Dans ces villages côtiers, tout s'arrête à 18h. C'est l'heure où l'on ne vend plus rien. Les habitants se retirent dans leurs abris et s'élèvent, ici et là, la complainte des damnés. Complainte silencieuse bien entendu, se perdant dans les chants des coqs et les hurlements des chiens errants.
Dans cette contrée, la pauvreté s'annonce dès l'enfance, s'agrippe à l'adolescence et anéantit toute ambition. Elle n'entame pas la dignité. Pas de mendiants, pas de sans-abri, juste des femmes et des hommes pris dans les rets du manque. Dans les yeux, j'ai vu la tristesse, dans les corps, les stigmates du dénuement, dans les gestes la lenteur et l'abandon. Mais nulle hostilité ni menace, de la bienveillance toujours. Ici, tout le monde dit bonjour, au voisin, à l'ami, à l'étranger de passage. Et le sourire éclaire leurs visages tannés par le soleil.
Haïti pays de douleur et de lumière. Douleur du peuple et lumière de ses écrivains et créateurs. Terre de la forfaiture et du chant. Forfaiture des dirigeants qui l'ont mise à terre, bien avant le séisme. Chant des poètes, pourfendeurs des mythes.
Dans le 4x4 qui nous mène sur les routes du pays, une voix s'éclaire à mes côtés. C'est Julien Delmaire, poète et slameur français, qui m'accompagne. «Tu vois ' Ici, il faut convoquer Kateb Yacine et Mohamed Khaïr Eddine.» Il sort de sa besace deux livres et me les tend : Nedjma et Soleil Arachnide. Il conclut : «Chaque fois que j'ai un doute, chaque fois que je rencontre des hommes qui me ressemblent, je lis ces deux-là qui m'habitent.» Et les doutes foisonnent en Haïti.
A suivre…
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Posté Le : 03/03/2012
Posté par : sofiane
Source : www.elwatan.com