Algérie

Ce que nous coûte notre fièvre acheteuse


Ce que nous coûte notre fièvre acheteuse
La facture à l'import a doublé en l'espace de 5 années, passant d'un peu plus de 20 milliards de dollars en 2005 à plus de 40 milliards de dollars en 2010.L'opulence financière dans laquelle a baigné le pays depuis plus d'une dizaine d'années risque fort de laisser place à la disette. Les déficits ayant marqué de leur sceau depuis quelques années déjà le budget de l'Etat guettent désormais les équilibres externes du pays. La balance des paiements affichant déjà un solde négatif au premier semestre, ce sont les réserves de change qui prennent aujourd'hui le chemin contraire que celui de l'accumulation.La situation inquiète et des mesures s'imposent, d'autant plus qu'à mesure que les exportations diminuent, les importations, elles, ne font que décupler. S'il est vrai que depuis 2011 nos exportations en hydrocarbures, principale source de financement de l'économie, sont passées de plus de 71 milliards de dollars à près de 63 milliards de dollars en 2013 et à une prévision de moins de 60 milliards de dollars en 2014, côté importations c'est l'inflation.Ainsi, et selon les données du CNIS, relevant des Douanes algériennes, la facture à l'import a doublé en l'espace de 5 années, passant d'un peu plus de 20 milliards de dollars en 2005 à plus de 40 milliards de dollars en 2010. Une fois ce cap dépassé, ce fut l'inflation jusqu'en 2013, où les importations ont dépassé le seuil des 55 milliards de dollars. Les prévisions pour 2015 sont encore plus inquiétantes, vu que nos achats en biens et marchandises pourraient à eux seuls dépasser de loin le cap des 60 milliards de dollars, ce qui créerait pour la première fois depuis plus d'une décennie un déficit de la balance commerciale.Le poids du superfluLe plus grave, c'est qu'en regardant d'un peu plus près l'évolution ainsi que la structure de nos importations, on se rend vite compte que l'Algérien, à tous les niveaux, est devenue un consommateur boulimique et compulsif. Le fait est qu'en tête des produits importés, trônent les biens d'équipement, les produits alimentaires ainsi que les biens de consommation non alimentaires.Si l'on se penche sur le cas particulier des produits alimentaires, on constate que la valeur des achats qui ne se comptaient qu'à hauteur de 3,7 milliards de dollars en 2005 a passé aujourd'hui le cap des 10 milliards de dollars, plus précisément 10,27, rien que pour les 11 premiers mois de l'année 2014. Cependant, si l'on a de tout temps tenté d'expliquer l'inflation des importations de produits alimentaires par l'augmentation des besoins de la population en produits de base, comme le blé, le lait, le sucre et l'huile, l'on omet bien trop souvent d'évoquer tout le superflu.Ainsi, et en décomposant les chiffres du CNIS, l'on se rend compte que sur les 10 milliards de dollars de produits alimentaires importés, moins de 6 milliards de dollars sont captés par les produits de base, le reste étant destiné à l'achat d'animaux, de carcasses de viandes de toutes sortes, de produits maraîchers, dont beaucoup sont produits en Algérie, d'agrumes, de fruits exotiques et même de poissons, tels que le saumon, le thon et les sardines congelées !Accélération de la tendanceDes chiffres effarants qui donnent la nette impression que l'Algérie produit de moins en moins pour importer toujours un peu plus. Pis encore, si les pouvoirs publics tentent depuis quelques années d'entreprendre des politiques visant à encourager «la production nationale» et substituer le produit «made in Algeria» aux importations, cela s'est malheureusement traduit sur le terrain par l'ouverture d'un nouveau canal à l'importation.On se rend compte ainsi que la valeur des importations en équipements agricoles et industriels a plus que doublé en moins de dix ans, passant de 8,7 milliards de dollars en 2005 à plus de 17,6 milliards de dollars en 2014. D'ailleurs, les chiffres les plus récents mettent en avant l'accélération de la tendance à l'importation d'équipements destinés aux industries de montage et des collections CKD, lesquels doublent dans certains cas d'année en année, sans que cela ait un impact significatif sur les exportations hors hydrocarbures.Des résultats qui ne sont, au final, que le résultat d'un politique misant sur les effets d'annonce et n'ayant pas suffisamment préparé le terrain à des PME et à un réseau de sous-traitance pour créer une véritable chaîne de valeur. Aussi, et même si les pouvoirs publics mettent en avant le principe de liberté du commerce pour justifier les écarts dont nous pourrions pâtir à l'avenir, il n'en demeure pas moins que la sphère du commerce extérieur devrait faire l'objet d'un contrôle pointu et devra être assainie.Ceci, d'autant plus que sur la facture à l'importation qui gonfle à vue d'?il, certains opérateurs indélicats arrivent à faire transiter des flux de devises de manière illicite. La fausse déclaration en douane et la fausse facturation ayant évolué au rang de sport national, l'organisme Global Financial Integrity a récemment indiqué que l'Algérie avait enregistré près de 17 milliards de dollars de fuite de capitaux entre 2003 et 2012, soit près de 2 milliards de dollars par an, essentiellement par le biais de fausses déclarations sur le commerce extérieur.