Pourquoi le gouvernement s'obstine-t-il à maintenir les subventions tous azimuts'Les mesures présentées par le gouvernement comme étant en mesure de parer à la crise que vit le pays sont, pour certains experts, loin de répondre aux défis actuels. Ceux-ci plaident pour la rupture.Le chef de l'Etat a reconnu que l'Algérie est en crise et, à ce titre, a appelé le gouvernement à rationaliser les dépenses. Dans ce cadre, plusieurs décisions ont été entérinées lors du dernier Conseil du gouvernement. Il s'agit notamment de l'augmentation des transferts sociaux, la diminution des dépenses budgétaires, ainsi que quelques encouragements à l'investissement, notamment dans le secteur des mines, dans les industries émergentes, ainsi que pour l'investissement étranger en partenariat. «Malgré ces tensions financières, les transferts sociaux connaîtront une hausse de 7,5%, pour atteindre 23% du budget de l'Etat, avec notamment 477 milliards DA pour le soutien à l'habitat, 446 milliards DA pour le soutien aux familles, dont 222 milliards DA pour les subventions des prix des produits de base (céréales, lait, sucre et huile), et 316,5 milliards DA pour le soutien à la santé publique», écrit-on dans le communiqué du Conseil du gouvernement.De plus, à côté de ces mesures destinées à rassurer l'opinion publique quant à la bonne volonté du gouvernement et son engagement à maintenir ses politiques sociales, des mesures visant à encourager les investissements ont été prises. Il s'agit notamment de l'abrogation de certaines dispositions en vigueur, dont «celle relative à l'exigence de bilans excédentaires en devises pour les investisseurs étrangers, de sorte à encourager les partenariats devant concourir à la réduction des importations», «celle soumettant les investissements étrangers réalisés avant 2009 à la règle de la majorité nationale (51/49%) en cas de changement du registre du commerce» et «l'obligation de financement local de l'apport de l'investisseur étranger».Ces mesures, présentées comme fortes et dont les objectifs sont franchement de parer aux retombées de la chute des prix des hydrocarbures et relancer l'économie nationale, sont cependant discutables pour certains experts. En effet, selon Nacer Bouyahiaoui, économiste et expert international en finances, il existe une incohérence dans les décisions du gouvernement». «Au moment où plusieurs experts et organisations patronales revendiquent une révision du système des transferts sociaux pour aller dans le sens de leur diminution, c'est le contraire qu'on nous annonce.Economiquement, le maintien des subventions tel qu'il se pratiquait jusque-là est une aberration, leur augmentation en est encore une,» a-t-il observé. «Pourquoi ne va-t-on pas vers un système de subventions ciblées de sorte à ne faire profiter que ceux qui en ont vraiment besoin et mettre l'argent récupéré au services des entreprises'» s'est-il également interrogé.En effet, nombreux sont les économistes qui, dans des analyses qu'ils ont faites pour le compte de L'Expression, ont relevé l'irrationalité économique et l'inefficacité sociale des transferts sociaux. Selon le mode actuel. Pourquoi le gouvernement s'obstine-t-il à maintenir les subventions tous azimuts' pourquoi «le montant des subventions a-t-il été augmenté au moment où le pays enregistre des tensions budgétaires énormes' Ces décisions du gouvernement sont, du point de vue de l'économiste Samir Bellal, d'une telle absurdité qu'elles ne suscitent aucune réflexion sérieuse. Il a juste précisé, par contre, que «l'augmentation des transferts sociaux s'explique par la dévaluation».De son côté, Sammy Oussedik, expert international et Coordinateur national d'Ibtikar, «les mesures adoptées en Conseil des ministres ne sont pas à la hauteur des défis auxquels nous sommes confrontés». «L'augmentation des subventions n'est pas tenable. Comme j'ai eu à le dire, c'est tout le système qu'il convient de mettre à plat avant toute chose. Il convient de sanctuariser les subventions vitales aux plus démunis d'entre nous et d'en délimiter exactement le périmètre. Les tenir loin des appétits des féodalités économiques et industrielles qui n'en ont que trop bénéficié. Je rajouterai que c'est aussi, avec la relance de l'exploration du gaz de schiste contenu en filigrane dans le texte du Conseil des ministres, un mauvais signal envoyé.En effet, il est suggéré que le système rentier perdurera avec d'autres ressources et que la redistribution de la rente se poursuivra. Or, cela est, à moyen terme, impossible», a-t-il indiqué. Sur un autre volet, celui relatif à la réduction des dépenses budgétaires, M.Oussedik considère que «l'approche qui consisterait à ? ?réduire la voilure ? ? (baisse des dépenses de fonctionnement, gel des investissements publics...) pour réduire la prise au vent de la tempête qui arrive ou encore les mesures favorables aux IDE, à l'investissement national ne sauraient suffire». «Il convient d'aller dans une démarche disruptive de rupture. Cela veut dire, entre autres, passer d'une logique de moyens à une logique de résultats. Cela devra être valable non pas juste en matière d'investissements publics mais pour toutes mesures prises. Suivre pas à pas l'application des mesures sur le terrain. Réformer radicalement l'administration où des groupes d'intérêts agissent en fonction de logiques propres en conflit avec l'intérêt général. Encore faut-il avoir une stratégie claire, cohérente menée par une véritable équipe de combat qui communiquerait, régulièrement, aux citoyens les résultats et l'état d'avancement de ce véritable plan de sauvetage économique. Tous ce que j'ai déjà proposé, à travers la Note ? ?Reset Algeria ? ?, juste avant la dernière élection présidentielle. J'avais également indiqué que la fenêtre d'opportunité pour mener cette politique était de deux années, 18 mois se sont déjà écoulés... Enfin, faire que les citoyens acceptent les sacrifices à venir et renouent avec la valeur travail, qui nécessite que les efforts soient équitablement répartis entre les catégories sociales et que les hommes qui auront à mener ce combat soient reconnus comme légitimes» a-t-il recommandé.
Posté Le : 08/10/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Amar INGRACHEN
Source : www.lexpressiondz.com