Algérie

Ce n'est pas avec une loi qu'on guérit les traumatismes



Il est même insensé de croire que la réconciliation nationale, contrairement à  la concorde civile qui permit à  des milliers de terroristes de déposer les armes, ait apporté du nouveau à  la donne sécuritaire. Elle a été beaucoup plus une coquetterie du président Bouteflika qu'autre chose. Une coquetterie parce que sur le terrain, elle n'a pas mis fin au terrorisme comme l'escomptait son promoteur. Bien au contraire, elle a eu à  galvauder la matrice idéologique du terrorisme. Croyant en la faiblesse de l'Etat qui avait fait trop de concessions, ceux qui avaient été eux-mêmes auteurs d'exactions terroristes dans les années 1990 revenaient ou tentaient de revenir sur la scène politique en demandant la création d'un parti politique. Ils s'estimaient même dans leur droit et exigeaient que l'on tienne la promesse qui leur avait été faite.
Beaucoup d'observateurs s'interrogent sur l'efficacité d'une charte dont les autorités auraient pu faire l'économie puisqu'il existait déjà une loi qui reposait sur le même principe et qui s'assignait les mêmes objectifs. Il faut bien le signaler, ces dernières années, la seule stratégie, qui s'est toujours d'ailleurs avérée payante, est la lutte contre le terrorisme. Les groupes terroristes affiliés à  l'organisation dirigée par Abdelmalek Droukdel, qui ont d'ailleurs rejeté les offres de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, l'ont vérifié à  leurs dépens en subissant d'énormes pertes ces dernières années. Une grande partie des têtes pensantes du terrorisme dans le pays a été mise hors d'état de nuire, grâce au sacrifice de ceux qui continuent à  donner leur vie sur le terrain de la lutte. Plus qu'elle n'en ait résolu alors, la réconciliation nationale a créé des problèmes. Les victimes du terrorisme continuent à  rejeter le texte adopté par voie référendaire ; les familles de disparus en font autant. Autrement dit, les parties les plus concernées n'ont pas pu se retrouver dans le texte initié par Abdelaziz Bouteflika. Face à  l'impunité consacrée, elles demandent justice. Face à  l'oubli, elles exigent la vérité et la reconnaissance. Les Algériens montrent en effet des signes de vouloir tourner la page sombre des années de terrorisme, mais ils ne sont pas prêts du tout à  tomber dans l'amnésie. En témoigne la manière dont Ali Belhadj, le numéro deux de l'ex-FIS, a été rabroué par la foule lors des dernières manifestations, à  Bab El Oued ou à  la place du 1er Mai ; en témoignent les manifestations quasi hebdomadaires des familles de disparus qui demandent que la lumière soit faite sur la disparition, reconnue officiellement, de leurs enfants, et  également les dernières manifestations des familles et des victimes du terrorisme qui réclament une reconnaissance. Autant d'éléments qui prouvent que la réconciliation n'a pas pu imposer le pardon – il ne s'impose pas – mais a laissé des stigmates indélébiles dans une société encore traumatisée par des années de folie meurtrière.
    


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