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CE MONDE QUI BOUGE L'Algérie, le mauvais exemple '



Par Hassane Zerrouky
«Pour les islamistes, le modèle de référence est la Turquie, qui est parvenue à leurs yeux à combiner dignité, prospérité et assertivité politique, le tout dans un cadre démocratique. Pour tous les islamistes, le contre-modèle absolu a pour nom l'Algérie, où la double radicalisation des militaires et des islamistes a débouché sur la guerre civile», écrit le chercheur français d'origine marocaine Zaki Laïdi dans une tribune libre publiée dans le Monde daté du 6 décembre. Zaki Laïdi ne donne pas les raisons qui ont plongé l'Algérie dans une crise qui a fait des dizaines de milliers de morts dans un contexte historique fondamentalement différent de celui d'aujourd'hui.
Ce n'était d'ailleurs pas le but de son article. Mais pour étayer le point de vue des islamistes pour qui le contre-modèle de cette «double radicalisation» est l'Algérie, il se réfère, entre autres, à «une étude d'opinion sur les révolutions arabes conduite dans le monde arabe par l'université du Maryland» laquelle, écrit-il, «confirme la centralité de la référence turque dans le monde arabe». Partant de ce constat, et se plaçant du point de vue français, il fait remarquer à juste titre qu'il va falloir «traiter avec des gouvernements démocratiquement élus». Et d'ajouter : «Il convient plutôt de se féliciter de la mise en place de processus démocratiques et exprimer son désir de se montrer attentif à la suite des évènements. Attentif mais pas vigilant (…) A tort ou à raison, la vigilance est identifiée comme une sorte de mise sous tutelle.» Avant de conclure un peu plus loin : «Nous ne devons en aucun cas donner l'impression de craindre la démocratie chez les autres. Même si à l'évidence nos nouveaux interlocuteurs partageront moins que les anciens un certain nombre de codes culturels et sociaux que nous avions en commun. » Sans faire l'injure de caricaturer sa réflexion, il y a tout de même quelque chose d'angélique chez cet auteur à délivrer un brevet de démocratie aux islamistes avant même qu'ils n'aient commencé à exercer le pouvoir en Tunisie, au Maroc et en Egypte. Dire par exemple qu'il ne faut pas «craindre la démocratie chez les autres» ne signifie nullement que ces «autres» vont la respecter. Plus encore, élus ou non démocratiquement, on ne peut ignorer, sauf si l'on s'abstient de faire abstraction de la matrice politico- idéologique des partis islamistes, que l'horizon politique et spirituel des Frères musulmans et autres avatars de l'islam politique, reste la «oumma» et l'Etat islamique. Ajoutons encore, qu'après l'avoir longtemps pourfendu, les islamistes modérés ont accepté le jeu démocratique, déclaré qu'ils étaient pour la démocratie alors que celle-ci en tant que projet de société est difficilement conciliable avec le projet politique qu'ils visent à instaurer à terme. Ils se sont imposés des lignes rouges qu'ils ne sont pas prêts à franchir au risque de perdre leur raison d'être. On le voit bien en Tunisie où Ennahda, qui affirme respecter les droits des femmes, n'a pas tout à fait renoncé à remettre en cause le droit au divorce des femmes ni renoncé à autoriser la polygamie interdite sous Bourguiba ! Quant à «la centralité de la référence turque», à laquelle adhèrent en paroles les islamistes arabes et maghrébins, elle relève de la mystification. Le modèle turc n'est pas la référence de ceux qui dirigent actuellement ces partis. Il s'agit d'un leurre et d'une instrumentalisation de ce modèle. S'il est évoqué surtout par les islamistes tunisiens, moins par leurs frères égyptiens, c'est pour rassurer à la fois cette partie des Tunisiens craignant une remise en cause de la modernité et l'Occident capitaliste. L'islamisme maghrébin et égyptien est en effet éloigné de l'islamisme conservateur de l'AKP. «L'islam religion d'Etat» ne figure ni dans le projet politique ni dans l'agenda de l'AKP. Ce dernier, si cité comme modèle, n'a jamais remis en cause l'interdiction de la polygamie, ni le droit au divorce des femmes turques. Et contrairement à ce qui se passe dans la majorité des pays arabes, excepté encore la Syrie, «l'islam religion d'Etat» ne figure pas au fronton de la Constitution turque.
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