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"Ce procès sert un agenda politique"



Dans cet entretien, Me Khaled Bergheul, avocat du gouverneur de la Banque d'Algérie dans le procès des affaires de corruption qui devra reprendre aujourd'hui, estime que le procès qui implique les deux anciens Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, plusieurs ministres et des hommes d'affaires est éminemment politique.Liberté : Vous avez décidé, en tant que collectif de défense des prévenus, de vous retirer et de ne pas plaider. Pourquoi '
Me Khaled Bergheul : À travers cette annonce, nous voulons surtout dénoncer les conditions de déroulement du procès. Nous avons dénoncé les dossiers qui n'ont pas été formalisés. Nous avions également dénoncé le jumelage de trois dossiers différents. Pis encore, alors que des arrêts de renvoi ont été émis par la Cour suprême, la décision de jumeler les trois dossiers a été prise par le tribunal de Sidi M'hamed, y compris pour les deux anciens Premiers ministres.
Pourtant, la Constitution prévoit la création de la Haute Cour d'Etat. Nous estimons qu'il s'agit là d'une aberration. Puisque l'Etat accorde le privilège de la juridiction pour ces anciens responsables, pourquoi les juger par le tribunal de Sidi M'hamed ' Il n'y a pas urgence à les juger tout de suite. Le parquet peut les libérer en attendant la création de cette Cour. Il n'y a pas le feu. C'est à l'Etat de prendre ses responsabilités et de créer cette juridiction à laquelle doivent être soumis les anciens Premiers ministres.
Comment expliquez-vous cette programmation alors '
L'explication est que le procès est politique. Le pouvoir veut le programmer pour prouver au peuple algérien sa "volonté de lutter contre la corruption". C'est pour cela qu'ils ont indirectement fait appel aux citoyens. Il est clair que cela sert un agenda, une dynamique politique. En revanche, nous, avocats, sommes pour l'application des lois, pour la légitimité de la loi et rien d'autre.
Avez-vous demandé aux prévenus, notamment les détenus, d'observer
le silence '
Nous n'avons rien demandé. Le dernier mot revient aux prévenus. C'est à eux de voir s'ils peuvent comparaître sans la présence de leurs avocats. Mais, malheureusement, étant en détention, ils n'ont pas le choix. C'est donc au magistrat de prendre la décision qui s'impose. Soit il acceptera d'ajourner le procès jusqu'à ce que les conditions soient réunies, soit il poursuivra le procès malgré tout.
Il pourrait également désigner des avocats d'office pour poursuivre la défense des prévenus dans le cas où tous les avocats constitués jusque-là se retireraient. Car, jusqu'à présent, il n'est pas encore clair que tous les avocats se retirent. Il n'y a même pas encore de demande pour reporter le procès de mercredi.
Vous avez évoqué, dans d'autres interventions, une condamnation
politique des prévenus. Pourquoi '
Lorsque je parle de condamnation politique, il ne s'agit évidemment pas de verdict au sens juridique, mais des conditions du déroulement du procès et de la précipitation de sa programmation, ainsi que la fixation des règles et des procédures pénales qui l'entourent. Le renvoi de seulement 48 heures dénote qu'à travers les discours émanant des uns et des autres, qui présentent certains prévenus, notamment les anciens Premiers ministres et ministres comme des "têtes de la bande", le procès est fait à l'avance.
Il est clair, dès lors, qu'ils vont être condamnés. Présenter les choses de cette façon devant l'opinion publique nationale et internationale, en insistant sur la qualification de "bande" en plus de l'impopularité du gouvernement d'Abdelaziz Bouteflika, ajoutée à la focalisation sur les deux personnes que sont Ouyahia et Sellal, il est clair que les dés sont jetés. Les responsables ont donc profité de cette situation et veulent surfer sur cette impopularité qui fait que le peuple les a déjà condamnés lors des manifestations pour les présenter à la vindicte populaire.
C'est un mini-gouvernement qu'on présente au peuple. Psychologiquement, ils sont donc réduits. Honnêtement, ce n'est pas le moment de tenir ce procès, surtout que le peuple est toujours dans la rue. Pourtant, dans le fond, tout le monde sait qu'il s'agit là d'un geste éminemment politique. Ces anciens responsables n'ont fait qu'appliquer le programme politique d'Abdelaziz Bouteflika, approuvé par l'APN. Pourquoi personne ne convoque, par exemple, Abdelaziz Bouteflika '
Je ne dis pas qu'ils sont innocents. Tout le monde doit payer pour ses actes. Mais il faut créer les conditions d'une présomption d'innocence.

Propos recueillis par :A. Boukhlef


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