Algérie

"Ce fut une très belle aventure..."



Invité à présenter son film, son premier long métrage fiction intitulé «Le puits», Lotfi Bouchouchi était du 18 au 22 décembre dernier à Hassi Messaoud dans le cadre des premières Rencontres cinématographiques de Hassi Messaoud dédiées aux films présélectionnés aux Oscars. Dans cette interview, il revient sur cette belle expérience jonchée de difficultés et de fausses promesses...L'Expression: Cela fait quoi de projeter cette fois votre film à Hassi Messaoud après les USA'Lotfi Bouchouchi:Ça me fait toujours plaisir d'aller vers les gens, la population algérienne qui peut voir le film et réagir, car les débats sont parfois beaucoup plus intéressants et je dirais même plus fructueux qu'avec certains professionnels. Je ne minimise pas de l'importance des spécialistes, mais je dis qu'un film on le fait pour tout le monde. Et c'est intéressant de voir comment les gens reçoivent un film. Ce sont des gens qui abordent le film crûment, ils ne prennent pas de gants, si ça plaît, c'est bien, si ça ne plaît pas ils le disent. S'ils ont envie de se lever au milieu du film ils le font. Il faut intéresser les gens à ce qu'on fait, pour que, petit à petit on les tire vers les projections, je ne dirai pas vers le cinéma.Votre film a été réalisé dans le cadre du cinquantième anniversaire de l'Algérie et avec un certain regard décalé sur la guerre de Libération. Comment est née l'idée de ce film sachant que le scénario est signé Yacine Belhadj'L 'idée originale vient de mon oncle. C'est une nouvelle qu'il avait écrite en 1968. C'était deux, trois feuilles, il n'y avait pas grand-chose. Quand on nous a demandé en 2010/2011 de présenter des scénarios dans le cadre du cinquantième anniversaire, j'ai naturellement fait appel à Mohamed Yacine Belhadj. J'insiste pour dire que c'est lui qui a écrit le scénario parce que le dialogue, les personnages, tout a été écrit par lui. Il n'y a pas une autre personne. Je précise, car certains ont cru que c'était le scénario de mon oncle, revu par Yacine Belhadj. C'est faux. Tout a été écrit par ses soins. C'est son scénario. Nous nous sommes, pendant trois, quatre jours, consultés et naturellement on est parti vers des situations et des propositions filmiques issues de nos propres influences. Yacine Belhadj surtout, c'est quelqu'un de cinéphile. Il est imbibé de cinéma et de référents cinématographiques. On est parti sur comme nous savions le faire. Au départ ce n'était pas voulu de faire quelque chose de décalé. Le but était de faire comme ce que nous aimions faire et obtenir un film comme nous aurions aimé voir. Après plusieurs concertations, Mohamed est venu avec une première partie du scénario. Puis une deuxième partie. Deux mois et demi plus tard il revient avec un scénario complet. Je le lis et le ferme et je le présente à la commission de lecture parce qu'il était parfait!Depuis, le film est sorti. Il a fait beaucoup de chemin. Il a reçu beaucoup de prix. Attendiez-vous ce genre de distinctions dont la présélection aux Oscars' Pensiez-vous arriver à ce stade aujourd'hui'La réalité, non. D'abord je n'étais même pas sûr de faire le film en 2011. Cela n'a jamais été clair que l'Etat allait subventionner entièrement les films et surtout à quelle hauteur. On l'a écrit, on a travaillé sérieusement dessus sans trop y croire. Ensuite, j'ai réalisé et produit en même temps le film. J'étais pendant plusieurs mois complètement submergé. A tel point que j'ai réalisé le film sans découpage technique sauf la dernière séquence qui est la 69. Sinon j'ai réalisé tout le film sans découpage. J'ai pris énormément de risques. Je relisais le matin les séquences tournées et on découpait sur place. C'était un très grand risque, je n'avais même pas le temps de réfléchir si cela allait être bien ou pas. C'était surtout: pourvu que je fasse de belles choses! A la fin du film, j'ai commencé à croire que c'était un beau film car j'espérais faire un film qui fasse au moins honneur et qui ne soit pas le genre de films qu'on zappe. J'ai commencé à y croire après le montage image et surtout quand on a fini la post-production. j'ai douté pendant quelques mois après la finition, c'est-à-dire début 2015. C'est à partir du festival d'Alexandrie où on a reçu quatre prix que j'ai commencé à croire qu'il pouvait faire quelque chose et tous les gens qui l'ont vu à travers le monde ont eu la même réaction, les mêmes moments de joie et de larmes. C'est là où j'ai constaté l'ampleur de l'universalité de ce film.Votre film a représenté l'Algérie dans la course vers les Oscars. Un mot là-dessus'Je suis très conscient de la crise que l'Algérie traverse. C'est pour cela que je n'ai pas demandé à une seule entreprise ou à l'Etat de m'aider entièrement dans cette aventure qui est là pour défendre la culture algérienne en général et le cinéma en particulier. C'est pour cela que j'ai voulu monter une stratégie de com et de promotion pour le film qui était en deux parties. La première en Algérie pour ramener assez de fonds pour la faire soutenir par tous les Algériens et la faire voir aux Algériens et en seconde partie aller faire la promotion du film aux USA, au mois de novembre. Ce que je regrette, je l'ai déjà dit plusieurs fois dans la presse, je regrette que les promesses de monsieur le ministre n'aient pas été tenues. Je dis M.le ministre car les directeurs centraux du ministère ont essayé de faire quelque chose, mais si les directives ne sont pas claires, le terrain ne suit pas très correctement. Les promesses n'ont pas été tenues et j'en suis désolé car la campagne a commencé à prendre. Il y a eu un grand engouement de la part de la population, nous avons eu une grande campagne d'affichage grâce à l'Anep. Ce fut une très belle aventure. Le problème est qu'il fallait ramasser un peu plus d'argent pour faire la promotion aux USA et ça, le fait que la réaction du ministre ait été très timide, a fait que cela n'a pas pris comme il le fallait et ce n'était pas suffisant.Donc aux USA la promotion n'a pas eu lieu'Nous sommes partis aux USA. Nous avons fait deux projections, une à New York et l'autre à Los Angeles. La première avec le soutien et l'aide de l'ambassade et surtout du consulat général algérien à New York et Mme Boukadoum. Nous avons fait deux projections à l'intérieur même du consulat et la deuxième à Los Angeles à deux pas de Hollywood où il y avait quelques votants des Oscars et des spécialistes de l'industrie du cinéma. Ils ont vu le film. Je vous donne un titre de The rap, une revue spécialisée en cinéma: «Nouvelle vision, les civils sont les héros dans ce film.» C'est une très bonne lecture et analyse qu'ils ont faites. Je n'y avais pas pensé comme ça. J'ai toujours dit que c'était le combat des femmes et des hommes, j'ai parlé de l'absurdité de la guerre. Là aussi, il y a eu une bonne réaction, mais une hirondelle ne fait pas le printemps si je peux me permettre. Une projection ne suffit pas. Après, je ne dis pas que si on avait fait dix projections on serait passé, mais on aurait eu plus de chance.
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