Algérie

Carthage. 12e édition des journées théâtrales


Un hymne à la rébellion Tout de noir vêtue, l?artiste comédienne tunisienne, Raja Ben Amar, apparaît au public sous une lumière, où dès le départ, c?est le clair obscur asphyxiant qui va dominer. La langue - plus murmurée que dite à l?entrée - est un mélange d?arabe classique et d?arabe tunisien. Ici et là, des formules françaises et que quelques bouts de contes accompagneront Hawa Watani de la compagnie du Théâtre Phou. La musique universelle déboule comme une tempête non annoncée sur l?espace El Hamra, une salle polyvalente retenue pour les 12e JTC. La scène est nue. C?est le grave qui l?habite. Le personnage énonce au ralenti son sujet : il tient un journal de guerre. Les bombardements qui avaient servi de bruitages s?estompent, méditations cruelles et solitudes éternelles se suivent et s?imbriquent. C?est le temps du constat amer. Raja Ben Amar donne plus de jus à un teste lu pour prioritairement exprimer les moments de haute trahison. La pièce gagne en cadence dans la deuxième demi-heure. Le micro à la hauteur de femme rebelle sert de tribune pour vomir sa révolte de tunisienne esquintée par le chapelet de défaites arabes. Son pays, la Tunisie, lui offre le tremplin mais aussi le repère de lentes et humiliantes claques. Elle fait le trait d?union, avec éloquence, entre son destin et celui des autres, les siens ou supposés être siens, dans ce cruel décompte macabre de victimes de Bush et sa soldatesque de la démocratie à l?occidentale. Un clairon entonne la musique funèbre du Marin?s mort pour la patrie du dollar. Un clairon sonne également l?alignement sans conditions du pays du Tigre et de l?Euphrate des conquérants des mondes anciens et nouveau. Hawa Watani insiste sur les exilés du pays. Elle touche du doigt les exils volontaires et les aliénations imposées. Raja toujours de noir vêtue sort de derrière des fils de fer tendus en forme de clous inversés - des fils qui peuvent être lus comme des barbelés - des accessoires pour imprimer plus de rythme à sa voix et son histoire... Les dates sont égrenées. Impitoyablement. Hawa Watani éclate en plusieurs îlots d?interprétation. La lumière écrase la scène de sombre et de fadeur. Elle la découpe en endroits immensément triste. Raja, toujours de noir vêtue, décide de continuer l?histoire de l?occupation précisément pour en sortir ou à tout le moins tenter d?en évacuer les séquelles. La conteuse n?est plus une conteuse de légendes mais bel et bien un témoin du siècle. Pour revenir à l?esthétique de la pièce, disons que le huis clos choisi comme vecteur dramatique est stressant. Les spectateurs de la salle El Hamra applaudissent peu à l?humour des répliques de la comédienne. D?autres musiques mondiales interviennent pour appuyer ce choix. Des tubes anglais fort célèbres sont repris par l?actrice. Des digressions s?infiltrent en cours de récit. Des fioritures pour appuyer sur des blessures, voire des complaintes, mais point de larmes commandées. La nation arabe est évoquée dans ses meurtrissures quotidiennes avant d?être évoquée dans sa géographie tourmentée. Les phrases ritournelles ou encore phrases passe-partout aident l?actrice à passer du tragique au burlesque et du burlesque à la critique acide avec aisance. Ses expressions sont empruntées aussi bien aux journaux télévisés arabes qu?aux idées fixes colportées par le petit peuple des faubourgs des grandes villes. Raja toute en sueur et sous une chevelure noire et raide appuie sur la douleur sans cri d?alarme ni bras en l?air tout juste avec l?élégance de l?échec commun. Manifestement, l?artiste comédienne ne cherche ni flamboyance de style ni hérésie verbale. La scénographie est une scénographie du vide, ou mieux elle est support garant pour assurer l?impasse qu?occasionne ce vide. Le jeux est sobre, sobre et brut chez une artiste au talent avéré.
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