«Face au monde
qui change, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement». Francis
Blanche, auteur français (1921-1974)
Le monde a changé
et l'humanité n'a plus retrouvé sa stabilité d'avant. Partout, les crises se
succèdent les unes derrière les autres ( économique,
politique et sociale), les conflits de basse ou de large intensité ( Irak,
Afghanistan et Corée du nord), les famines et les épidémies(corne de l'Afrique
de l'ouest), les propagandes outrancières et la médiatisation tendancieuse qui
privilégient beaucoup plus le choc de civilisations que le dialogue des
cultures ( Christianisme contre Islam, Occident contre Orient, Capitalisme
contre Socialisme...etc). Apparemment, les analyses
pertinentes de l'écrivain libanais Amin Maalouf dans
son ouvrage «le dérèglement du monde» et les prédictions du philosophe français
Stéphane Hessel dans son fameux brûlot «indignez
vous» retrouvent parfaitement leurs lettres de noblesse à la lumière de ces
troubles qui parsèment l'actualité mondiale «le vieux monde se meurt et le
nouveau n'est pas encore né, dans ce clair-obscur, se profilent les monstres» a
écrit l'anarchiste italien Antonio Gramsci( 1891-1937) il y a presque un
siècle. Mais y-a-il vraiment un monde alternatif?
S'acheminerait-on vers une nouvelle version dans la politique économique
mondiale? Si la réponse est par l'affirmative, quelle place incomberait donc
aux grands ensembles économico-politiques à l'image
de l'union européenne? Vont-ils disparaître ou tout simplement rester
tributaires des vagues erratiques des marchés économiques fort fluctuants? Quel
serait le destin des petits États dans la nouvelle reconfiguration mondiale? En
réalité, après le boum du «syndrome hollandais», ayant touché les pays rentiers
du sud, vient maintenant et de manière quasi inopportune ce syndrome
déflationniste qui dévitalise les pays du nord de leur énergie. Serait-ce «un
remake» de la crise de 29 à l'envers ou simplement un précédent historique à
nul autre pareil? Question présentement sans réponse.
En réalité, le
passage des pays occidentaux de l'industrialisation forcée (la période des
trente glorieuses 45-75) à une économie fondamentalement des services a laissé
leurs industries dans une période de stagnation insurmontable. A cet effet, la
recherche des marchés économiques s'effectue désormais à l'extérieur de leurs
frontières. Les multinationales, basées essentiellement en Occident, se
multiplient un peu partout dans le monde, les investissements étrangers directs
(I.E.D) s'adjugent la part du lion dans l'économie mondiale et accumulent, à
elles seules, les deux tiers du commerce international. En conséquence, leur
influence sur les politiques nationales des pays développés et en développement
est énorme en raison des intérêts économiques qu'elles pourraient susciter, la
théorie de «l'avantage comparatif» chère à l'économiste anglais David Ricardo
(1772-1823) consistant à dire que chaque pays devrait se spécialiser dans un
tel domaine de production est sciemment mise à contribution par ces nouvelles compagnies.
En effet, le plus préjudiciable est le phénomène de la délocalisation car dès
que ces multinationales ressentent une nette régression des bénéfices
engrangés, elles quittent les lieux investis pour regagner d'autres espaces
plus compétitifs et surtout plus bénéfiques. C'est en ce contexte que l'on
pourrait parler du syndrome de la précarisation de l'emploi. Plus grave encore,
la présence des multinationales est sentie comme une menace pour la stabilité
de certains pays dont les inégalités économiques et sociales ne cessent de se
creuser à la faveur d'une mauvaise distribution de richesses et revenus
nationaux. Selon l'organisation des nations unies pour l'alimentation et
l'agriculture (F.A.O), plus de 40 000 enfants meurent chaque année dans le monde
des suites des problèmes de la malnutrition et environ 925 millions d'autres en
souffrent terriblement. Chiffres qui font peur dans un monde de plus en plus globalisé.
