Algérie

CENTENAIRE DE LA NAISSANCE DE L'ECRIVAIN L'œuvre de Feraoun est encore à découvrir



CENTENAIRE DE LA NAISSANCE DE L'ECRIVAIN L'œuvre de Feraoun est encore à découvrir
«L'important, aujourd'hui, ce ne sont pas les hommages et les commémorations, mais plutôt que les gens acquièrent le goût de la lecture. Mouloud Feraoun a surtout besoin d'être lu, c'est le meilleur hommage qu'on puisse lui rendre.» Le propos est d'Ali Feraoun, le fils aîné de l'illustre écrivain disparu.
Il était l'invité d'une rencontre organisée par l'association El-Kalima pour la culture et l'information, en collaboration avec le club culturel Mouloud-Feraoun, à l'occasion de la célébration du centenaire de la naissance de l'écrivain martyr. La rencontre a eu lieu au centre culturel Azzedine Medjoubi, Alger, en présence d'un nombreux public composé en majorité de jeunes étudiants. Au programme, la projection d'un documentaire- vidéo de 26 minutes, réalisé en 1992 par l'université de Tizi-Ouzou (en coopération avec l'université de Poitiers) et qui retrace la vie de l'écrivain. Le débat qui s'en est suivi a été animé par Ali et Faïza Feraoun, avec la participation de M. Atatfa, enseignant à l'Ecole normale supérieure de Bouzaréah. Cela a permis de donner un certain éclairage sur Mouloud Feraoun et son œuvre, et sur ce qui reste à faire pour mieux les faire connaître. Lors de ces interventions improvisées (des réponses aux questions de l'assistance), le président de la Fondation nationale Mouloud-Feraoun pour l'éducation et la culture a ainsi fourni des sortes de flashs qui mériteraient un débat élargi aux spécialistes pour une réflexion beaucoup plus pointue. Par exemple, dira Ali Feraoun avec humour : «A Bouzaréah, les gens connaissent l'école Mouloud- Feraoun, mais ignorent l'écrivain.» Parce que, a-t-il souligné en substance, «les gens lisent de moins en moins, et ceux qui n'ont pas appris à lire ne liront jamais un livre». C'est pourquoi, «il faut apprendre à lire aux enfants, leur inculquer le goût de la lecture depuis le très jeune âge». C'est aussi ce qui explique la naissance, en 2013 de la Fondation national Mouloud-Feraoun qu'il préside. «Dans le cadre de cette fondation, ajoute-t-il, nous avons créé des clubs de lecture et d'écriture appelés Clubs Fouroulou. En plus des autres écrivains algériens, nous ferons en sorte de restituer Mouloud Feraoun à la jeunesse algérienne, car il n'est pas connu. Quant à son message, l'intérêt réside dans son œuvre et non pas dans la commémoration. Il est vital que les jeunes s'intéressent à la culture.» Pour Faïza Feraoun, professeur de sociologie à l'université de Bouzaréah, le message est d'autant plus actuel que «dans les ouvrages de l'écrivain, il y a un message pour la jeunesse». Notamment dans son Journal 1955-1962(publié en 1962) et qui éclaire plusieurs points de sa vie et de son œuvre. La fille de l'écrivain conseille aussi (et surtout) aux jeunes la lecture de la Cité des roses, publié en 2007 à Alger. Ce roman, écrit avant la mort de Feraoun, raconte l'amour d'un Algérien pour une Française courtisée par un pied-noir. L'histoire se déroule en 1958, et Feraoun y expose clairement la volonté d'indépendance de l'Algérie : «Il s'agissait pour nous de reconquérir notre liberté et d'être maîtres chez nous.» Faïza Feraoun relève que, dans la Cité des roses, l'écrivain «répond à toutes les questions qu'on lui a posé et à toutes les questions que les gens se sont posées». Quant à la méconnaissance de l'œuvre de son père, la sociologue tente cette explication : «Les Algériens le connaissent, mais ne l'ont pas lu. Parce que, après l'indépendance, le discours politique a pris le pas sur la culture, l'économie... Même le sport est politisé, hélas !» Elle relève pourtant que «depuis environ deux ans, le public commence à s'intéresser à la culture et à la littérature. De plus en plus d'étudiants proposent maintenant des thèmes d'approche littéraire et non plus politique. Ils s'intéressent par exemple à l'écrivain humaniste et universel plutôt qu'à l'écrivain engagé. Cinquante ans après son indépendance, l'Algérie se penche enfin sur son identité culturelle». Le professeur Atatfa abonde dans ce sens : «Mouloud Feraoun, ce n'est pas seulement l'écrivain que l'on découvre dans les manuels scolaires ou pour la dictée. Il y a un troisième niveau de lecture dans ce que son œuvre véhicule comme esthétique et simplicité. Un grand écrivain, c'est d'abord la clarté, la sincérité et l'émotion. Or, Feraoun écrivait avec son cœur, il écrivait ce qu'il ressentait. En plus, il a de l'humour. C'est un auteur attachant, qu'on a du plaisir à lire. Pour mieux le connaître, je conseille en particulier son Journal où on découvre des aspects insoupçonnés de sa personnalité». Largement reconnue en Algérie et dans le monde, l'œuvre de Mouloud Feraoun se situe parmi les grands classiques de la littérature algérienne. Le président de la fondation relève à ce sujet : «En 2007, on a dépassé le million d'exemplaires vendus dans le monde pour Le Fils du pauvre. Ce roman a été traduit dans plus langues, il y a à chaque fois une nouvelle traduction. Pour dire l'universalité de l'œuvre.» A tel point que, note encore Ali Feraoun avec cette pointe d'humour qui ne le quitte jamais, «on ne me présente à chaque fois que comme le fils de Feraoun et non comme l'agronome reconnu que je suis. A mon âge...» La fondation Mouloud Feraoun projette, par ailleurs, l'édition de la revue Fouroulouen avril prochain. Il est surtout envisagé la traduction en langue arabe de l'ensemble de l'œuvre du grand écrivain. «Pour que ses livres soient diffusés en Algérie et dans les pays arabes», espère Ali Feraoun. Pourquoi pas, lorsqu'on sait que le Journala été traduit en Egypte en 1968...


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