Algérie

«Ce serait impossible d'utiliser les terres irakiennes pour envahir la Syrie» (II)



«Ce serait impossible d'utiliser les terres irakiennes pour envahir la Syrie» (II)
Situé dans une zone sensible du Moyen-Orient et vu son emplacement stratégique et ses richesses naturelles importantes notamment l'or noir, l'Irak a été souvent sujet de convoitise et de complots des lobbies occidentaux. Si l'Irak est aujourd'hui libre et a réussi à avoir son autonomie, il n'est guère facile d'imaginer son épanouissement politique et économique dans une région de turbulences. L'ambassadeur de la République d'Irak en Algérie, Ouday Al-Khairallah, nous a reçu jeudi dernier dans son bureau à Alger et nous a accordé cette interview dans laquelle il nous parle de l'Irak, de son vécu et de la situation critique que traverse la région en ces moments.
La Nouvelle République : Revenons au volet économique, précisément le secteur pétrolier. Qu'en est-il des sociétés activant dans ce créneau ' Ouday Al-Khairallah : Nous avons des sociétés nationales mais qui n'ont pas pu accomplir un grand travail dans cette période. Les moyens financiers existent, reste seulement la question du forage des hydrocarbures qui constitue l'étape la plus importante. Sachant que nos infrastructures étaient complètement détruites, nous avons fait des appels d'offres aux entreprises pétrolières étrangères, et ce, dans la transparence totale. Les agréments sont offerts à ceux qui proposent les prix les plus bas. Ce qui a fait la diversité de ces entreprises en Irak. Nous avons des entreprises venues de Chine, de Malaisie, de la Turquie et même des pays arabes comme le Koweït. Et pour les entreprises européennes et américaines ' Il y a des entreprises américaines et européennes mais elles sont souvent minoritaires, spécialement les sociétés américaines et ce, à cause de leurs prix. Nous nous sommes basés sur les prix proposés et non pas sur les partenariats et donc nous avons à remettre à ces entreprises un revenu précis pour chaque baril extrait. Cette stratégie nous a permis de garantir une mainmise sur tout le pétrole de l'Irak. Elle est considérée comme réussie et elle garantit les richesses de l'Irak pour l'Irak. Quelle est la capacité d'exportation de l'Irak ' L'Irak deviendra l'un des plus grands exportateurs de pétrole dans l'avenir. Il sera placé au même niveau ou dépassera l'exportation saoudienne. En ce moment, nos exportations ont dépassé les 2 millions de barils par jour et elles sont en hausse continuellement. Nous estimons atteindre les 3 millions de barils/jour au début de l'année prochaine et 5 à 6 millions dans une ou deux années. Afin de réaliser ces objectifs, des infrastructures sont en cours de réalisation. Nous avons deux ports flottants déjà construits d'une capacité de 800 milles barils/jour tandis que deux ou trois autres ports similaires sont en projet. Quel est le premier pays importateur du pétrole irakien ' Je n'ai pas une idée fixe sur le premier pays importateur du pétrole irakien. Mais ce que je peux vous dire, notre pétrole est fortement demandé par les pays asiatiques notamment la Chine et le Japon ainsi que quelques pays européens. Qui s'occupe de la commercialisation ' Le pétrole est une affaire stratégique pour l'Irak et donc la réponse est évidente. Il n'y a que l'Etat qui exploite cette richesse. Cela se fait-il aussi par des conventions ' Bien sûr qu'il y a des conventions selon les prix proposés par l'Etat. Ces conventions internationales se font avec les Etats ou les entreprises via le secteur en question en Irak et notre ministère du Pétrole. Nous avons aussi des entreprises étatiques «Société du Pétrole Nord» et «Société du Pétrole Sud» comme l'entreprise Sonatrach en Algérie et qui bénéficient d'une certaine autonomie et participent également dans la commercialisation. Mais tout passe par le ministère de Pétrole considéré comme institution souveraine en Irak. Passant à la sécurité et la présence des forces étrangères sur le territoire irakien. Peut-on parler d'un retrait définitif ' Toutes les forces britanniques puis américaines se sont retirées du territoire irakien. L'Irak entame peut-être une nouvelle ère que les autres pays n'ont pas encore atteint. L'Irak n'a laissé aucune trace de l'occupation américaine sachant que les Etats-Unis d'Amérique ont des bases militaires un peu partout dans le monde, notamment