Que fait
l'Occident, détenteur de la conscience morale en temps actuels pour sauver
l'humanité des dérives de la mondialisation? Attendrait-il le retour du Messie
afin de venir à bout du cancer de ce siècle qui s'appelle «mondialisation» ou
continuerait-il par contre à biaiser le reste de la terre par ses discours
fleuves sur les droits de l'homme, l'humanisme et la fraternité entre les
peuples? Certes, cette vision est vraie mais il conviendrait quand même faire
une distinction fondamentale et radicale entre deux Occidents diamétralement
opposés. Celui du colonialisme, du pragmatisme et d'individualisme et l'autre
des Lumières, de la liberté et de la morale. Cet Occident de «l'alternative
humaine» qui croit en un monde multipolaire où toutes les voix seraient
entendues et tous les pays seraient respectés. Mais serait-ce un rêve donquichottesque
ou une utopie des temps révolus d'y penser? On n'en sait pas trop. L'essentiel
est que l'espoir reste toujours de mise car en ce moment même tous les signes
convergent vers une fédération d'efforts entre tous les pays du monde afin de
pouvoir trouver une solution consensuelle à une crise économique qui dépasse de
loin les frontières de l'Oncle Sam et de l'union
européenne. Celle-ci semble être excédée par l'ampleur de cette nouvelle menace
planétaire dont l'impact serait cette fois-ci très dur. Le ministre des
finances polonais Jan vincent-Rostowski aurait même
évoqué le risque d'une guerre à moyen et long terme si la crise de l'euro
devait conduire à l'éclatement de l'union européenne. En fait, la peur des
lendemains désenchanteurs habite encore les esprits car il semble qu'aucune
perspective n'est envisagée ni envisageable pour résorber les méfaits du
libéralisme sauvage dans le monde. Le terme de «l'étau» dont la militante altermondialiste Aminata Traoré s'est servi dans un ouvrage
portant le même titre pour qualifier la situation de l'Afrique par rapport au
monde occidental, s'applique d'ores et déjà à la situation des États Unis et de
l'Europe par rapport au monde et au système libéral qu'ils ont crée.
Ce qui est
important à signaler est que l'Occident est au bord du gouffre. Tel est du
moins ce que l'on peut déduire de ce qui se passe au moment présent dans les
bourses mondiales. Économies menacées par la récession, incapacité des États à
maîtriser la crise des dettes et une forte probabilité de la disparition de la
zone euro. En France, c'est le grand chambardement, le président Sarkozy
s'agite ça et là en prévision des prochaines élections présidentielles qui se
teindraient en 2012, la réussite de l'opération militaire «l'Harmattan» conduite
en Libye sous l'égide de l'O.T.A.N et son dernier
accueil triomphal en héros libérateur à Benghazi avec des cris et ovations au
rythme de «one-two-three, vive à Sarkozy » ont
quelque peu effacé les séquelles d'une crise qui n'a fait que perdurer et toucher
les français dans leur pouvoir d'achat car elles demeurent toutefois en deçà
des attentes. En effet, après la création de l'organisation des amis de la Libye dont la France tient la place du
leader en s'octroyant selon les révélations du journal Libération 35% des
revenus des hydrocarbures libyennes, les officines de l'Elysée comptent
rassurer l'électorat du président et miser sur le retour à la normale de la
cadence économique sur fond de thème de campagne électorale. Cependant, les
chiffres sont là, taux de chômage qui s'élève à 9,5 %, enregistrant une nette
progression par rapport à l'an dernier 7,6%, et dette publique qui accapare
plus de 86, 9 % du P.IB, soit plus de 1647 milliards d'euro. «La France appartient à ceux
qui se lèvent tôt», tel fut le slogan du président Sarkozy en 2007. Après plus
de 4 ans, la France,
effets de la crise obligent, en est presque à la case départ.
