Algérie

Canicule, petits boulots et TPS



De mémoire d'Oranais, on n'a pas eu à souffrir d'une telle canicule, le premier quart de l'été. Un sentiment de malaise partagé par toute une population qui s'interroge sur la suite de la saison avec, au bout de la ligne d'arrivée, le ramadhan et, quelques jours plus tard, la rentrée scolaire. Le soleil, à son zénith, trouve quelques jeunes désoeuvrés à deviser sur tout et rien. La Pépinière, ou haï el-Moustaqbel pour l'administration communale, n'offre pratiquement rien à ses locataires. Rien sinon des parcelles d'ombre jetées çà et là tout au long des ruelles bouffées par la poussière, trois cafés, des arrêts de bus et un cybercafé squatté par des mioches en mal de jeux vidéo. Le quartier, lui, est à l'image de ses frères de la périphérie d'Oran. Un dortoir inintéressant malgré son étiquette « usurpée » de quartier résidentiel. Pour Abdelhak, 17 ans et une moustache naissante, l'été c'est pour les autres, les « bourgeois », comme il se plaît à qualifier tout citoyen véhiculé qui va faire trempette. Lycéen, il attend les résultats du bac sans se faire trop d'illusions. « De toutes façons, je le repasserai l'année prochaine », dira-t-il en soufflant sur une énième « Legend ». Comme occupations, Mehdi, 21 ans, chômeur de père en fils, évoquera les parties de foot sur un terrain vague à une centaine de mètres du rond-point de La Pépinière. « La nuit, à la recherche d'un peu de fraîcheur, on se retrouve entre copains autour d'une partie de rami et de quelques joints », ajoute-t-il en glissant un clin d'oeil complice vers Abdelhak. Ce dernier estime qu'avec le cryptage de TPS, le dernier divertissement « gratuit » des Algériens vient de disparaître. « Si t'es pas friqué, t'as pas où aller. T'as vu les prix des bungalows, c'est de la folie », explique-t-il avant de lancer une pique vers les émigrés. « C'est leur faute, à chaque fois qu'ils reviennent, l'été, c'est l'anarchie dans les prix ». Amer, il jette, d'une chiquenaude, son mégot avant de nous tourner le dos. Son copain, Sofiane, avouera que l'été rime avec boulot. « Tu vois, on roule pas sur l'or et je suis obligé de chercher du boulot pour aider à la maison ». Sofiane est la version cour de La Pépinière puisqu'il habite les logements sociaux distribués par la mairie de Bir El-Djir, trois ans plus tôt. Il incarne cette jeunesse tiraillée par le besoin de s'évader et la nécessité de mettre la main à la pâte. Serveurs, manoeuvres sur des chantiers de construction, receveurs à mi-temps sur les lignes de transport, ils cumulent les petits jobs d'été en perspective de la prochaine rentrée scolaire. Halim, deuxième année universitaire, est serveur dans une cafétéria cotée au centre-ville. « Avec les pourboires que je me fais, je peux m'en sortir, sinon la paie est minable, tu dois t'en douter », résume-t-il sa journée. Le soleil tape aussi fort que les prix des légumes et les Oranais n'hésitent plus à investir dans les climatiseurs, histoire de tromper la canicule. Déjà l'on a signalé trois pics de consommation d'électricité, ce qui a conduit inévitablement aux très contestés délestages d'électricité malgré les démentis de la Sonelgaz, par la voix de son P-DG qui a rassuré les Algériens du contraire. Mais force est de constater que les coupures de courant, même si elles ne sont plus aussi fréquentes que par le passé, n'en demeurent pas moins une réalité tangible. L'été, qui s'annonce chaud, risque de l'être davantage pour les petites bourses qui anticipent déjà sur les échéances prochaines. « J'avais mis de côté de quoi me payer cinq jours dans un complexe à Aïn Témouchent mais, à voir de plus près, je préfère encore engloutir les économies dans le budget des dépenses pour le ramadhan », se désole Kader, fonctionnaire de son état. Même son de cloche chez beaucoup de ménages rattrapés par l'insoutenable faix des dépenses. « Même les week-end sont gâchés par la faune qui rackette sur les plages. Il est quasiment impossible de se rendre sur une plage de la corniche sans se faire truander par des soi-disant plagistes », s'emporte Hichem qui en a fait l'amère expérience à Aïn Franine, une crique, du côté de Kristel. Si, pour certains, l'été est synonyme de farniente, pour d'autres, c'est un prolongement naturel de ce que fut l'année et le phénomène nouveau, qui est en train de s'installer insidieusement dans la société, vient du secteur privé qui « oblige » ses employés de se passer, volontairement ou forcé, de congé contre rémunération.

Fouad, 33 ans, est démarcheur dans une boîte privée et il se voit dans l'obligation de se passer de son mois de congé au risque de se voir remercié. « Même si ce n'est pas explicite, le comportement du patron t'aiguille sur la voie à ne pas prendre », dira-t-il. L'été, qui s'étire, risque d'être très ennuyeux pour les Algériens en mal d'argent, même si l'annonce d'un éventuel retour des chaînes télévisées françaises, à en croire les dépositaires du décryptage, fera certainement oublier certaines déceptions.






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