«Ils sont dans
l'infamie comme un poisson dans l'eau» J.Genet
Comme en
apesanteur, l'Algérie est dans l'attente d'un sursaut patriotique sinon
révolutionnaire au sens d'un changement pacifique de cap, de logiciel, attendu
par les petites gens, les jeunes et les femmes. Ces derniers, contrairement à
ce que pensent les sérails suivent dans le pays le plus parabolé du monde, tout
ce qui se fait dans les grands pays démocratiques et développés. Dans ces
contrées on va jusqu'à mesurer le moral des populations, évaluer le degré de
bonheur des citoyens à vivre dans leur pays. On compte par millions le nombre
de touristes, qui révèlent exactement les niveaux de sécurité, de tolérance, la
qualité des sites, des monuments et du mode de vie, attractifs.
En Algérie, on compte les heures passées
chaque semaine à la recherche d'un stationnement, les ralentisseurs monstrueux,
les décharges au cÅ“ur des cités populaires, la quantité de documents à
«légaliser» (pourquoi?) avant de rentrer fourbu, stressé, toujours en colère
contre tous et tout. C'est dire la qualité de la vie, sans vacances, entre
grèves et scandales financiers, ordures et ruelles défoncées.
Dans tous les pays, il y a des croyants, des
agnostiques, des pratiquants, des gens qui se cherchent, qui doutent ou pas,
des partisans de la laïcité (qui n'est pas l'athéisme comme le psalmodient des
apprentis en fetwa) et d'autres pour que la religion prenne le pouvoir
temporel. L'Algérie n'échappe pas à cette même réalité humaine, universelle,
dans laquelle les gouvernants, les élites, les syndicats et les partis
s'attachent à la formation de citoyens, différents les uns des autres et non
des clones désincarnés qui applaudissent au signal, rentrent chez eux, tous à
la même heure parce que tout ferme à un signal inaudible mais parfaitement
socialisé, intégré et suivi dans tout le pays. Les Algériens, malgré tout,
partagent avec les autres peuples le même amour de la vie et ses plaisirs bien
terrestres, des libertés, de la fête et des joies simples. Comme les autres,
ils aspirent à d'agréables vacances ici ou ailleurs, à dire, danser, manifester
et danser lors de dates pour eux importantes. Ils aspirent à rejoindre le
quotidien d'autres peuples qui sont libres de danser, de défiler.
Pour ne remonter qu'à l'indépendance
politique, au prix d'énormes sacrifices, de pertes de repères et d'ancrages
historiques, ce qui fait des ravages à ce jour, l'Algérie n'a connu que très
peu d'éclaircies. Coups d'Etat, désertion et trahison des clercs, prédations,
des milliers et des milliers de morts immolés par des sectes qui ont changé de
stratégie et travaillent la société en profondeur sachant que le temps et
l'immobilisme travaillent pour elles. Les pauses nécessaires pour asseoir des
légitimités démocratiques, un Etat de droit fiable, un cap économique, une
industrie culturelle forte, ont été peu nombreuses et de courte durée. A
l'époque d'un monde divisé en deux blocs antagonistes, les non alignés ont fait
illusion, suivis plus tard par des constructions peu pertinentes, stériles,
l'Algérie a tenté avec quelques succès d'avoir une place. Mais le monde a
changé. Le mur de Berlin est tombé, des pays ont conquis l'espace, l'arme
atomique, inventé l'Internet et développé les T.I.C et la T.V par satellite.
Les dirigeants algériens sont restés sur la ligne de départ sans la quitter.
Le Web est un acteur de première importance
dans la vie économique, politique, dans le renseignement et la communication en
temps réel. Ici, aucune institution majeure, aucun
ministère, aucune wilaya, aucun service public d'importance n'a de site
agréable, à jour. Aucune relation, aucune prestation ne sont développées avec ceux
qui ont les moyens techniques chez eux et l'administration. En attendant que le
chèque soit un moyen de paiement accepté partout, par la force de la loi. Le
déni des mutations nationales et internationales, trop rapides, trop profondes
est la règle appliquée. Comme sous le parti unique, on fait marcher la société,
au pas, mais au rythme des appareils, d'équilibres internes instables comme en
témoignent toutes les secousses, tragédies, tous les conflits sociaux et
l'impossibilité programmée de voir un débat national sans exclusive ni
fermeture. Le pays est cadenassé par des modes de pensée et d'action, des
mécanismes autoritaires, délaissés par ceux qui ont inventé le parti unique
dont les expressions majeures sont à l'Å“uvre: monopoles, médias uniques et univoques,
discours uniques, hiérarchie verticale, centralisation à outrance, publicité
étatique humiliante pour les dirigeants d'entreprises publiques, syndicat
unique contre le réel, Parlement uniquement voteur, contrôle (à moitié) de la
sphère religieuse, une seule source de richesse etc.
Entre la rokia et l'avenir construit sur la
science, les savoirs, les énergies du futur, des citoyens informés et actifs
dans la vie de la cité, les grandes nations, celles qui nous vendent des armes,
la nourriture, des avions et des voitures, des allumettes et des médicaments
ont choisi depuis longtemps. Pourquoi faire de telles comparaisons? Parce qu'il
n'y a pas de fatalité dans la marche de l'humanité et des nations. Parce qu'il
faut comparer pour apprécier, mesurer les avancées et les retards et parce que
l'Algérie a les moyens, beaucoup plus que certains qui nous dépassent de loin,
pour accepter les comparaisons et aller rapidement au progrès et à la
modernité. L'Algérie a de l'argent, de l'espace, du soleil à revendre, une
jeunesse aussi dynamique et ambitieuse que d'autres, des élites marginalisées
pour refus d'allégeance et l'apprentissage des rites courtisans. Les retards
considérables qui sont pris alors que des ruptures évidentes sont attendues ne
sont perdues que pour l'Algérie et la majorité de ses habitants. Ils sont mis à
profit avec méthode, patience et un grand sens de l'encadrement des populations
loin des artères principales des grandes villes. Maîtres absolus du commerce
intérieur et des prix qui s'y pratiquent, experts dans l'import import, les
trafics, les mouvements d'argent dans de grands sacs-poubelles, des courants
religieux activent avec méthode avec comme armes des sacs remplis de devises et
de dinars, la religion et l'aphasie unique au monde des médias lourds. Tout ce
qui ne caresse pas dans le sens du poil, l'esprit critique, l'opposition
pacifique et la contestation sociale sont hors la loi. Le juge est saisi pour
n'importe quel conflit mineur, la police intervient là où les syndicats et la négociation
sont les mieux indiqués, entre Algériens à dire leurs maux, en direct à la TV,
au meeting ou par la pétition adressée à qui de droit. Tant que le pétrole et
le gaz, permettent aux autres de se développer et de passer à d'autres
énergies, en Algérie, le torchère fixe le cap. C'est le capitaine.
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Posté Le : 20/05/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdou B
Source : www.lequotidien-oran.com