Algérie

Célébration du 1er Novembre à Tanalt (Tizi-Ouzou) Des témoins évoquent des souvenirs douloureux



Publié le 04.11.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie
S. A. M.

La population du village Tanalt, à une cinquantaine de kilomètres au sud-est de Tizi-Ouzou, a vécu, en ce 1er novembre 2024, une journée pas comme les autres, à l'occasion de la célébration du 70e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale.
Lors d'une rencontre initiée par l'association culturelle locale «Ath Yettura», des témoins ont évoqué leurs douloureux souvenirs remontant à cette époque. Ils ont relaté les exactions et les violences infligées par les militaires français et leurs supplétifs aux habitants de ce village.
Des faits auxquels d'aucuns parmi ces hommes et ces femmes étaient témoins ou acteurs directs et que certains d'entre eux ont subi dans leur chair. Chaque témoignage est un livre ouvert sur la mémoire de la révolution et la contribution de ces villageois, à l'instar de l'écrasante majorité des Algériens, à la lutte de Libération nationale. Femmes et hommes ont raconté ce qu'ils ont vu ou enduré : les tortures sous toutes leurs formes, la famine, l'humiliation qui rabaisse l'individu à l'indignité humaine, l'évacuation vers des sites de regroupement forcés des villageois qui ont assisté impuissants à l'incendie au napalm de leurs maisons. La rencontre qui a eu lieu à tajmaât, le même endroit situé au centre du village où se déroulaient les fameux regroupements des villageois, lors des rafles et des descentes des soldats français et des harkis, s'est transformée en une véritable séance d'anamnèse.
Une séance qui a permis à chacun de ces témoins de verbaliser des douleurs enfouies au fond d'eux-mêmes mais toujours vivaces. Leurs témoignages ont ravivé une mémoire traumatique et tatouée de souvenirs douloureux qui ont rejailli en flots continus dans la bouche de ces villageois, des veuves, fils et filles de chahids.
A plus de 80 ans, Nna Baya, épouse de Chioukh T., se souvient encore des longues séances de torture auxquelles elle a été soumise. Son seul tort : Ouamar, son frère aîné, a rejoint le maquis. Et les militaires français voulaient la forcer à dire où il se trouvait. La voix grave, le visage laissant transparaître une profonde émotion, elle raconte les atrocités qu'elle a subies. Elle n'avait que 17 ans lorsqu'elle a été emmenée au campement militaire d'Agueni Ouadella, situé à quelques kilomètres en haut du village. La vieille femme qui était alors à la fleur de l'âge a passé plusieurs jours en détention, subissant les pires sévices. Rien ne lui a été épargné : ingestion d'eau savonneuse, corvées de nettoyage et de lavage des effets vestimentaires des militaires et brûlures aux électrodes dont elle garde à ce jour des séquelles indélébiles. Les récits des femmes se suivent et se ressemblent. Toutes racontent les violences et les mauvais traitements auxquels elles étaient soumises ou qui ont été infligés à leurs parents ou à leurs proches. «J'avais 4 ans en 1957, et je me souviens de beaucoup d'événements qui se sont déroulés jusqu'à 1962», dira, pour sa part, Arezki Chikhi, inspecteur de l'éducation nationale à la retraite. Le récit de ce septuagénaire est émaillé d'anecdotes, d'événements tragiques et des exactions endurées par de nombreuses familles de ce village. Il témoignera de la prise de conscience de certains jeunes villageois, qui, à peine sortis de l'adolescence, ont fait des actes de bravoure, témoignant de l'adhésion massive du peuple algérien pour l'idée de l'indépendance et le recouvrement de la souveraineté nationale.
S. A. M.




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