«Nous resterons en Afghanistan jusqu'à ce que le travail soit terminé »,
a martelé le secrétaire général de l'Organisation
de l'Alliance Atlantique Nord (OTAN) devant un parterre de journalistes
issus du monde arabe.
« Nous ne parlons pas de stratégie de sortie de ce pays parce que nous
resterons en Afghanistan jusqu'à ce que le travail soit terminé», a tenu à
affirmer le secrétaire général de l'OTAN, lundi dernier à Bruxelles, aux
journalistes venus, pour les uns, des pays du Dialogue Méditerranéen (PDM) et
pour d'autres, des pays de l'Initiative de coopération d'Istanbul (PICI). Ils
ont été une douzaine de journalistes à avoir été invités au quartier général de
l'OTAN, à Bruxelles, pour une première rencontre avec Anders Fogh Rasmussen, le
secrétaire général de l'Alliance qui a succédé, depuis le 1er août 2009, à Jaap
De Hoop Scheffer. Beaucoup de leurs questions portaient sur la situation
catastrophique qui prévaut en Afghanistan. Et cette affirmation du SG de l'OTAN
se voulait comme une sentence aux rumeurs qu'a générées le remplacement à la
tête du commandement des forces de l'Alliance déployées en Afghanistan. Le
changement est américain mais la réaction, Rasmussen la veut «atlantiste» pour,
pense-t-il, lever toute équivoque sur un hypothétique changement en
Afghanistan.
Accusé d'avoir attenté à la
politique de l'administration américaine parce qu'il a estimé que cette
dernière faisait fausse route, le commandant américain des forces atlantistes a
été remplacé par son compatriote qui dirigeait les forces américaines en Irak.
«Nous ne tolérerons pas que les
Talibans reviennent au pouvoir. Les Afghans peuvent être rassurés», a souligné
Rasmussen qui refuse, comme tous les Atlantistes, de reconnaître que c'est sous
une forte impulsion américaine que l'OTAN se trouve coincée dans une guerre
sans issue en Afghanistan. «Evidemment, nous n'allons pas rester ad vitam
eternem, nous devons rétrocéder les pouvoirs aux Afghans. Mais il ne faut pas
que ce soit d'une manière prématurée, parce que le pays deviendrait un refuge
terroriste qui frapperait l'Asie centrale, le Pakistan étant une puissance
nucléaire, il serait dangereux de le déstabiliser», tente-t-il de rassurer.
Quoique, en précisant cet aspect des choses, l'ancien premier ministre du
Danemark qu'est l'actuel SG de l'OTAN ait quelque peu dévoilé la stratégie
atlantiste qui pousse à faire participer les pays de la région dans le
règlement du conflit afghan. Un conflit qui, si l'Amérique de Bush d'alors
n'avait pas décidé de pénétrer l'Afghanistan sous prétexte de lutte contre le
terrorisme, aurait peut-être trouvé son épilogue sans trop de drames humains
comme c'est le cas avec la présence imposée de l'OTAN. Le mois de juin a été particulièrement
meurtrier, notamment pour des populations civiles, cible privilégiée dans les
folles histoires de dégâts collatéraux que les Etats-Unis mettent en avant pour
expliquer les effroyables bavures militaires. Après avoir accepté d'être entraînés
par les Américains dans une guerre inutile et sans fin, les pays membres de
l'Alliance peinent aujourd'hui à se trouver une sortie «honorable» du bourbier
dans lequel ils pataugent en Afghanistan. «L'image de l'OTAN n'est pas aussi
mauvaise que ça au sein de l'opinion publique. C'est une minorité qui appelle
les Talibans à revenir au pouvoir», se persuade Rasmussen. Il s'étalera sur ce
qu'il a qualifié «d'indicateurs de progrès» pour démontrer l'efficacité
«agissante» des forces de l'OTAN en Afghanistan. Il s'agit, selon lui, «des
bonnes performances» atteintes en matière de formation des agents de sécurité
afghans (tous corps confondus), de l'alphabétisation des populations, de l'aide
humanitaire, du retour des réfugiés afghans chez eux…
L'appel atlantiste pressant aux pays musulmans
Les nombreuses pertes de vies humaines enregistrées quotidiennement
depuis que les forces atlantistes se sont installées en Afghanistan n'émeuvent
pas les puissants de ce monde. «Nous n'allons pas changer de stratégie, on
considère qu'elle est bonne, on va la continuer», se suffit à dire Rasmussen.
