Algérie

Ce pourquoi le poulet est cher



Ce pourquoi le poulet est cher
Ni les mesures incitatives prises par le ministère de l'Agriculture, ni les exonérations d'impôts, ni la suppression des taxes, ni les aides de l'Etat ne semblent trouver grâce aux yeux des différents intervenants dans la filière avicole, qui se rejettent la responsabilité quant aux raisons qui ont fait qu'actuellement, le poulet se vend entre 400 et 420 DA/kg sur les marchés de Constantine.En effet, le président de l'association des aviculteurs de Constantine, M. Boukhrissa Cherif, même s'il accuse frontalement les «importateurs privés de dominer le marché et imposer leur loi», néanmoins, coupe la poire en deux, reconnaissant qu'il y a «beaucoup d'éleveurs aussi qui sont pour quelque chose dans la flambée des prix». Pour M. Boukhrissa, «la plupart des importateurs des aliments d'aviculture s'adonnent à la spéculation». Et d'ajouter : «La matière première est d'abord cédée à des intermédiaires et autres grossistes et n'arrive aux éleveurs qu'en troisième, voire quatrième main». Troisième ou quatrième main, c'est tout simplement la multiplication des prix par au moins 1,5 fois, explique-t-il. Cette pratique a découragé beaucoup d'éleveurs de poulet. «J'en connais qui ont mis la clé sous le paillasson», s'inquiète le président des aviculteurs de Constantine. Ce qui rend encore plus incompréhensible, aux yeux de M. Boukhrissa, un tel comportement spéculatif de la part des importateurs privés, c'est que ça se passe au moment où l'Etat «vient d'exonérer les importateurs d'aliments de volaille des droits de douane». Mais M. Boukhrissa n'épargne pas, non plus, ses collègues aviculteurs. «Certains d'entre eux se sont laissés prendre à ce jeu malsain des spéculateurs, importateurs, intermédiaires et grossistes», dira-t-il. Et de poursuivre : « Ils se mettent à plusieurs, passent une grosse commande et bénéficient d'une remise conséquente», et «deviennent à leur tour des spéculateurs en remettant sur le marché le surplus à un prix fort». Mais un éleveur, présent durant la discussion, intervient : «Ce ne sont pas des éleveurs encartés, ce ne sont pas des éleveurs, tout court». Il va plus loin encore en les accusant d'être «les barons de l'informel» qui contrôlent la plus grande partie du poulet mis sur le marché. Le président de l'association des aviculteurs opine de la tête et rappelle à son voisin que «quand la TVA a été supprimée pour les éleveurs, ceux-ci n'ont pas répercuté l'effet de cette mesure sur les prix du poulet», au contraire, ajoute-t-il, «leur appétit devenant plus grand encore, ils ne cessent de demander des aides à l'Etat», avoue-t-il. A toutes ces raisons, M. Boukhrissa cite d'autres facteurs «saisonniers», qui, en s'ajoutant, peuvent influer sur les prix, dans un sens ou un autre. C'est ainsi qu'à propos de la grande baisse des prix enregistrée durant la période mai-juin, il dira que l'arrivée sur les marchés des légumes secs, comme la fève, le petit pois, l'artichaut, offre d'autres choix à la ménagère et diminue la fréquence d'achat du poulet. C'était aussi «l'aubaine du mois de ramadhan qui approchait et des fêtes qui le suivent», et «tout le monde s'est mis dans ce contexte à l'élevage du poulet», constate-t-il. Et il ajoute : «La règle de l'offre et de la demande s'est imposée sur le marché, provoquant une baisse des prix sans pareille», conclut-il.
Ce choc a fait disparaître tous les éleveurs «occasionnels», privant ainsi le marché d'une grande partie de l'offre qui se fait sentir aujourd'hui. D'autres explications de la hausse des prix sont avancées par des éleveurs participant à la discussion. Pour eux, «le consommateur algérien est devenu très voyant sur ce qu'il mange», et «il est en train de changer de comportement alimentaire». Ils en veulent pour preuve, et sous l'effet des chaînes thématiques, que pour une grande frange de la population algérienne, d'un certain niveau scolaire, «la viande rouge est cause de cholestérol» et les détourne de ce produit. Nos interlocuteurs vont jusqu'à dire qu'aujourd'hui, «dans nos restaurants et chez nos gargotiers, les plats les plus en vogue sont la chawarma exclusivement poulet, les escalopes poulet et dinde, et bien sûr l'inévitable poulet-frites». L''uf aussi était de la discussion. Les éleveurs trouvent anormal que tous les 'ufs coûtent 12 DA. Ils sont unanimes pour dire qu'un jour ou l'autre, l''uf doit passer sur la balance, «c'est le poids et non la forme qui vaut un prix», conclut l'un deux.
A M. Boukhrissa, nous avons posé la dernière question : quelle est la tendance des marchés pour les semaines à venir '
Pour lui, la tendance est obligatoirement à la baisse. Les prix ont atteint un niveau tel que la demande s'en est véritablement ressentie. Même le ministre de l'Agriculture, M. Rachid Benaïssa, prévoit, depuis la wilaya de Naâma où il se trouvait mardi avec le Premier ministre, que les prix des viandes blanches vont baisser dans les semaines à venir. «On attend l'arrivée sur le marché de grandes quantités de viandes issues des nouveaux élevages après la pénurie due à la grande demande durant le mois de ramadhan et les fêtes», a-t-il déclaré. Il ressort donc de ces informations que la filière avicole, faite d'éleveurs honnêtes et sincères, d'illégaux, d'intermédiaires et de spéculateurs, est un monde complexe, aléatoire et à l'équilibre fragile. Un beau temps, une intempérie ou une panne d'électricité peuvent faire basculer les prix du simple au double. Ou inversement.


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