Algérie

CE MONDE QUI BOUGE



Par Hassane Zerrouky
Il fallait avoir vraiment la mémoire courte pour croire que ces élections législatives allaient accoucher d'une alternative au système actuel. Si ceux qui contestent les résultats de ce scrutin, dénonçant les «irrégularités», la «fraude », reprochant au pouvoir de n'avoir pas tenu ses promesses pour un vote transparent, prenaient la peine de regarder la réalité, ils s'apercevraient sans doute que les réformes adoptées par l'APN n'avaient pas pour objectif la fin de ce système politique tant décrié, mais de le corriger à la marge.
Aussi, en prenant part à ce scrutin, les partis politiques, qui crient au trucage, ont de fait cautionné le processus mis en œuvre par le pouvoir. Cela vaut aussi bien pour le FFS, qui a apporté une caution démocratique à ce processus, que pour les autres formations de tendance démocrate ou libérale. Soyons clairs, quel est l'Algérien sensé qui croira que ces partis ne savaient pas que le FLN et le RND allaient sortir vainqueurs de ce scrutin. Sauf, si ce système était assez fou pour programmer son suicide ! Quant à la déferlante islamiste annoncée, parlons- en. Ceux, parmi les médias nationaux mais aussi étrangers, qui avaient pronostiqué un scénario à l'égyptienne ou à la tunisienne, il suffit de leur rappeler que, là également, les Algériens n'ont pas la mémoire courte. Commençons par l'Alliance verte qui, à la faveur du «printemps arabe», a basculé opportunément dans l'opposition à la veille de ces législatives. Soltani et ses amis, qui se sont découvert une âme d'opposant à la dernière minute, ne pouvaient faire oublier qu'ils sont comptables de la gestion socio-politique d'un pouvoir dont ils ont fait partie depuis plus de dix ans ! Les quatre ministres islamistes membres du Hamas sont encore membres du gouvernement. Pour être crédible, il aurait fallu que le MSP retire ses ministres du gouvernement. Or, il ne l'a pas fait. Idem pour Abdelmadjid Menasra du Front du changement (FC), qui a essayé, au moyen d'un discours islamiste radical, de faire oublier qu'il a été ministre de l'Industrie, partisan de la privatisation du secteur économique d'Etat, une fonction où il n'a pas laissé que de bons souvenirs ! Et à ce titre, il est également comptable du bilan de ce pouvoir. Toutefois, plus que leur stratégie d'entrisme et de participation à la gestion du régime, l'Alliance verte, le Front du changement ou Al-Adala de Djaballah, ont cru qu'à la faveur de la politique de réconciliation nationale, que les Algériens ont oublié la responsabilité de l'islamisme dans la tragédie qu'a vécue l'Algérie. Or, la «décennie noire» est encore dans les mémoires. A moins qu'ils soient schizophrènes ou atteints de je ne sais quelle folie, les Algériens n'allaient pas tout de même pas voter pour une alternative islamiste après ce que le pays a enduré, et ce, en dépit de ces tentatives de déculpabilisation de l'islamisme auxquelles on a assisté. Et auxquelles on continuera d'assister… Bien plus, ces partis islamistes modérés ou radicaux ne sont rien d'autre qu'une forme d'expression, parmi d'autres, de ce néo-libéralisme capitaliste qui est en train de ravager de nombreux pays. Leur modèle social et économique, c'est le Qatar et les monarchies du Golfe où les immigrés sont payés à moins de 300 euros par mois et ne disposent d'aucune couverture sociale, et non la Turquie, trop moderne à leur goût ! Ce n'est pas en proposant un ministère de la zakat comme l'a fait Djaballah qu'on réduira le chômage et la pauvreté ! En outre, des islamistes au pouvoir, cela ne signifie pas seulement une restriction plus grande des libertés, mais une Algérie livrée aux multinationales, fragilisée, comme le sont les monarchies du Golfe qui ne peuvent tenir et exister sans l'appui militaire américain. Quant au taux de participation, que les partis s'abstiennent d'évoquer, alors qu'il est l'enjeu majeur de cette élection, signifie-t-il que l'Algérie est sur le chemin d'une sortie de crise ' Assurément non. L'abstention reste élevée. Le système ne sort pas conforté par ce scrutin. Tout au plus, aura-t-il deux ans de répit d'ici l'élection présidentielle. Deux ans, c'est peu au regard de l'accumulation des problèmes auxquels le pays est confronté et que ce système ne pourra pas résoudre à coups de politiques autoritaires.




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