Les coups de filet des services de la police liés aux affaires de corruption se multiplient à la mairie de Tizi Ouzou. En l'espace d'un mois seulement, près d'une quarantaine de personnes ont été arrêtées. Les chefs d'inculpations se résument essentiellement en le trafic et mise en vente de documents administratifs, détention illégale de griffe et cachets des services de l'état civil ainsi que l'usage inconsidéré de la profession. Les affaires se succèdent.
Les personnes impliquées sont de différentes activités. Et ce n'est là que la partie émergente de l'iceberg. Aussi surprenant que cela puisse paraître, un indice de taille s'avère être le meilleur baromètre de ce phénomène: la vox populi. Avant ces coups de filet opérés par les services de la police au niveau de la mairie de Tizi Ouzou, les gens en parlaient déjà comme d'une évidence.
Le phénomène, autrefois restreint aux initiés et aux personnes ayant le bras long comme l'affirmaient les citoyens lambda, s'est propagé par la force de l'impunité. Il est devenu un commerce lucratif. Des personnes occultes s'interposaient entre le citoyen et le guichet impossible à atteindre. Il fallait débourser 500 DA pour se faire délivrer un document administratif sans faire la chaîne ni même se rendre devant ce guichet.
D'ailleurs, il ne servait plus à rien de s'y rendre car on n'obtenait jamais le service recherché. Les gens s'y adaptent rapidement et facilement. Que pensent les gens de la corruption dans leur wilaya' Ecoutons-les. «Je me souviens de mon oncle, en allant au marché, il passait toujours par la maison du caïd. Il lui remettait un sac bien fermé.
Un jour, il me dit que c'était des cadeaux pour gagner la confiance de celui-ci. Il lui facilitait les choses auprès de l'administration. Je découvris par la suite que c'était parfois des poulets de ferme, parfois de l'huile d'olive et bien d'autres choses», raconte Aami Saïd, qui trouve encore normal cette pratique. En fait, jusqu'à ce moment même, la pratique est répandue et ne dérange aucunement les gens. «Oui, j'ai acquis les 70 millions (700.000 DA) d'aide pour construire ma maison que vous voyez et cela grâce au maire. S'il ne l'avait pas voulu, je n'aurais pas pu l'obtenir», martelait un jeune qui n'admettait pas que c'était un droit et non une donation d'un quelconque responsable. Hélas, il existe pire que cela.
A bien observer le mode opératoire de certains élus lors des dernières élections locales, l'on s'aperçoit que la société est encore à l'ère de ces pratiques. «Moi, je donne ma voix à celui qui m'a promis les 70 millions. Je vote pour celui qui m'a promis de faire parvenir le bitume jusque devant ma porte. Les autres n'ont qu'à voter pour celui qui leur promet des choses», explique Amar, un cinquantenaire qui ne perçoit pas encore la notion d'intérêt général.
Enfin, pour montrer l'étendue de l'enracinement de cette pratique dans nos moeurs, un jeune universitaire a vécu une mauvaise expérience. «Un jour, j'ai voulu dénoncer un élu corrompu dans ma commune. Je me suis rapproché des gens de tous les villages. Quelques jours plus tard, j'ai remarqué que beaucoup de personnes me regardaient d'un mauvais oeil. Pis encore, le jour des élections, cet élu, réputé pourtant pour ses frasques, a obtenu l'écrasante majorité. Beaucoup de gens aiment les corrompus. Ils les défendent même» Fulmine-t-il.
En fait, les relations entre les citoyens et les administrés sont, dans la majorité des cas, établies sur la base de la corruption. D'où la difficulté de lutter contre ce fléau.
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Posté Le : 12/02/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Kamel BOUDJADI
Source : www.lexpressiondz.com