Lorsqu'on connaît le contenu d'un ensemble de tragédies et de comédies, on finit par se rendre compte que les compositeurs de pièces théâtrales se sont toujours inspiré de la quotidienneté d'hier et d'aujourd'hui. Plus les conditions de vie deviennent dramatiques, plus les dramaturges observent attentivement et prêtent à l'oreille afin que rien ne se perde. En reconstituant la vie des personnages intéressants qu'ils mettent en scène, les auteurs d'œuvres théâtrales ont réussi à faire de leur domaine de recherche un espace d'apprentissage inestimable pour le public qui n'arrive pas à comprendre les phénomènes sociaux, sinon à pénétrer les mystères de la nature humaine qui se manifestent par des comportements différents, des réactions violentes, des formes d'indifférence face à des situations hors du commun. Le théâtre est une école
C'en est une effectivement, surtout lorsque les pièces jouées sont réalistes. Le misanthrope de Molière en est un exemple incontestable, la comédie donnant à voir le comportement de chaque individu agissant ou réagissant sous l'influence des autres qu'il doit apprendre à côtoyer dans son intérêt. Dans cette pièce, il y a des personnages représentatifs de la majorité en société, comme les philanthropes et l'éponyme de la pièce : les misanthropes désignant les personnes qui se plaignent sans cesse des individus : les uns sont des hypocrites, menteurs, flibustiers, intéressés, vicieux, imbéciles ; bref tous ceux qui font souffrir tout le monde ; d'autres sont calmes tout en cachant des sentiments intérieurs insupportables. Ceux qui apparaissent mauvais sont parfois les meilleurs : ils sont compatissants, généreux. Ainsi est faite la société et quelle que soit sa configuration, il faut l'accepter comme elle est, et il ne faut pas chercher à la corriger.
Depuis les origines, il y a eu cette mosaïque de comportements et de tempéraments. Aussi, les philanthropes connaissent bien la composition de cet ensemble hétéroclite. Ils prennent chaque individu comme il est et avec le sourire pour mieux être servi partout. Se mettre en colère nuit à la santé. Donc mieux vaut garder son sang-froid et faire semblant d'être agréable ou sympathique vis- à- vis des méchants. Quant aux misanthropes, ils jurent d'aller vivre dans le désert.
Le philosophe allemand Nietzche a lui aussi écrit une œuvre inspirée du réel. « Ainsi parlait Zarathroustra » donne à voir le héros au milieu d'un espace boisé mais désert, pour fuir la société. Au bout d'un an de vie à la manière de Robinson Crusoé, ce personnage principal a fini par se rendre compte que l'homme n'est pas né pour vivre seul, parce qu'il doit se considérer comme né comme un rayon de soleil qui, du matin au soir réchauffe les autres. Ce qu'il fit immédiatement ! Et la vie devint bien plus agréable. Donc, il faut apprendre à vivre en société malgré les difficultés que cela présente, en essayant d'adopter pour chaque individu une stratégie qui permette de se servir, en évitant toute saute d'humeur, problème d'incompatibilité de caractère pouvant conduire à la dispute. Y a-t-il une part de fiction dans le théâtre ? Incontestablement. Les dramaturges, c'est comme les publicistes qui réussissent bien dans leurs œuvres artistiques. L'auteur doit être avant tout un maître de la langue, un observateur à qui rien n'échappe, un artiste digne de ce nom parce qu'il a le don de la reconstitution et d'une mise en relation des personnages choisies pour mieux plaire au public, sans dénaturer les comportements en ayant le sens de l'illusion du réel. Ceci est d'autant plus vrai dans la constitution des tirades que doit dire un personnage à chaque fois qu'il intervient sur scène.
Les hommes de théâtre, à l'exemple des inventeurs de ce genre, sont avant tout des penseurs. Ils considèrent que le public doit être intéressé et doit repartir après la représentation, en ayant retenu quelque chose d'important pour corriger son comportement. C'est pourquoi on a toujours considéré le théâtre comme une thérapie et une catharsis. Le spectateur qui reste à l'écoute de chaque personnage, apprend de chacun ce qu'il doit retenir pour se perfectionner dans ses relations avec les autres. Quelquefois, on s'identifie à un personnage ; on se découvre alors et on comprend mieux les raisons de ses échecs dans la vie. Quelquefois le théâtre est d'autant plus intéressant qu'il nous donne à comprendre certaines croyances, rites, mythes perpétués depuis la nuit des temps comme des traditions à respecter, des croyances qui ont servi à meubler notre vie.
Pour mieux comprendre des comportements de chez nous, on n'a qu'à voir « La poudre d'intelligence », comédie de Kateb Yacine faite d'histoires mises bout à bout du légendaire Djeha. On les connaît toutes plus ou moins, et on en rit souvent sans savoir ce qu'elles nous apportent sur les bêtises humaines. Par exemple Djeha vend des crottes de chèvre en les faisant passer pour des cachets bénéfiques à toute personne bête voulant devenir intelligente. «Venez, disait Djeha aux passants, venez acheter l'intelligence», quand quelqu'un arrive et lui dit : «C'est des crottes que tu vends ya Si Djeha. Va-t'en lui dit le malin, toi tu es intelligent, tu n'en as pas besoin.»
La comédie jouée de nombreuses fois a eu un succès considérable pour ces histoires qui ont beaucoup fait rire tout en apportant à chacun ce qu'il doit retenir pour mieux se conduire dans la vie. « Les ancêtres redoublent de férocités » toujours de Kateb. Elle est très complexe comme tragédie en rapport avec l'imaginaire et la mentalité « Les Algériens vis- à-vis de leur histoire et des traditions anciennes ». Néanmoins, on peut retenir ce que les ancêtres disparus ont transmis à leurs descendants, et qui continuent d'exercer sur les vivants une influence considérable, si bien que ceux-ci continuent de les vénérer pour ce qu'ils ont laissé derrière eux comme héritage sous toutes ses formes. Des pièces théâtrales à lire et à relire pour mieux comprendre leur rapport avec l'actualité. Chacun pourra se rendre compte qu'il n'y a point de décalage. Abed Boumediene
Posté Le : 28/05/2024
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Rédaction LNR
Source : www.lnr-dz.com