Algérie

«Ce n'est pas le théâtre des rêves...»



Le week-end dernier, tous les chemins menaient à Tidjelabine! Et pour cause: le marché hebdomadaire de véhicules d'occasion a rouvert, après plusieurs mois de fermeture à cause des restrictions liées à la pandémie de coronavirus. Un événement inscrit en grandes lettres dans l'agenda de beaucoup d'Algériens. Certains, «impatients», ont même bravé le froid et le couvre-feu sanitaire en passant la nuit de vendredi à samedi dernier à l'entrée de ce marché. Les automobilistes ayant emprunté la RN n°5 de Tizi Ouzou vers Alger ont été surpris par des embouteillages monstres formés par plusieurs dizaines de véhicules qui ont «campé» au bas-côté de la route. «Il faut connaître le système de ce marché pour comprendre», souligne l'un d'eux, assurant que les meilleures places sont «chères». «Lazem tnoudhou bekri bâche isihoulek taâ dakhla» (il faut se réveiller très tôt pour espérer avoir les places de l'entrée du marché), explique ce quinquagénaire, visiblement venu vendre sa voiture.Ses semblables et lui comptaient rester sur place jusqu'à l'ouverture, prévue juste après la prière d'El Sobh. «On va s'occuper comme on peut. On va s'assoupir à tour de rôle pour monter la garde. Mais ne vous inquiétez pas, on a l'habitude», soutiennent-ils avec un large sourire. Le rendez-vous est donc pris aux aurores pour la relance de la «Bourse» de l'automobile en Algérie.
On a passé la nuit devant le marché
Il est 5h 15 du matin! On arrive sur place, le marché a déjà ouvert pour laisser les premières voitures s'installer dans cette immense étendue de terre, où chaque place est bien tracée à la craie. À l'entrée, on retrouve nos chers amis qui ont passé la nuit sur place. Ces «experts» avaient effectivement décroché les meilleurs emplacements. Ils étaient tous rassemblés à l'entrée en train de «guetter» les premiers clients. Mais un calme précaire règne en ce début de marché. Il est 5h45 du matin, c'est l'heure de la prière. Une «mousalla» (salle de prière), est improvisée dans un petit coin, à l'abri des regards. Tous vont accomplir leur devoir, en souhaitant sûrement faire une bonne vente... Le devoir religieux terminé, place au commerce! Les premiers clients arrivent, les premières propositions tombent et les premiers refus également. «Achhal aâtaw» (ils ont proposé combien), est la phrase qui suit directement les salutations. «Mazel, anta li taftah, el youma», répond le vendeur. Le client lui propose alors son premier prix, qu'il refuse. «Mazalek biaâde», lui réplique-t-il avant de lui donner rendez-vous, plus tard, pour un second round de négociations. Le jour commence à se lever. La foule, elle, grandit au rythme du crépuscule. Mais toujours pas de ventes.
Du monde mais pas de ventes...
Il est presque 8h du matin, la nouvelle de la première vente tombe. L'information fait le tour du marché. Tout le monde s'interroge: «C'est quoi comme véhicule et combien il a été vendu'». Il s'agit d'une Clio 3,1.5 DCI, année 2011. Elle a roulé 210000 km. Elle a été vendue 125 millions de centimes. Un prix qui paraît exorbitant pour un véhicule de ce type, qui plus est, date de plus de 10 ans mais, aujourd'hui, cela semble être une bonne affaire. Tous se dirigent alors vers l'emplacement où a été «signalée» la vente. «Walah, ça va dert affaire mliha», (tu as fait une bonne affaire), fuse en direction de l'acheteur. Le temps passe, vendeurs et surtout acheteurs sont de plus en plus nombreux. On ne se rend pas compte de l'augmentation du flux de visiteurs avant d'être surpris d'un seul coup de voir le marché en train de grouiller de monde.Les différentes wilayas du pays sont représentées. On a l'impression d'être dans une fourmilière. Et ça ne s'arrêtait pas! De loin, on voit la RN n°5 complètement bouchée. La foule continuait à se «déverser». Malgré cette grande affluence, les ventes étaient rares. On n'a pu constater que trois véhicules vendus durant toute la journée d'hier sur ce marché, où d'habitude ce sont des centaines de transactions qui s'y effectuent. La raison se trouve dans les prix qui sont encore inabordables.
«C'est fou! Ce que demandent les vendeurs dépasse l'entendement», soutient Ali, qui espérait s'acheter un petit véhicule à la veille des vacances scolaires. «J'ai demandé le prix d'une Maruti de 2012 ayant roulé 160000 km, il m'a répondu qu'on lui avait proposé 80 millions de centimes et il n'a pas vendu», s'indigne ce père de famille. Farid, lui, avait repéré une petite Symbol 2015 mais il a lui aussi été vite refroidi par le prix. «Il m'a dit qu'on lui avait proposé 155 millions de centimes et qu'il n'était pas vendeur à moins de 160 millions», rapporte-t-il.
Des prix qui dépassent l'entendement que nous avons pu constater sur place avec par exemple une 307 de 2003 dont le propriétaire assure qu'on lui a proposé 110 millions de centimes. «Je suis vendeur à
115 millions. C'est un véhicule propre qui a peu roulé (140000 km, «officiellement»), nous lance-t-il, sans aucune gêne. Il y a aussi cette Hyundai Accent de 2013 que son propriétaire voulait vendre à 150 millions de centimes alors qu'elle a roulé plus de 200000 km. On a aussi vu une Seat Ibiza de 2016 proposée à 190 millions de centimes et une Polo de la même année à 200 millions.
Des prix qui donnent le tournis...
Il y avait une Skoda Rapid 2019 qui avait l'air plus ou moins «potable», par rapport aux autres. Elle était proposée à 245 millions avec son KIT GPL. Mais à bien voir, elle a roulé plus de 150000 km en 2 ans et elle avait subi quelques chocs. «Ce n'est plus le marché de l'automobile de Tidjelabine mais l'annexe d'Oued Kniss», dénonce un acheteur déçu par sa matinée. «Ils se basent sur les prix que certains plaisantins leur proposent par téléphone, sans avoir vu le véhicule», précise-t-il avec dépit. Comme lui, beaucoup ont dénoncé la spéculation des dernières semaines sur le marché de l'automobile de l'occasion à la faveur de l'arrêt des importations et la fermeture de ce marché. Ils espéraient voir une petite baisse des prix, mais il n'en était rien. Ils sont presque tous rentrés bredouilles.
Les seuls qui ont réalisé «l'affaire» sont Aâmi Ali, le vendeur de sandwichs et son collègue qui vend les produits contre les cafards et les rats. Les Algériens sont donc allés à Tidjelabine, ils ont vu mais n'ont pas réalisé leur rêve...
Les règles d'hygiène et de distanciation sociale aux abonnés absents
«Le coronavirus n'existe plus à Tidjelabine!»
Le coronavirus a dû faire la fête au marché de voitures d'occasion de Tidjelabine. Une foule immense était au rendez-vous pour sa réouverture, mais pas les règles d'hygiène et de distanciation sociale. Elles étaient aux abonnés absents! Le masque était quasi inexistant.
Les rares personnes qui le portaient, l'avaient en dessous du nez. Ils ont même eu droit à des remarques concernant ce masque, en affirmant que le coronavirus n'existait plus, ils n'avaient donc plus besoin de le porter. Cela alors que les personnes présentes étaient presque collées les unes aux autres.
Un terrible laisser-aller qui pourrait être fatal, surtout que cela coïncide avec l'apparition du variant britannique de Covid-19. Attention au relâchement!


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