En effet, le
pragmatisme de l'Élysée bute sur les syndromes grec, italien et espagnol. Les
célèbres places de «syntagma» et «puerta
del sol» sont devenues des foyers de tension de
nature à ébranler la stabilité de toute l'Europe. Au lendemain de la réussite
des expériences révolutionnaires des pays arabes, la culture de la révolte y
gagne intempestivement les esprits. La crise économique a montré les failles
des politiques néolibérales. C'est pourquoi, le fantasme européen commence peu
à peu à s'estomper laissant la place ouverte à une ascension économique de la Chine. Celle-ci
est l'une des plus grandes nations riches de la planète, elle est détentrice de
plus de 3000 milliards de dollars de réserves de change avec un taux de
croissance qui dépasse les 10%, une infrastructure industrielle viable et un
tissu économique des plus solides. Encore faudrait-il signaler que l'empire du
Milieu n'est plus seul dans sa course à la perfection économique, les tigres de
l'Asie du Sud-Est et d'autres pays émergents sont
aussi de la partie, l'Inde, le Singapour et la Malaisie entre autres sont des modèles
économiques enviables, de même que le Brésil et l'Afrique du Sud ont enregistré
des performances remarquables ces dernières années. Donc, les données
économiques ont changé sur le plan international. Mais pourrait-on prédire par
là la fin de l'empire occidental ou la corroboration de la prophétie
apocalyptique de la fin du monde annoncée par le calendrier des Mayas pour le
21 décembre 2012? Face à la précarisation de plus en plus inquiétante des
marchés économiques, la fragilité des États et la disparition des classes
moyennes sur fond d'une crise économique jamais vécue ni en 1929 ni en 73 ni
encore moins en 86, les U.S.A et l'U.E n'ont trouvé
mieux qu'opter pour des remèdes parcellaires «les plans de sauvetages» qui
retardent les effets de la crise mais ne résolvent ni résorbent cependant le
vrai problème: l'endettement. Ainsi les banques anglaises et françaises
s'inquiètent-elles de l'insolvabilité des économies fragilisées et doutent de
leur capacité rembourser leurs créances.
À cet effet,
elles incitent les États européens à garder espoir en une zone euro presque
noyée. En fait, la Grèce
tourne en rond dans le cercle infernal de l'endettement, après un déficit
public abyssal caché par le gouvernement sortant en 2009 dirigé par Kostas Karamanlis, les retombées de la crise économique la
touchent de plein fouet. Les deux plans d'aide internationaux de 110 et 160
milliards d'euro ont généré en contrepartie des politiques d'austérité des plus
dures, des coupes budgétaires et une hausse des impôts. Ce qui a accéléré la
cadence de la faillite grecque. En vérité, les États européens ont été bernés
par la perspective des plans de sauvetage qui n'ont fait qu'atermoyer le poison
de la crise car en ce moment même 3500 postes d'emploi seraient probablement
supprimés en Grèce et la grogne populaire risque de contaminer les pays voisins
tels que l'Italie, le Portugal, et l'Espagne et à moindre degré la France et l'Allemagne. Pour
autant, l'éviction de la
Grèce de l'espace européen est une perspective peu
envisageable à l'heure actuelle. Pour Charles Wyplosz,
éminent économiste de l'institut des hautes études internationales et du
développement à Genève, la
France serait en butte à une grande récession économique si la Grèce sort de la zone
euro puisque d'une part, les banques françaises vont se tourner directement
vers l'État afin de récupérer leurs dettes impayées. D'autre part, vu les
pertes que pourrait générer une telle décision, dans les pays européens,
économiquement forts tels que l'Allemagne et l'Angleterre, les banques seraient
amenées à diminuer drastiquement les prêts accordés aux particuliers et aux
entreprises. Ce qui entrainerait inéluctablement un
ralentissement du rythme des investissements économiques et condamnerait la
marche normale de l'économie. Si ce cas de figure se concrétise réellement sur
le terrain, les États européens seraient obligés de recapitaliser les banques
en renflouant leurs caisses alors que le trésor public est vide. C'est dire que
grosso modo l'Europe est entre deux feux plutôt que dans un cercle vicieux.
Il est à rappeler
que toute sortie de la zone euro implique nécessairement une dévaluation de la
monnaie du pays concerné. Ainsi, l'Europe contrairement au cas déflationniste
actuel, pourrait assister au retour du phénomène inflationniste vu que la masse
monétaire inondera le marché. C'est pourquoi, l'Allemagne, au nom de la
solidarité interétatique, s'entête à ce que la Grèce reste membre à part entière de la zone euro
bien qu'auparavant, elle a fermement condamné le manque de rigueur dans les
réformes que cette dernière a menées pour assainir et épurer ses finances
publiques. Mais la faillite de la Grèce serait-elle inéluctable pour autant? La
réponse de Phillip Rosler,
chef de file du parti libéral allemand va droitement dans ce sens. Bien plus,
si la crise persiste à ce rythme, toute la zone euro tomberait à pic dans la
tourmente car maintenant même les banques françaises, à elles seules, subissent
3.35 milliards d'euros de pertes, et la banque européenne, l'un de ses
bailleurs de fonds du pays hellène au côté de la commission européenne et le
F.M.I, en a, quant à elle, endossé 55 milliards d'euros, puisque le
gouvernement grec fait défaut de 177 milliards d'euros, soit la moitié de sa
dette reste impayée.
