Algérie

Cartes brouillées



A chaque apparition publique où il est amené à prendre la parole comme il l?a fait lundi devant les assises nationales de la recherche scientifique, le président Bouteflika est soumis à une espèce d?IRM (image à résonance magnétique) de l?opinion publique. Les citoyens se prennent ainsi, via les images de l?Entv, à ce jeu de devinettes et de consultation à distance sur la santé du président de la République qui ne laisse plus indifférent. Devant la communauté universitaire, le Président était apparu fatigué, usé, lisant d?une voix à peine audible son discours. On est loin du style de la communication politique et sociale auquel Bouteflika avait habitué son auditoire, des constructions discursives basées sur la mise en scène et le show politique privilégiant le discours interactif avec les citoyens, usant de formules choc tirées du terroir. Selon toute apparence, cet exercice est devenu de plus en plus pénible pour Bouteflika qui s?astreint, depuis quelques mois, à assurer un service minimum en termes de présence sur le terrain alors qu?il était durant les premières années de son mandat et jusqu?à la déclaration de sa maladie sur tous les fronts à travers une présence assidue à tous les événements, petits et grands organisés dans le pays. Les observateurs ont certainement relevé que les apparitions publiques de Bouteflika sont de plus en plus espacées, ses interventions moins longues et ses digressions habituelles moins fréquentes. Mais ce savant dosage de l?effort recommandé sans doute par ses médecins et ses conseillers en communication ne semble pas avoir produit l?effet dopant attendu. Bouteflika se trouve ainsi piégé par la gestion politique quelque peu singulière de sa maladie qui le pousse à puiser dans ses ressources extrêmes pour ne pas donner des arguments à ceux qui, s?appuyant sur sa maladie, le somment de prendre sa retraite politique. Une absence prolongée de la scène publique donnerait, en effet, du grain à moudre supplémentaire à ses adversaires. Au-delà du bilan de santé réel de Bouteflika sur lequel l?opinion ne sait pas grand-chose, hormis les rares bulletins médicaux diffusés par son médecin après son intervention chirurgicale, les Algériens ne savent rien de l?évolution de l?état de santé de leur Président que l?on tente, chacun selon sa grille de lecture, de décoder à travers les images furtives et aseptisées de l?Entv. L?âge de Bouteflika, l?usure du pouvoir et le bilan controversé de sa gestion n?expliquent pas ce changement qui se confirme de plus en plus, non seulement dans le paraître de Bouteflika mais aussi dans la dynamique de travail qu?il avait enclenchée en arrivant au pouvoir et qui peine depuis sa maladie à maintenir le cap fixé. A quelques mois de l?élection présidentielle prévue pour avril prochain, l?Algérie se trouve à la croisée des chemins, ne sachant quelle direction prendre. La question qui semble préoccuper les décideurs est non pas tant celle qui consiste à se demander quelles qualités suprêmes le futur président devra-t-il présenter pour pouvoir relever les défis au quotidien qui attendent le pays dans les prochaines années mais plutôt celle de résoudre cette difficile équation de la succession, résultat d?un consensus qui ne semble pas encore établi entre les différents centres du pouvoir. La maladie du Président ? qui est un paramètre déterminant mais pas unique dans les choix politiques futurs du système ? a complètement brouillé les cartes.


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