Algérie

"Ce que je pense du service public de radiodiffusion"




Le siège de l'ENTVL'Expression s'est rapproché de Tahar Beddiar juriste, spécialisé en communication audiovisuelle, afin de nous livrer les définitions et contours du service public de radiotélévision sachant que cette notion, sous tous ses aspects, occupe de nos jours une place permanente et prépondérante dans l'ordre du jour des multiples réunions du gouvernement.Dans le Conseil des ministres qu'il a présidé le mardi, 25 septembre 2012, le président de la République a réitéré son souci de veiller à la réhabilitation de tous les services publics et mis l'accent sur la nécessité de leur modernisation afin de les rendre aptes à prendre en charge les préoccupations de la population.Cette volonté constitue un des objectifs essentiels du plan d'action du gouvernement conduit par le Premier ministre, M.Abdelmalek Sellal. Il paraît clair que la persistance de réflexes contraires à la notion de service public a souvent porté préjudice à la relation de confiance qui doit exister entre le citoyen et les institutions administratives.Le président de la République a instruit le gouvernement de déployer davantage d'efforts et de persévérer dans une mission qui accorde la priorité à l'instauration des conditions les plus utiles et les plus transparentes pour un accès fiable et performant de l'ensemble des citoyens à un service public de qualité, en phase avec les exigences quotidiennes de la population.La réhabilitation nécessaire du service public se retrouve dans les différentes orientations du président de la République.Le Premier ministre M.Abdelmalek Sellal en a fait une priorité dans son programme de gouvernement.Un service public est une activité exercée directement par l'autorité publique (Etat, collectivité territoriale ou locale) ou sous son contrôle, dans le but de satisfaire un besoin d'intérêt général.Le fondement de la notion de service public est que certaines activités sociales considérées comme essentielles et stratégiques doivent être gérées selon des critères spécifiques pour permettre un accès à tous et contribuer à la solidarité et à la cohésion sociale, culturelle et économique de la société. Ces activités doivent donc échapper à la logique du marché et à la recherche du profit.Les trois grands principes auxquels sont soumises les missions de service public sont la mutabilité (capacité d'adaptation aux conditions et aux besoins), l'égalité (dans l'accès au service et dans les tarifs) et la continuité.Chaque pays a sa propre définition du service public, qui, en outre, évolue dans le temps. Une telle définition doit être relativisée.Au niveau européen, les services publics sont assimilés à des services d'intérêt général en tant qu'activités de services, marchands ou non, considérés d'intérêt général par les autorités publiques, et soumises pour cette raison à des obligations spécifiques de service public.Principes directeurs du service public1. La continuité: qui implique que le service doit être assuré régulièrement, sans retard dans le temps, sans discontinuité gênante ou pénalisante pour l'usager.2. La mutabilité: qui désigne l'adaptation des services publics à l'évolution des besoins collectifs et aux exigences de l'intérêt général.1. 3 - L'égalité: qui interdit la discrimination entre les usagers du service tant vis-à-vis des prestations que des charges.A ces trois principes basiques peuvent s'ajouter:1. La neutralité: que doivent observer toutes les personnes qui collaborent à un service public2. La réserve: dont les collaborateurs de service public ne doivent pas se départir dans l'expression de leurs opinions.3. La primauté: Les intérêts privés ou personnels doivent s'incliner devant l'intérêt général ou collectif.Le service public de radiodiffusionLes services publics de radiodiffusion sont des radiodiffuseurs remplissant un mandat de service public.La définition de ce mandat relève de la compétence des Etats, lesquels peuvent décider au niveau national, régional ou local. Un tel mandat doit se conformer aux besoins démocratiques, sociaux et culturels d'une société particulière et garantir le pluralisme, y compris la diversité culturelle et linguistique. Afin de remplir ce mandat, le radiodiffuseur public bénéficie de la redevance audiovisuelle ou d'un soutien financier direct de l'Etat.La notion d'Etat de droit passe par un service public qui garantit une continuité assurée régulièrement, sans retard dans le temps, sans discontinuité gênante ou pénalisante pour le citoyen usagerLe service public n'est pas le secteur publicDe grandes «entreprises publiques» en Europe, comme la Sncf ou EDF, appartiennent au secteur public (France) et en Algérie (Sncf et Sonelgaz, par ex).Cependant, les deux notions restent totalement disjointes.Cas de la radiodiffusion de service public(RSP)La prochaine échéance sera celle de la mise en place des voies et moyens du passage de l'analogique au numérique en réduisant au maximum l'impact de la «fracture numérique».Les radiodiffuseurs de service public (RSP) sont les principaux moteurs de l'évolution numérique TV et radio et ils jouent un rôle essentiel dans le développement et le succès des technologies.Trois (03) éléments peuvent garantir le succès du service public de numérisation qu'elle soit radio ou TV:Un contenu adapté, une couverture étendue et la mise à disposition d'une large gamme d'appareils grand public.Quelles sont les questions saillantes qui interpellent les RSP'Pour un contenu