Pour ne pas perdre la face,
l'OTAN tente d'opérer des rapprochements quasi contre nature. C'est le cas avec
l'Inde et la Chine qui pousse son SG à préciser cependant que «je ne pense pas
à une contribution militaire de leur part mais je pense qu'il faut engager un
dialogue politique renforcé, il faut qu'on procède à une extension de la
consultation vers des pays musulmans, nous en avons besoin.» Ce besoin,
Rasmussen l'explique par le fait que «les pays partenaires, en particulier
musulmans, peuvent jouer un rôle crucial en Afghanistan parce qu'ils peuvent
exploiter leur culture et leur passé politique et religieux pour apporter leur
soutien et leur aide aux populations afghanes». Ce rôle qu'il dit «essentiel»,
il l'appelle «interopérabilité» dans le cadre d'un partenariat qu'il veut
«soutenu». Il tient à ce que ce partenariat atlantiste évolue le plus
rapidement possible avec les pays du Dialogue méditerranéen (DM) (dont l'Algérie
depuis 2001) et ceux de l'Initiative d'Istanbul (ICI). Engagé respectivement en
1994 et en 2004, ce dialogue, Rasmussen dit en faire «une de mes premières
priorités». A cet effet, il affirme avoir organisé des rencontres avec les
responsables des pays de l'ICI et «mercredi (hier ndrl), je me réunirai avec
les représentants des pays du DM selon le même format». «Ces rencontres m'ont
donné l'occasion de réfléchir à la manière avec laquelle nous pouvons élargir
ce partenariat aussi crucial», a-t-il dit. Pour lui, s'il est crucial, ce
partenariat l'est pour trois raisons, dit-il : «Nous sommes confrontés aux
mêmes défis sécuritaires (terrorisme, prolifération des armes de destruction
massive, piraterie), on peut y faire face ensemble dans un esprit de coopération.
Nous avons besoin de ces partenariats par rapport à nos opérations de maintien
de la sécurité, nous avons besoin que ces pays contribuent dans la formation et
l'entraînement des soldats et de la police. De même, qu'ils peuvent contribuer
dans la construction du pays, du développement civil (assistance humanitaire).
Enfin, la dimension politique que nous voulons donner à ce partenariat à
travers une consultation la plus large à propos de l'Afghanistan, une dimension
qu'il faut développer plus à l'avenir».
Rasmussen n'aura de cesse de
répéter que le changement du commandement à la tête des forces atlantistes
stationnées en Afghanistan n'aura pas d'impact sur la stratégie de l'Alliance
qu'il préside. Mais il se fait une obligation impérative d'appeler les pays
musulmans à rallier la cause du «front atlantiste» en Afghanistan, et ce en
s'impliquant «physiquement et matériellement» dans le règlement du conflit. Ce
qui ne peut être traduit autrement que par le fait que l'OTAN est prise
«jusqu'au cou» dans une région qu'elle peine à pacifier en s'entêtant à lui
trouver à ses problèmes une issue militaire et non politique et strictement
afghane comme l'exige la réalité du terrain.
Les faux-fuyants des Atlantistes
Coincée dans un cercle vicieux qui la renvoie quotidiennement à
l'étroitesse de la solution (militaire) qu'elle prône par rapport à la largesse
(politique) du problème, l'OTAN se veut être soutenue par une épaule
«musulmane» qui lui ferait croire qu'elle fait dans le vrai en Afghanistan. «Ce
n'est pas une guerre de religion, il s'agit de lutter contre le terrorisme. Les
pays musulmans sont sensibles à ces questions politiques et religieuses»,
estime simplement Rasmussen.
Et bien qu'il fasse du maintien
de la même stratégie d'intervention «une raison d'être», il parlera longuement
du «nouveau concept stratégique» que l'OTAN compte adopter lors du sommet de
ses chefs d'Etat prévu en nombre prochain à Lisbonne après sa présentation en
Conseil en septembre prochain. Pour rappel, un groupe d'experts dirigé par
l'Américaine Madeleine Albright a présenté, en mai passé, un rapport dans
lequel il développe ce concept tant recherché par les Atlantistes. Un concept
que Rasmussen veut construit sur de «nouveaux éléments», à savoir, dit-il, «la
coopération sécuritaire avec nos partenaires à laquelle nous donnons une place
de choix dans nos politiques sur ce sujet, la mise en Å“uvre d'une approche
globale qui va au-delà de l'approche militaire et le développement d'un système
de défense contre les missiles balistiques pour faire face aux nouvelles
menaces».
L'Iran est tout de suite évoqué
quand il s'agit pour les Occidentaux de parler de «nouvelles menaces» ou de
«missiles balistiques» parce que, disent-ils, «il a violé les traités dont il
est signataire». Ils pensent par contre que n'étant pas signataire de ces
traités, Israël ne doit leur rendre aucun compte. C'est probablement pour les
sensibiliser davantage contre l'Iran que les premières sorties de Rasmussen ont
été dans deux pays arabes, les Emirats et la Jordanie.
Interrogé sur l'attitude passive
de l'OTAN face à l'attaque d'un de ses membres - la Turquie - par Israël,
Rasmussen a rappelé qu'«après ces incidents très regrettables en Méditerranée,
j'ai rédigé une déclaration dans laquelle nous condamnons très vivement la
perte de vies humaines». Serait-il possible de penser qu'un jour, l'OTAN fera
valoir l'article 5 de son traité (toute attaque contre un de ses membres est
comptée comme une attaque contre l'ensemble de ses membres) pour remettre en
place Israël ? Rires nerveux de ses responsables.
Le SG de l'OTAN a déclaré aux
journalistes arabes qu'après l'attaque meurtrière d'Israël contre la flottille
de la liberté dirigée par la Turquie pour la levée du blocus contre Ghaza, il
avait exigé la constitution d'une commission d'enquête internationale
indépendante. Il s'abstiendra de noter que sa requête a été rejetée par Israël.
«Même celle exprimée par le SG de l'ONU a été rejetée», s'amusent à rappeler
ses subalternes au quartier général de l'Alliance à Bruxelles.
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Posté Le : 01/07/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Notre Envoyée Spéciale A Bruxelles: Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com