Algérie

CE MONDE QUI BOUGE Tunisie, est-ce que tout est joué '



Par Hassane Zerrouky
C'est tout le paradoxe de cette révolution tunisienne qui a vu un parti Ennahda s'emparer d'une révolution faite par des jeunes au nom d'idéaux démocratiques et progressistes.
Les résultats partiels rendus publics par la commission électorale confirment, certes, la poussée islamiste, mais Ennahda, qui récolterait 40% des voix s'adjugerait entre 65 et 70 sièges sur les 217 en lice, n'aura donc pas une majorité suffisante pour gouverner et devra nouer des alliances avec des partis non islamiques, de gauche, principalement avec le Congrès pour la République (CPR) de Moncef Marzouki et Ettakatol (Forum démocratique pour le travail et les libertés) de Mustapha Benjaafar, qui auraient obtenu entre 15 et 16% de voix chacun. En acceptant de former avec Ennahda un gouvernement d'union nationale, ces deux partis lui ont apporté cette caution démocratique qui lui manquait. Et dès hier, les discussions entre les trois partis ont commencé. Non sans arrière-pensées politiciennes. En contre-partie de ce soutien inattendu, Mustapha Benjaafar escompte se faire élire chef de l'Etat par l'Assemblée constituante, alors que durant la campagne électorale, il avait plus d'une fois écarté toute alliance avec les islamistes. Autre paradoxe, il se pourrait que l'Assemblée constituante soit dominée par les partis de gauche et non islamiques. En effet, outre le CPR, Ettakatol, le Parti démocratique progressiste (PDP) de Maya Jbiri, qui aurait obtenu entre 8 et 10% de voix, le Pôle démocratique moderniste (PDM) qui a franchi la barre des 5%, le PCOT (Parti communiste ouvrier tunisien) de Hamma Hemami qui a récolté quelques sièges, totaliseraient ensemble plus de voix qu'Ennahda. On aurait donc une Assemblée constituante dominée par les partis de gauche et progressistes. De ce fait, le parti islamique n'aura peut-être pas les coudées franches pour faire ce qu'il veut. La rédaction de la nouvelle Constitution ne sera pas une tâche facile pour lui. La question est donc de savoir, dans le cas où cette Assemblée venait à refuser ses propositions, si Ennahda serait tenté de passer en force en faisant appel à la rue. Plusieurs de ses dirigeants ont d'ailleurs laissé planer une telle possibilité. «Si la Constituante n'honore pas ses engagements, le peuple y répondra par le slogan “Dégage”» a menacé Noureddine Bhiri, président du bureau politique du parti. Autrement dit, il n'exclut pas de faire appel à la rue pour imposer ses vues. Si c'est vraiment le cas, il lui faudra compter avec tous ces jeunes, les vrais acteurs de la révolution du 14 janvier, et les femmes, décidés à ne pas se laisser déposséder de leur révolution et des acquis de la modernité. Car s'il y a une chose qui semble acquise, c'est que les Tunisiens ne se sont pas débarrassés d'une dictature pour la remplacer par une autre. Ennahda, dont les statuts ne font aucune référence à l'islam, et qui s'est engagé à respecter le statut de la femme, à ne pas remettre en cause l'interdiction de la polygamie, sait qu'il est attendu au tournant. Il sait surtout que rien n'est encore joué. Il va donc agir avec prudence afin de ne pas heurter frontalement cette partie des Tunisiens qui lui est hostile. Outre la rédaction de la nouvelle Constitution et son adoption par une Assemblée nationale dont une partie importante des députés ne lui est pas acquise d'avance, la priorité d'Ennahda, qui a promis beaucoup de choses sur le plan socio-économique, dont un revenu national par habitant de 1 000 euros, et d'accepter l'alternance au pouvoir, sera de consolider son pouvoir et de ne pas décevoir ceux qui ont voté pour lui. Dans un an, ce sera les élections législatives et Ennahda espère bien les remporter afin d'asseoir durablement son pouvoir.


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