En vérité,
concernant les plans de sauvetage, si échec il y a, c'est principalement en
raison du haut taux d'intérêt prélevé sur le service de la dette. Par ailleurs,
près de 35 milliards d'euros auraient échappé aux caisses de l'État grec en
2010 suite à une évasion fiscale des particuliers, groupes industriels et
entreprises. Raisons parmi d'autres de la persistance de la crise. Le scénario
est quasiment le même en Italie où la dette publique a dépassé la borne de 1900
milliards d'euros, soit plus de 12% de son P.I.B et le pays marche sur les
cendres de la révolte, la cible cette fois-ci est un bouc émissaire notoire en
temps de crise: l'immigration. Il semble que les pays capitalistes sont tels
des vases communicants, dès que l'un est touché, le reste suivrait forcément le
train de la chute. Ainsi, l'Angleterre, censée être moins concernée par les
défis de l'eurozone ressent, à son tour, les coups de
l'ouragan taper à ses portes, la politique d'austérité menée par le premier
ministre David Cameroun est moins efficace: un tour de vis budgétaire, coupures
dans les dépenses, et taux de chômage avoisinant 7, 9%.
Ce qui a fait,
sans l'ombre d'un doute, rejaillir le phénomène de l'émeute au cÅ“ur des
quartiers de Londres ces dernières semaines. L'Europe est, bien évidemment,
dans le collimateur de la tourmente financière et au moment actuel, elle n'a
que deux solutions qui se présentent à elle: soit elle réduit les dépenses afin
de garantir la stabilité monétaire, et dans ce cas de figure, elle traverse une
période de chômage massif, soit elle accroît les recettes en augmentant les
impôts et là, les États seraient plus des régulateurs et des actants potentiels
que des variables dépendantes de la grande machine économique. Ainsi, on tombe
directement sur la théorie keynésienne qui suggère l'intervention de l'État
dans tout processus de prise de décision au niveau économique. Mais serait-il
le retour du socialisme ou la fin de l'histoire comme l'a prédit l'américain
Francis Fukuyama, il y a presque une décennie? De toute façon, une chose est
sûre: le libéralisme est en agonie. En guise de preuve, Obama,
le président de l'hyperpuissance américaine, compte
recourir à la finance publique afin de faire redémarrer l'économie. La crise
des subprimes qui a fait ses premiers balbutiements
en 2008 a
rendu caduque l'économie américaine, le taux de chômage grimpe à 9 % et la
stratégie de création d'emploi envisagée par l'administration américaine n'a pu
juguler une détresse sociale grandissante. Le coût des guerres s'y ajoute,
l'Irak, l'Afghanistan, la traque des éléments d'Al-Qaïda.
En définitive,
pour l'économiste français Christian Saint Étienne, même si l'Europe opterait
pour l'effacement de la moitié ou la totalité de la dette de la Grèce, solution déjà
proposée par le dernier revenant de la chronique judiciaire américaine sur le
plateau de T.F 1, le célèbre ex-directeur du F.M.I Dominique Strauss Kahn
(D.SK) et que le pays sort complètement de la zone euro, il lui serait très
difficile de retrouver sa compétitivité d'antan. En ce sens, on est en plein
cÅ“ur de la théorie du chaos et que la solution du fédéralisme européen est plus
qu'envisageable. Mais qui paierait les pots cassés? La troïka ( U.E, F.M.I, et banque centrale européenne), les pouvoirs
politiques, les masses populaires ou les pays du Sud ? En d'autres termes, les
élites occidentales cherchent souvent des voies de salut en dehors de leurs
frontières. Pour preuve, la terrible épopée coloniale entre le XV et le XX
siècle ne fut-elle pas la résultante d'un problème purement économique? Le
matérialisme historique cher au philosophe allemand Karl Marx (1818-1883)
semble être la seule explication de la majorité des conflits mondiaux. Mais
faisant table rase de tous ces mauvais pronostics, ce monde qui a changé ne
transformerait-il pas un jour l'Europe? Et le printemps arabe n'y était-il pas
pour quelque chose dans cette prise de conscience soudaine de la jeunesse
athénienne? Ne l'a-t-il pas rendu jalouse? Qui sait...!!!
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 22/09/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Kamal Guerroua
Source : www.lequotidien-oran.com