adapté, une couverture étendue et la mise à disposition d'une large gamme d'appareils, il convient de réunir les éléments de prise en charge des questions suivantes.1- Comment assurer la compétitivité dans l'environnement numérique'Il faut assurer au public algérien l'accès à un éventail de contenus et de services de qualité sur tous les types de réseaux et de plates-formes.Must-carry: garantir la diversité culturelle et le pluralisme des médias.Dans un monde consommant à la carte, l'usager exigera l'accès aux programmes de service public à toute heure, partout, sur tous les appareils et toutes les plates-formes. Les consommateurs doivent librement accéder au contenu à financement public.Interopérabilité: faciliter le passage au numérique.Les consommateurs exigent des services auxquels ils peuvent accéder simplement, de partout et avec n'importe quel appareil.Nature et rôle de la radiodiffusion de service public Ce qu'elle n'est pasDans certaines langues il n'existe même pas de terme équivalant tout à fait au mot «public» et la traduction la plus approchante semble comporter la notion de «Etat/gouvernement/officiel». Lorsque le pays a eu, par le passé, une radiodiffusion d'Etat, cette barrière linguistique constitue le premier obstacle à une bonne compréhension de la nature réelle de la radiodiffusion de service public (qui n'est pas du tout une radiodiffusion «d'Etat», «de gouvernement» ou «officielle»).Radiodiffusion pour le publicQue faut-il donc entendre, positivement, par radiodiffusion de service public'Comme l'expression elle-même l'indique, c'est un service de radiodiffusion:- fait pour le public,- financé par le public, et- contrôlé par le public.Le «public» est la population entière du pays (ou de la région) qui est chargé de desservir le radiodiffuseur public.- en termes de couverture technique, elle signifie que, dans l'idéal, chaque ménage se trouvant dans la zone de service devrait être en mesure de recevoir les programmes diffusés; cette notion est proche de celle de service universel, qui est utilisée communément dans d'autres services publics - axés sur les résultats - tels que l'eau, le gaz, l'électricité, la téléphonie et les transports publics.Des programmes faits pour le publicLe mandat du service public dans le domaine de la programmation varie d'un pays à l'autre à cause peut-être de procédures et d'habitudes législatives différentes, mais aussi, et surtout, de conditions économiques, sociales, culturelles, historiques et autres qui constituent la réalité de chacun.Il comporte néanmoins un ensemble de dispositions communes qui sont universellement valables.D'une manière générale, la radiodiffusion de service public doit assurer une programmation qui comprenne des informations, du divertissement, de l'éducation et des conseils pour des gens de tous âges et de toutes les catégories sociales, et qui soit présentée dans toute sorte de formats (chaînes généralistes, chaînes thématiques, services multimédia, télétexte ou autres services de contenus, avec ou sans élément interactif).La programmation comprend des émissions grand public comme du divertissement populaire et le reportage d'événements revêtant un intérêt majeur pour de larges couches de la population.Financement de la radiodiffusion de service publicL'Europe politique a entièrement épousé le concept que les Etats se doivent d'assurer au service public de radiodiffusion un financement approprié.Les Etats qui font partie de l'Union européenne, membres du Conseil de l'Europe,se sont engagés à «maintenir et, si nécessaire, établir un cadre de financement sûr et approprié garantissant aux radiodiffuseurs de service public les moyens nécessaires à l'exécution de leurs missions». Le Parlement européen a utilisé un langage similaire dans sa Résolution de 1996 sur le rôle du service public de télévision dans une société multimédia; et le Conseil de l'Europe, dans sa Déclaration sur la garantie de l'indépendance du service public de radiodiffusion (2006), appelle plus particulièrement les Etats membres à «fournir aux organismes de radiodiffusion de service public les moyens juridiques, politiques, financiers, techniques et autres nécessaires pour leur assurer une véritable indépendance éditoriale et autonomie institutionnelle, afin d'éliminer tout risque d'ingérence politique ou économique».Le mode de financement à tout le moins, de la plus grande partie des missions d'un radiodiffuseur public, est à la base, la redevance audiovisuelle. Par rapport au financement pris sur le budget de l'Etat, la redevance présente plusieurs avantages décisifs:principalement, le radiodiffuseur est indépendant du bon vouloir politique de ceux qui arrêtent le montant de la dotation budgétaire. La programmation et en particulier les émissions politiques n'ont pas à plaire à ceux qui sont au pouvoir, condition préalable (tacite) pour se voir accorder le budget demandé. Si ces avantages du système traditionnel de la redevance sont l'évidence même, il reste qu'il faut aujourd'hui en réexaminer les fondements juridiques.Aujourd'hui, qui plus est, on reçoit les programmes de radio et de télévision non seulement chez soi sur sa radio ou son téléviseur, mais aussi et de plus en plus sur un ordinateur, sur des appareils portables (le téléphone mobile, par exemple) et dans sa voiture sur le poste embarqué. Or, la plupart des lois n'assimilent toujours pas ces appareils à des récepteurs, et la nécessité d'adapter les textes de loi à cet égard échapperait aux gens (y