Algérie

Casse-cade



Fatigué de porter le même sens, le mot «bonjour», un soir, se décide à fuguer le vocabulaire et à partir à la bohème «revisiter» la ville. Là où il se présente, nul ne répond à ses politesses: les gens n?ont pas le temps de vous parler, car ils ont d?autres chats à fouetter et semblent évoluer dans un paysage tout juste sorti d?une scène de champ de bataille. On casse pour se faire entendre, avant de se taire et se terrer.Les poubelles sont renversées et les ordures jonchent les chaussées lépreuses, les sacs sont éventrés, vomissant des déchets fouillés par des mains d?enfants en quête d?objets à récupérer. Des façades d?immeubles qui s?écaillent et des balcons en morceaux tombent sur l?orchestre impuissant des habitants qui chantent «bonjour les dégâts».Mais d?où sont sortis tous ces bambins armés de mal-vie, la casse dans les gènes, armés de barres de fer, brisant tout sur leur passage, pillant sans gêne des magasins qui ne leur ont rien fait ? Mais d?où sont sorties ces armées d?enfants qui ont sillonné la ville, narguant les autorités et l?autorité parentale qui leur permet de cacher leur butin sans mot dire ? D?où viennent ces adolescents qui, armés de patience, jusqu?à une heure tardive, attendent les noctambules et les fêtards pour leur faire la fête ? D?où viennent ces sans-abri de tout âge qui élisent domicile près des bouches d?aération des boulangeries, en quête de chaleur ? Une population qui ne connaît pas bonjour et qui n?a jamais entendu parler de «bonne nuit».Dans un boulevard du centre-ville, les vitrines blindées n?ont pas résisté à leur assaut. Bonjour la sécurité. Les cadenas de toutes origines et en grande quantité qui pendaient aux «oreilles» de chaque rideau, que caresse une lumière digne des films d?Hitchcock, en un clin d?oeil ont sauté.Des sirènes hurlent l?urgence. La nuit n?arrive pas à trouver le sommeil. Une ambulance tourne en rond, à la recherche d?une adresse qu?elle ne trouve pas, au moment où une femme enceinte, accompagnée de son mari, hèle un taxi qui ne s?arrête pas. C?est un clandestin qui se fera un plaisir d?accompagner le couple, non sans prendre le soin d?annoncer le prix de l?urgence. Bonjour la solidarité. A la guerre comme à la guerre.Des chiens errants que la «fourrière refuse» vont de poubelles en tas d?ordures, à la recherche d?un os qu?ils n?arrivent pas à trouver. Bonjour la crise.Il se fait tard. «Bonjour» salue les hordes. Oran n?est plus Bahia, encore moins Zahia. Elle devient de plus en plus balia.




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