Algérie

Ce pourquoi ce peuple a le teint jaune



Deuxgrandes lois en Algérie : la loi du bras le plus fort et la loi du bras le pluslong. Une anecdote vécue dans une poste algérienne par le chroniqueur. Pourouvrir un compte CCP, on explique au guichet qu'il faut des documents et desformulaires et un délai. Lequel ? C'est selon le tarif. Par la voie normale,cela vous prend deux mois ou plus. « Si vous connaissez quelqu'un, cela prendraquinze jours ». C'est cela la loi du bras le plus long.

Cen'est la faute ni du ministre, ni de son discours de modernisation à puce.C'est quelque chose que l'on pratique du sommet de l'Etat à ses chaussettes etpas seulement dans les postes algériennes. Une voie sèche et une voie humide,comme pour les alchimistes. Cela se pratique partout dans le pays, sesentreprises et ses administrations, et cela est intégré par la psyché del'Algérien comme une procédure naturelle, normalisée et tout à fait logique.Vous pouvez payer une facture, obtenir un document, une fiche de paie, unremboursement de médicament, une information, un sourire ou du ciel bleu par lavoie longue ou par la voie courte. En attendant que cela se fasse ou en aidantle temps à ne pas prendre trop son temps.

Lelong de votre vie, vous vous endettez ainsi par une sorte de retrait àdécouvert dans la « banque des services » auprès de gens qui vont à leur tourvous réclamer un service à rendre à leur tour. Ainsi, la totalité des servicesrendus par des Algériens à d'autres Algériens dépasse la dette interne,explique le teint jaune des Algériens et leur neurasthénie légendaire. Car à forcede chercher à chaque détour une « connaissance », vous vous avilissez, vousvous aplatissez, vous participez à la grosse félonie nationale sans le vouloiret vous devenez « comme eux ». Le recours à la voie courte, et tous lesAlgériens le savent, vous enlève de votre dignité et vous rappelle tropcruellement votre dépendance et votre aliénation.

Aprèsla sollicitation d'un service, on se sent toujours un peu diminué, veule,proche d'une sorte de saleté intime et redevable d'une manière tellement imprécisequ'elle ouvre droit à toutes les exagérations de la part de votre «connaissance ». Et au plus profond de l'archéologie du drame de ce pays, c'estce sentiment qui explique la mauvaise foi nationale et le désir de partancecollective.

Quefuient certains Algériens ? Cet univers de « services » rendus ou à rendre pourvivre dans d'autres systèmes plus normalisés, où l'on fréquente un ministre ouun wali sans le regarder comme une corde ou un levier, et où on peut retirer unextrait de naissance sans embrasser la peau huileuse d'un bonhomme qui vousregarde comme on regarde une mouche de trop près.

La« voie » courte du bras le plus long explique beaucoup de choses dans ce pays:d'abord le teint de son peuple, comme dit plus haut, mais aussi les hainesréciproques, l'indignité et la colère. Cela donne des moments dans la vie d'unepersonne où l'on se promène tête baissée, les bras inutiles et la silhouetteécrasée contre les murs, pour échapper au poids immense de cette dettecontractée auprès de tous pour pouvoir vivre. Vivre ? Peut-être même pas.Seulement ne pas crever dans les salles d'attente.




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