Algérie

Centre d'études maghrébines : stratégie des langues dans les textes fondateurs Culture : les autres articles



«Parler des langues, c'est aussi faire de la politique», admet le professeur Lakhdar Barka Sidi Mohamed en préambule à la conférence qu'il a donnée au Centre d'études maghrébines (CEMA).
C'était pour mettre en avant la difficulté qu'il y a à cerner une problématique dont le débat est considéré, d'emblée, comme infini. «Il est pratiquement impossible de parler de la carte linguistique sans poser, par essence, un problème politique», ajoute l'universitaire de la section anglais du département des langues étrangères d'Oran. Néanmoins, l'objet de son intervention est plus circonspect avec «Les stratégies de langues dans les textes fondateurs (et fondamentaux) en Algérie».
Par textes fondateurs et fondamentaux, on entend la proclamation du 1er Novembre 1954, la plateforme de la Soummam, le Projet de programme pour la réalisation de la Révolution démocratique populaire (Tripoli, CNRA, juin 1962), la Charte de 1963 et 1976, la charte pour la paix et la réconciliation nationale de 2005, la plateforme d'El Kseur de 2001 et, enfin, les Constitutions. Les textes fondateurs se distinguent des Lois fondamentales par le fait que les premiers sont produits par les acteurs de l'histoire (généralement un groupe restreint) afin d'expliquer une action (le cas de la proclamation du 1er Novembre), alors que les secondes répondent ou devraient répondre à un consensus social, telle la Constitution qui est censée traduire l'esprit d'organisation d'une nation autour d'un ensemble de valeurs partagées.
En analysant son corpus, le professeur Lakhdar Barka fait ressortir trois âges liés à cette idée de langue. En précisant que les frontières temporelles sont difficiles à cerner, il distingue un âge de la crispation identitaire, un âge de la crispation liée à la graphie et, enfin, un âge de la communication et de la conscience discursive.
Même si les évolutions ne sont pas forcément linéaires, ce triptyque rend compte et donne une idée de la manière avec laquelle le statut des langues a été traité en Algérie. La référence à la civilisation arabo-musulmane, comme élément identitaire qu'on va opposer au départ aux valeurs imposées par la colonisation, a conféré une dimension sacrée à la langue arabe qui va se retrouver dans certaines décisions prises ultérieurement, alors que le pays avait déjà recouvré sa souveraineté.
Le chercheur évoque la loi promulguée, dans les années 1970, prohibant la transcription de cette langue avec des caractères autres que les siens et les interdictions liées à l'usage des autres langues dans certains secteurs, au fur et à mesure que la politique d'arabisation avançait. L'aspect autoritaire et le caractère non négociable inhérents au ton utilisé dans la formulation des textes ont été soulignés, passages à l'appui, par le conférencier qui explique que cette attitude a eu comme conséquence d'évacuer tout débat sur le statut des langues étrangères d'une part, et celui de l'arabe parlé et de la langue amazighe d'autre part.
Durant la guerre de Libération, il y a eu pourtant une évolution remarquable entre la Déclaration de Novembre et la Plateforme de la Soummam, la première étant une déclaration d'action et la seconde un consensus intellectuel (il cite Abane Ramdane) avec une capacité d'abstraction basée sur un référentiel idéologique qui, sans aller jusqu'à proposer des statuts particuliers, fait clairement référence à la culture populaire, sous entendant, en résumé, la prise en charge de l'arabe parlé et de la langue amazighe.


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