dans les pays qu'ils ont occupés auparavant comme l'Allemagne et le Japon. Aussi, elles existent, de gré, dans une partie des pays arabes ainsi qu'en Turquie. Ce que l'Irak a accompli sur ce point est dû à la citoyenneté de ceux qui s'en sont chargés durant cette période. Les négociations avec les Américains étaient très difficiles et jusqu'à présent certains membres du Sénat américain estiment que le retrait de leurs troupes était une grande erreur mais ils étaient forcés de sortir. Alors vous considériez la présence américaine comme occupation ' Bien sûr que c'était une occupation. Les Nations unies n'ont pas accepté cette invasion au début. Plus tard, elles en ont adopté une loi permettant aux Américains d'occuper l'Irak. Mais je peux vous dire que c'était une occupation dans toutes ses dimensions. Votre pays compte un nombre important d'ethnies souvent sujet de conflits. Comment se porte l'Irak aujourd'hui ' L'Irak était depuis des lustres en coexistence et malgré l'existence d'une différence et une diversité importantes en Irak, cela ne veut pas dire que les Irakiens ne s'aiment pas. Tout ce qui s'est passé était exporté par l'extérieur vers l'Irak. Nous ne faisons pas de différence entre ethnie ou religion. Nous nous aimons et nous aimons même nos invités étrangers. L'Irak a vécu une longue expérience et lorsqu'on a provoqué ces différends, cela a vite disparu car la coexistence prime. Le printemps arabe a eu un effet de serre sur plusieurs pays. Comment avez-vous évité ce scénario ' Le printemps arabe est toute une autre affaire. En Irak, il ne peut y avoir de printemps arabe. Que veut dire ce printemps ' Des élections ' Les élections existent. Que le peuple accomplisse son devoir 'Oui le peuple accomplit pleinement son devoir. Les doléances revendiquées par les peuples de ces pays, nous les avons devancées. Nous avons des élections libres exemplaires. Chez nous, la passation de pouvoir est pacifique. Nous avons tout ce que les peuples revendiquent : la liberté des personnes est garantie pour tout le monde, nous avons des pouvoirs juridiques, législatifs et exécutifs indépendants l'un de l'autre et notre pouvoir progresse. Vous voulez dire que l'Irak devance les pays arabes ' Oui, l'Irak est en avance sur les pays arabes et même par rapport à beaucoup de pays dans le monde. Cependant, l'application demande souvent de l'exercice. La théorie peut être créée en une journée mais son application nécessite de l'exercice et l'exercice demande de la sagesse pour comprendre ce que veut dire la liberté. En ce qui concerne les réfugiés syriens. Pourquoi avoir refusé de les accueillir avant de revenir sur cette décision ' La décision a été prise pour des raisons sécuritaires. Nous voulions éviter que des groupes d'Al-Qaïda pénètrent dans le territoire irakien avec les réfugiés syriens. Mais après la révision, c'est la question humanitaire qui a primé sur la question sécuritaire. Votre première décision, le refus, n'avait-elle pas de relation avec les déclarations de l'ambassadeur syrien à Baghdad «limogé», Naouaf el-Fares, ayant avoué avoir aidé des groupes d'Al-Qaïda à pénétrer dans les terres irakiennes à partir de la Syrie ' Nous en Irak, nous ne pensons pas à une réaction. Nous n'avons pas de réflexion systématique et je pense par conséquent que cette décision n'a rien à voir avec ces déclarations. Quel était alors l'impact de ces déclarations sur les relations irako-syriennes ' C'est un ambassadeur qui dépend de la Syrie et s'il y aurait des conséquences, ce sera sur la Syrie et non pas sur l'Irak. Il était ambassadeur en Irak en mission et représentait l'Etat syrien. Mais tant qu'il ne représente plus son Etat et qu'il a quitté l'Irak, alors il ne fait plus objet d'intérêt. Mais l'Irak le condamne... J'ai entendu qu'il a commis des fautes qui méritent une poursuite judiciaire. Avoir participé à faire entrer des troupes d'Al-Qaïda en Irak alors qu'il a assumé les fonctions d'ambassadeur au même temps, cela constitue une responsabilité qu'il doit assumer. Mais cette affaire n'est pas d'une grande importance. Ceci a créé dans un temps une crise entre l'Irak et la Syrie. Et il y aurait également d'autres pays qui peuvent être amis, frères ou limitrophes et qui se mêlent des affaires d'Irak mais nous nous comportons d'une manière sereine et avec sagesse. Nous ne voulons pas aggraver la situation, bien au contraire