Algérie

CAN 2010 : Les Verts autrement vus



La qualification de l'équipe nationale aux quarts de finale de la Coupe d'Afrique des nations (CAN) s'est faite difficilement, sans grand mérite.

Les Verts ont eu de grandes difficultés à vaincre des équipes africaines dont le nom n'a pourtant pas souvent figuré dans le palmarès des grandes compétitions internationales. Leur défaite à plate couture face au Malawi en reste un indice important et démontre un tant soit peu qu'ils ont encore beaucoup à apprendre. Ceux qui se targuent d'affirmer que l'Algérie a enfin une grande équipe de football ont tort.

 Jusque-là et selon les professionnels de la balle ronde, l'équipe n'a pas fait d'exploits. D'ailleurs, les plus incultes en matière de sport peuvent en parler sans craindre de se tromper. Il est curieux que le staff dirigeant se voit obligé de répondre méchamment à chaque fois qu'il est question de commenter une défaite de l'équipe. Il donne même l'impression de souffrir d'un sentiment de persécution quand il accuse les journalistes de vouloir casser les joueurs. Les animateurs du football, qu'ils soient joueurs ou dirigeants, sont des personnes publiques. Ils sont donc sujets à critique. Ils ont le devoir de l'assumer et aussi de se remettre en cause à chaque fois qu'il y a faute dans leur jeu ou dans leur gestion technique. Il est permis de le noter même si on n'est pas professionnel.

 Ce qui inquiète quelque peu dans tout ce remue-ménage que provoquent les déplacements de l'équipe et son évolution, c'est cette phrase que se plaisent ses techniciens et certains de ses joueurs à répéter: «Nous jouerons cette fois-ci pour gagner !» Un léger retour en arrière laisse voir que ce propos a été affirmé même avant des rencontres où l'équipe nationale s'était fait battre. Programmer de perdre un match est possible dans certains cas. Il l'a bien été dans la rencontre de l'Algérie avec l'Angola, ceci pour des calculs précis. Les dirigeants de la rencontre Autriche-Allemagne l'ont fait pour le compte de la Coupe du monde de 1982 dans le but, disent les professionnels, d'éliminer l'Algérie et préserver l'équipe allemande de son exclusion de la compétition. L'on sait que la FIFA garde à ce jour dans ses arcanes ce qui a été appelé «le syndrome algérien». Mais pour ce qui s'est passé lundi dernier à Luanda, El-Khadra pouvait quand même jouer pour gagner. Ce qui aurait remonté le moral des foules algériennes qui venaient d'être secouées par les nouvelles des frasques de Sonatrach.

«Attention, ne remontez pas tous...»

 L'on se demande si la finalité d'un jeu, quelle que soit sa nature, n'est pas toujours de gagner. La question est alors simple : quand l'équipe nationale joue-t-elle pour gagner et quand le fait-elle pour perdre ? Le football n'en est un que si ses joueurs brillent par la beauté de leur jeu et les buts qu'ils sont capables de marquer face à leurs adversaires. Ceci est certes une lapalissade. Mais à entendre les Verts et leurs dirigeants jurer que «cette fois-ci, nous jouerons pour gagner», le doute devient permis. Nul ne disconvient que cette équipe a réussi à faire rêver les foules. Elle n'a pas été la seule d'ailleurs. Celle qui a fait l'exploit algérien à Jijon ne mérite pas moins d'honneur avec son célèbre trio Assad-Madjer-Belloumi qui a brillé par un fabuleux jeu de pied !

Les joueurs d'El-Khadra d'aujourd'hui, s'ils sont jeunes et évoluent dans des clubs européens, donnent cependant l'impression de manquer parfois de fougue. S'ils entendaient les commentaires des journalistes des services du sport, ils joueraient peut-être mieux et croiraient plus à ce qu'ils font en Algérie.

 Hafidh Derradji, que l'ENTV a lâché bêtement pour qu'il aille sous d'autres cieux faire vivre aux téléspectateurs les grands moments du foot, a commenté le dernier match des Verts face à l'équipe angolaise, dont le fair-play est à saluer. Derradji avait, ce jour-là, perdu la voix tellement il voulait que les joueurs algériens évitent les erreurs qui peuvent leur être fatales. «Non, Nadir, ne traîne pas, tu vas te faire rattraper par les joueurs adverses», ou alors «ne remontez pas tous, c'est ce que les Angolais attendent pour qu'ils retournent en force et marquent», conseillait-il depuis le studio avec une voix devenue complètement enrouée à la fin de la rencontre.

La seule mission du ministre des Sports

 Depuis que l'évolution de l'équipe nationale a commencé à fortement imprégner le discours politique, ceux qui en ont la charge se sont quelque peu éloignés de l'esprit sportif et du fair-play qui doivent être en principe une seconde nature.

 Ils n'acceptent pas qu'il leur soit reproché une défaite ou une mauvaise tactique. L'accompagnement de l'équipe nationale pendant tout son périple footballistique par le ministre de la Jeunesse et des Sports est, dans les usages politiques universels, un fait inédit.

 En effet, jamais, dans aucun pays au monde, un ministre ne quitte physiquement son poste aussi longtemps et aussi souvent pour uniquement soutenir une équipe de foot. A moins qu'en Algérie le pouvoir politique n'ait décidé que le ministre des Sports ne se consacre qu'au football et doit par conséquent en faire sa seule mission. L'on pourrait d'ailleurs bien le croire si l'on voit que des clubs sportifs nationaux, de surcroît de football, peinent à assurer une séance d'entraînement de leurs équipes faute de moyens matériels et financiers. On le sait surtout depuis que le président de la République en personne a instruit El-Hachemi Djiar de le faire dès la rencontre du Caire, et en ordonnant l'instauration d'un pont aérien entre Alger et Khartoum. Le discours politique a toujours tendance à glorifier des exploits qui ne le sont pas en mettant en avant des qualités que le pays n'a pas forcément.

 Qu'il s'agisse de catastrophes, de maladies ou autres, d'événements malheureux et heureux, les politiques font toujours en sorte d'en faire sortir l'Algérien beau, grand, fort, courageux et capable de battre des montagnes par rapport à tout le reste du monde. C'est un discours avec lequel le système a bercé de nombreuses générations. Il continue de le faire en choisissant cette fois l'équipe nationale, au service de laquelle il a mis toutes ses institutions. Pour lui, le jeu en vaut la chandelle puisque, entre-temps, les petites gens ne se rendront pas compte que l'argent public est dilapidé, que la corruption se pratique à grande échelle, que l'école fait des cancres, que la bureaucratie broie la citoyenneté et que l'incompétence sévit.




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