Algérie

Centre d'études maghrébines d'algérie (cema) : retour sur «le temps de la coopération» Culture : les autres articles



Centre d'études maghrébines d'algérie (cema) : retour sur «le temps de la coopération» Culture : les autres articles
Je suis venu en Algérie en juillet 1963 et c'est là que je me suis formé et ai appris beaucoup de choses.» C'est en ces termes que Jean Robert Henry, directeur de recherche au CNRS français, a introduit son intervention au Cema (Centre d'études maghrébines en Algérie) intitulée «Le temps de la coopération».
Le temps de la coopération, c'est aussi le titre d'un ouvrage collectif, codirigé par Jean-Claude Vatin, en collaboration avec François Siino et Sébastien Denis (Editions Khartala), centré sur les sciences sociales et retraçant les parcours et les regards que portent, aujourd'hui, quelques uns des acteurs, français et algériens, ayant vécu cette période. La coopération en Algérie, au lendemain de l'indépendance, a concerné non seulement plusieurs aspects de la vie mais aussi plusieurs nationalités. Cependant l'analyse proposée ici s'intéresse au domaine des sciences sociales et aux flux venus de France et qui formaient la quasi majorité des «contingents», dont l'âge en général n'excédait pas 25 ans.
Ce sont pour lui de jeunes diplômés en âge de maturation et qui découvrent, pour la plupart, un autre monde. «Nous étions entrés en contact avec de jeunes étudiants algériens qui avaient déjà un passé militant hors du commun», indique-t-il pour évoquer notamment des personnalités comme Ali Yahia Abdenour (très modeste et gentil, selon lui) et citer d'autres noms, à l'instar de Jaqueline Guerrouj ou Zohra Drif. L'attachement à construire un monde nouveau est également partagé par de jeunes Algériens revenus de l'étranger car, précise l'orateur, «ils sont seulement 500 étudiants à être formés en Algérie la veille de l'indépendance, contre 2000 à l'étranger, notamment dans les universités françaises».
Cette expérience humaine et professionnelle, quoique limitée dans le temps (années 1960/1970), est jugée enrichissante avec en prime le fait d'avoir contribué au renouvellement des sciences sociales et à l'histoire de l'université maghrébine et algérienne en particulier, référence aux travaux de René Gallissot.
Exprérence humaine
Cette catégorie n'avait pas de passé à refouler et c'est en ce sens que ses mémoires s'opposent à ceux des appelés, marqués par le traumatisme de la guerre et celui des harkis caractérisée par l'exil. Jean Robert Henry estime à une fourchette de 15 000 à 18 000 coopérants ayant débarqué au lendemain de l'indépendance, venus en quelque sorte remplacer les 40 000 fonctionnaires d'origine européenne qui ont quitté l'Algérie. Vu sous cet angle et pour accentuer le contexte favorable de l'époque, il considère que cela a fonctionné comme si «la tare du colonialisme était partie avec tous ces colons et ces pieds-noirs qui ont rejoint la métropole, cédant la place à une population rêvant d'un monde nouveau orienté vers le développement».
Complexe, ambiguë et paradoxale sont cependant les qualificatifs mis en avant pour décrire cette période de coopération massive liée à un lieu commun : le néocolonialisme. Une erreur réductrice, pour le chercheur français de l'Iremam (Aix-en-Provence) qui met en avant la différence d'approche entre ce qui a été le cas pour l'Algérie, comparé à la situation d'autres pays africains, là où la logique néocoloniale est plus marquée.
«De manière générale, Charles de Gaulle a voulu convertir la colonisation en coopération et, de fait, l'idée de la mission civilisatrice de la France (associée à la justification du fait colonial) s'est vu muer en aide au développement», explique-t-il, pour ensuite avancer l'idée d'une «poursuite en commun d'intérêts divergents.» L'utopie «développementiste» est jugée floue et polysémique. Toute proportion gardée, le milieu coopérant était cosmopolite, car incluant notamment les pays de l'Est, mais dont les acteurs n'avaient pas autant de liberté d'action et de parole que leurs homologues français. Ces derniers «avaient le c'ur à gauche mais n'étaient pas forcément, du moins pour beaucoup d'entre eux, des militants communistes», nuance-t-il, pour tenter de relativiser la notion de «pieds-rouges» avancée pour qualifier ceux qui sont venus en Algérie pour des considérations politiques ou idéologiques.
Il reconnaît néanmoins que certains, parmi les plus âgés des coopérants, avaient déjà un passé militant (porteurs de valises ou pas) contre la guerre d'Algérie. Il évoque les chrétiens progressistes, ceux qui se sont investis dans les missions sociales, motivés par l'idée de réconciliation et une sorte d'utopie saint-simonienne. Parmi les personnalités marquantes de l'époque, il cite André Mandouze (1916-2006), un moment à la tête de l'université d'Alger et Stephane Essel (1917-2013), diplomate chargé de la coopération en poste à Alger de 1963 à 1969. Parlant de sa propre expérience, Jean Robert Henry a d'abord fait le tour de l'Afrique avant d'opter pour l'Algérie, suite à la recommandation d'un diplomate algérien en poste à Conakry.


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