nous voulons la limiter tant que possible à travers des négociations. Nous sommes pour la compréhension et pour que l'Irak aille de l'avant malgré tout. Les médias avaient diffusé les déclarations de Naouaf al-Fares après celles de Mahmoud Souleiman Haj Hamad, ex-inspecteur financier auprès du chef de gouvernement syrien, portant sur un éventuel financement d'Al-Assad par l'Irak et l'Iran. Quelle est votre lecture ' En dépit de la source et de la destination de ces déclarations, l'Irak ne s'est pas mêlé des affaires de la Syrie en encourageant un clan contre un autre. La stabilité de la Syrie relève de l'intérêt de notre pays. L'Irak craint le dérapage en Syrie. C'est un pays voisin et ce qui s'y passe, engendre des conséquences négatives sur l'Irak. Mais nous pensions que cela relève des affaires internes et qu'il ne faut pas s'en mêler. Nous sommes aussi contre l'intervention des étrangers que ce soit pour venir en aide à l'armée libre ou à l'armée d'Al Assad. Nous sommes pour que tout le monde s'assoit pour se mettre d'accord, pour mettre fin à l'écoulement du sang et pour que la situation ne devienne incontrôlable. Y a-t-il un espoir pour que la situation se rétablisse en Syrie ' L'espoir existe mais tant qu'il y aura toujours une diffamation et des tentatives pour semer la discorde, la situation alors se dégradera. Mais c'est possible de calmer la situation en Syrie puisque beaucoup de ceux qui se battent le font par intérim. Etes-vous pour les revendications du peuple syrien ' Les peuples arabes ont aujourd'hui hâte à ce que le pouvoir soit le leur et à obtenir leur liberté et être au même niveau que les autres pays du monde, disons, pas à l'exemple des pays européens mais des pays de l'Asie de l'Est qui se sont développés dans un passé proche. Nous, en Irak, nous sommes les premiers à reconnaitre cela et nous le soutenons. Mais, il y a diverses façons de le clamer. Nous ne sommes pas avec le pouvoir qui s'accapare des décisions, ni avec le parti unique mais en même temps nous ne sommes pas pour alimenter les discordes
et créer des guerres internes qui mènent peut-être à un dérapage total ou à une guerre civile. Nous sommes pour la rationalisation et avec les droits des peuples mais dans un cadre pacifique. Est-ce que vous êtes contre Al Assad et les actes qu'il commandite contre son peuple ' Nous ne sommes contre quiconque mais contre le massacre aveugle. Où va la Syrie ' Même les USA n'avaient pas la réponse. La Syrie est un pays pivot et important qui partage des frontières avec Israël. Elle a un soutien régional. Les opposants aussi. Et alors l'affaire syrienne ne concerne pas que la Syrie. Votre positionnement est-il tiré de votre expérience avec les Etats-Unis ' Nous n'avons pas besoin d'expérience pour comprendre cela. Tous les pays et tous les dossiers dépendent d'intérêts. On parle des droits de l'Homme mais le but est d'obtenir des intérêts bien définis. On peut même enterrer les droits de l'Homme au nom des droits de l'Homme. On peut soustraire beaucoup d'argent d'un pays X au nom de la démocratie et les droits de l'Homme. Nous savons que les interventions dans un pays X ne s'inscrivent pas dans l'intérêt du peuple. Ce n'est pas que notre expérience, seulement, mais notre connaissance en ce sujet et cette connaissance est ancienne et ancrée. L'intervention étrangère en Syrie ne se fera pas pour la Syrie, ni pour l'opposition et ni pour la démocratie. Cela se fera pour des intérêts bien définis dans la région et le premier de ces intérêts est bel et bien le sionisme et l'existence d'Israël. Dans le cas où l'intervention étrangère aura lieu en Syrie, quelle serait la position de l'Irak et comment vous allez gérer cette situation ' Chaque chose en son temps. Parler de la manière dont nous allons réagir vis-à-vis de cet éventuel scénario, serait à l'heure actuelle trop tôt. Et si les pays étrangers veulent s'introduire en Syrie alors ils en sont capables. Ce qui nous intéresse en ce moment là c'est que cette opération n'inclut pas l'Irak. Nous ne voulons pas d'intervention et nous ne le permettons pas et ce serait impossible que les terres irakiennes soient utilisées dans ce but. Reste que cette affaire internationale est toujours divisée entre les deux pôles, la Chine et la Russie d'un côté et les USA et ses alliés de l'autre. (Suite et fin)


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