernement a accepté de mettre la main à la poche pouracheter la récolte locale aux céréaliculteurs sur la base des prixinternationaux. Une mesure qui aura son poids politique, mais qui a surtout ledésavantage de supprimer la subvention que perçoivent les agriculteurs del'Etat à titre d'encouragement.M. Barkat, en mentionnant cette précision aux agriculteurs,signifie ainsi que «l'Etat-providence» est prêt à se retirer de ce marché, dèslors que les enjeux deviennent autrement plus préoccupants. Bon an, mal an,l'Algérie, un pays dont les rendements sont les plus dérisoires de ce côté-cidu Maghreb (12 q/ha), produit seulement 40 millions de quintaux en moyenne par an,soit 400 tonnes de céréales. Or, les besoins de l'Algérie, qui tournent autourde 1 million de tonnes par an, coûtent chaque année une enveloppe de plus de 2milliards de dollars.Avec le renchérissement des prix sur les principauxmarchés, notamment américain, la facture céréalière de l'Algérie pourraitfacilement atteindre les 4-6 milliards de dollars. Un prix à payer très lourdinduit par l'incapacité du secteur agricole à sortir de ses marasmes et de sescontradictions structurelles, et surtout à éviter le piège des crises mondialesqui secouent en permanence certains marchés sensibles. Le pétrole, les céréaleset les métaux, dont le cuivre, étant de parfaits exemples de l'instabilité etde la fragilité de l'économie mondiale.La mesure prise par le gouvernement de racheter selon lescours du marché international la production des céréaliculteurs résoudra-t-ellepour autant ce problème incurable de l'improductivité de l'agriculturealgérienne et de son incapacité à s'adapter aux grandes mutations agrairesmondiales ? Pas évident. Le secteur agricole étant, depuis quelques années,incapable de répondre à la demande nationale pour les produits stratégiquescomme les céréales, les oléagineux (huiles), le lait, en dépit des centaines demilliards de dinars investis par l'Etat à travers le fameux FNDRA.Et au rythme de l'amplification de la crise céréalièremondiale, il y a fort à parier que les prochains mois seront décisifs quant àcette stratégie du gouvernement de gérer une situation dont les solutionsdépendent de fonds spéculatifs sur les marchés des céréales américains etcanadiens. En 2007, la Chine a presque raflé la majeure partie de la productioncéréalière mondiale, et les prévisions de production pour 2008 ne sont pasencore établies avec certitude, ce qui laisse le champ libre à toutes lesspéculations.Le ministère de l'Agriculture aura-t-il les ressortsnécessaires pour gérer cette période de tension sur l'une des matièrespremières les plus stratégiques ? Aux Etats-Unis, gros producteur etexportateur de céréales d'hiver, le vol de blé est en passe de supplanter celuidu cuivre. Le phénomène est apparu cette semaine dans l'Arkansas et l'Oklahoma,selon des journaux américains qui parlent d'épidémie. En Algérie, ce type de voln'existe pas, le contraire aurait surpris. Faut-il, dès lors, compterindéfiniment sur la manne pétrolière pour déguster un bon couscous ?


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