Spécialiste en génie parasismique et professeur à l’Université des sciences et de la technologie Houari Boumediène à Alger, M.Abdelkrim Chelgoum fait le point, dans cet entretien, sur l’état de la prévention contre les catastrophes naturelles en Algérie.
Propos recueillis par Mina Adel
Dix ans après les inondations de Bab El Oued, l’Algérie s’est elle dotée de mécanismes en matière de protection contre les catastrophes naturelles, notamment les inondations?
Si on juge de manière pragmatique on va voire qu’après Bab El Oued, il y a eu pas mal de Bab El Oued, il y a eu Ghardaia en 2008, il y a eu Béchar, Tamanrasset, et il y a eu dans la dernière en date El Bayadh. On a vu la situation apocalyptique de la région après même pas une demi journée de précipitations. Je peux vous dire que pratiquement il n’y a pas eu de politique, de stratégie de prévention fiable qui a été mise en place par les pouvoirs publics. Il y a des wilayas très vulnérables à un certain risque majeur. Avec ce qui s’est produit à El Bayadh, on s’est aperçu qu’aucune mesure préventive n’a été élaborée par les collectivités locales contre ces risques majeurs. Si on fait une rétrospective dans les grandes métropoles algériennes, on s’aperçoit que pratiquement toutes les zones avoisinant les oueds comme Alger, Batna, M’sila, Tizi-Ouzou, Boumerdès sont déjà construites avec des permis de construction et des certificats de l’urbanisme. C’est des zones non constructibles et c’était le cas avant 1962. Des milliers de logements sont implantés ça et là dans des zones dangereuses et cela s’est fait au su de tout le monde. Ces constructions seront affectées que ce soit par les inondations, que ce soit par le séisme.
A votre avis est-ce que les autorités algériennes ont les moyens matériels et le savoir faire nécessaire pour gérer et prévoir ces catastrophes naturelles?
Le problème des catastrophes naturelles c’est la prévention, une politique de prévention claire et efficace. Malheureusement cette politique doit relever des modalités suprêmes c'est-à-dire la personne prend en charge l’élaboration et la mise en place de cette stratégie. Maintenant si cette stratégie n’existe pas c’est l’anarchie et c’est ce qui existe actuellement. Ce sont des mesures préventives minimum qui ne demandent pas beaucoup d’argent. Des mesures qui coûtent un dixième des dégâts causés par la catastrophe.
Est-ce qu’il y a concertation entre les pouvoirs publics et les experts indépendants concernant la sécurisation des constructions et des grands projets?
L’Etat ne voit toute sa politique qu’à travers ses institutions alors qu’il y a des experts et des bureaux indépendants. J’ai toujours posé ce problème ne serait ce que sur la mosquée. J’ai toujours demandé un débat surtout quand c’est des projets qui dépassent le milliard de dollars. Il faut un débat pour étaler les enjeux, les inconvénients et les avantages. On connaît bien le terrain c’est notre métier mais ce débat a toujours été ignoré par les pouvoirs publics. Les pouvoirs publics travaillent seuls parce qu’ils sont maître à bord. Ils sont eux même les financiers et les décideurs mais ça ne marche pas ainsi. Pour réfléchir sur le développement de Paris, Sarkozy a mis en place une commission indépendante. Il n’a pas appelé le préfet ou bien le ministre mais des experts indépendants avec un président indépendant. Il n’y a pas de spécialistes au niveau du secteur public qui ont expérimenté les choses et qui ont fait des études de cas. S’il n’y a pas ça, il ne peut pas y avoir de politique de prévention, donc il ne peut pas y avoir de fiabilité dans les décisions. C’est pourquoi on aboutit à des projets mal calculés, mal implantés et qui vont attendre le moment de s’écrouler.
M.Adel
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Posté Le : 10/11/2011
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Mina Adel
Source : El Watan.com du jeudi 10 novembre 2011