Algérie

«Ce qui ne t'appartient pas te fatigue !»



Choukry vient de me raconter une histoire qui donne peut-être à réfléchir. « Un jour, m'a-t-il confié, un ami est passé à la maison et m'a demandé s'il pouvait laisser chez moi un sac, le temps de régler des formalités administratives. « Et qu'est-ce qu'il y a dans ce sac '», j'ai pris la peine de l'interroger. « Dix millions de dinars !». Mon ami était entrepreneur et venait d'encaisser ce qu'on appelait, dans le jargon de son métier, une « situation ». Moins d'une semaine après, alors que je prenais un café en ville en compagnie d'un groupe de connaissances, quelqu'un nous interpella : «Vous ne savez peut-être pas encore la triste nouvelle ' Bachir est mort hier!». Bachir ! C'était l'homme qui m'avait demandé de lui garder le sac plein d'argent !Je ne te cache pas que mille pensées contraires se sont alors télescopées dans ma tête, mais rapidement une certitude m'est apparue comme un soleil en plein été. J'ai laissé le temps du deuil s'écouler puis je suis allé frapper à la porte de mon ami disparu et j'ai demandé à voir sa veuve. « Hadja, lui ai-je dit, votre défunt époux, de son vivant, m'a prêté une somme d'argent et je viens aujourd'hui vous la restituer ». « Et combien vous a-t-il prêté'» m'a-elle demandé ' « Dix millions de dinars !». « Et il ne vous a pas prêté autre chose '». « Non, seulement dix millions de dinars». Elle a serré bien fort le fameux sac que je venais de lui remettre et m'a gentiment remercié.
Des personnes à qui il m'arrive de raconter cette histoire véridique me disent que j'ai agi très correctement et d'autres me traitent d'inconscient qui ne sait pas profiter des aubaines que le destin offre parfois dans la vie. Je ne pense pas être quelqu'un de particulièrement sage mais je crois surtout que je n'ai pas supporté l'idée de devoir affronter des nuits blanches jusqu'à la fin de mes jours. Et puis je n'y crois pas, tout simplement, vois-tu ' Je n'y ai jamais cru !».
Avant de prendre congé de Choukry, j'ai voulu savoir exactement en quoi « il ne croyait pas », car je pourrai alors peut-être comprendre la raison secrète (autre que morale) qui lui a fait restituer une fortune qu'il pouvait garder sans aucun problème (ne serait-ce qu'au regard de la loi des hommes), mais à la condition expresse « d'y croire » ! « Je ne crois pas à l'argent des autres !», me répondit-il, un brin énigmatique.
Je n'ai pas insisté, mais qu'est-ce que cela pouvait bien signifier, dans son esprit, « ne pas croire à l'argent des autres»' Cela pouvait dire peut-être, comme le soutient le vieil adage, que « ce qui ne t'appartient pas te fatigue !» («li machi lik âïk!») et que tout bien pesé, il ne te sera absolument d'aucun profit !


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