compris aux hommes politiques) qui n'y verraient pas de réelle justification. Cependant, si les ordinateurs, portables de tout genre, etc. ne sont pas mis sur le même pied d'égalité que les traditionnels récepteurs de radio et télévision, il se posera clairement la question de la discrimination, face à la loi.Contrôle public de la radiodiffusion de service publicLe public n'est pas seulement le bénéficiaire du service public de radiodiffusion et celui qui en assure le financement, il en contrôle également le bon fonctionnement. Il n'y a pas là d'incohérence, car il ne saurait vraiment en être autrement.Comment garantir l'indépendance de la télévision de service public'Mais pourquoi parler seulement de la télévision de service public, et pas de la radio de service public'Personnellement, je vous parlerai de la radiodiffusion de service public, ce qui couvre à la fois la télévision et la radio. Pour l'une comme pour l'autre, l'indépendance est cruciale. Le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a adopté une déclaration sur la garantie d'indépendance du service public de radiodiffusion dans les Etats membres. Je vous recommande à tous de lire cette déclaration très attentivement et me contenterai ici de recenser les éléments d'information sur ce qui a conduit les ministres à s'exprimer en ces termes:«Dans plusieurs Etats membres du Conseil de l'Europe, les cadres juridiques pour les organismes de radiodiffusion de service public sont obscurs ou incomplets. Parfois, la réglementation en vigueur ne garantit pas l'indépendance éditoriale ni l'autonomie institutionnelle des radiodiffuseurs de service public, soit parce que le libellé des dispositions de fond ne le permet pas, ou parce que les mécanismes d'application n'existent pas ou sont trop faibles.D'après certaines sources, dans quelques cas, alors que des dispositions adaptées existent, elles ne sont pas utilisées et, dans les faits, l'organisme de radiodiffusion de service public est contrôlé par le gouvernement, par des organes ou des formations politiques, et sert les intérêts de ces groupes plutôt que ceux de la société dans son ensemble.»Je ne vous apprendrai rien en vous citant le Protocole d'Amsterdam du 2 octobre 1997 sur le système de radiodiffusion publique dans les Etats membres, et son préambule rappelant que «... la radiodiffusion de service public... est directement liée aux besoins démocratiques... de chaque société ainsi qu'à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias». Pour illustrer cela, le meilleur exemple est peut-être la Constitution du Royaume-Uni. Tout semble indiquer que cette Constitution fonctionne très bien. Le problème est qu'il n'y a rien d'écrit; or, quel pays pourrait aujourd'hui opter pour une Constitution purement orale et adopter le «modèle britannique»' Un autre modèle britannique est la BBC, dont l'indépendance est une caractéristique majeure reconnue dans le monde entier. Pourtant, les douze gouverneurs qui sont aux commandes sont nommés par la reine sur recommandation du gouvernement, et ces gouverneurs nomment à leur tour le directeur général. Au Danemark, de façon similaire, le ministre de la Culture nomme les dix administrateurs de DR qui à leur tour désignent le directeur général. Le deuxième secteur où l'indépendance du service public de radiodiffusion est un enjeu juridique crucial, est le financement. Lorsque le radiodiffuseur dépend du bon vouloir du gouvernement pour obtenir sa part annuelle du budget de l'Etat, il est évident qu'il ne peut pas y avoir d'indépendance éditoriale (ni de droit de critique à l'égard du gouvernement). Il en va de même lorsque la majorité parlementaire est appelée à voter une augmentation de la redevance audiovisuelle, ceci se produisant à intervalles plus espacés. Celui qui veut de l'argent doit en premier lieu gagner les faveurs du prêteur, autrement dit, qui paie le musicien, donne le ton.Il n'est pas facile de trouver une réponse législative satisfaisante à ce problème latent, peut-être est-ce même impossible.Quelle que soit la solution finalement retenue, une totale indépendance financière - et par conséquent éditoriale - est sans doute une utopie. Mais plus la solution se rapprochera de l'idéal, plus l'indépendance du service public de radiodiffusion sera assurée. Mais rappelons-nous que le meilleur programme de service public ne peut jouer pleinement son rôle et contribuer aux objectifs escomptés si, pour des raisons réglementaires ou techniques, il n'atteint qu'une partie du public visé. De plus en plus de gens, particulièrement des jeunes, glanent leurs informations et recherchent le divertissement auprès d'autres médias, ou du moins sur d'autres plates-formes; les radiodiffuseurs publics doivent donc s'assurer que leurs programmes sont disponibles sur toutes les plates-formes, satellite, Internet et Umts compris, vers lesquels le public est susceptible de se tourner pour être informé et diverti.Futur rôle de la radiodiffusion de service publicEn dernière analyse, le futur de la radiodiffusion de service public dépend étroitement de sa mission, du rôle qu'elle joue au sein et au service de la société civile. Plus les sources d'information se diversifient et s'individualisent, plus les auditoires se fragmentent et plus il importe de maintenir un service fort, capable de faire office de point de référence et d'identification nationale et de tenir le rôle d'un marché pour l'opinion publique.




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