Algérie - Revue de Presse

Campagne électorale à Paris : Entre la fibre nationale et le billet d'Air Algérie


Quelque part, vers le nord-est de Paris. Dans l'un des départements français qui semble contenir le plus gros lot d'une nouvelle génération d'arrivants. Là se tissent dans leur petit cosmos, des relations quasiment familiales. Elles sont nombreuses. Elles proviennent de différents horizons, de contrées toutes aussi différentes.

Ces jeunes filles venues du pays, sont comme un assemblage ficelé par la force imprenable du destin. Personne ne savait qu'un jour viendra pour les faire unir sur un mot, sur une tache, sur un partage de sentiment. Meryem, une jeune parmi cet aréopage algérien installée depuis peu dans la banlieue parisienne, affichant un sourire que dissimule une angoisse quasi apparente, ne s'empêche pas d'arborer fièrement son appartenance d'algérienne. Etendard national en bandeau et en bandoulière, elle crie du fond de ses tripes : one, two, three, viva l'Algérie

L'ensemble de ses concitoyennes et concitoyens, oubliant en ce jeudi 19 mars, qu'à quelques encablures du lieu de leur regroupement, tout l'hexagone se tenait en haleine. A la place de la république, la France ouvrière, salariale, chômeuse et retraitée a crié sa colère face à la déferlante crise financière et aux effets néfastes qui commencent à semer le désarroi et la tourmente dans tous les foyers. Mais là, dans cette salle, un espace dénommé justement Nelson Mandela à Argenteuil n'arrivait pas à contenir l'expression de cette fibre nationale. Une manifestation s'y tenait. A la différence de celle de la république qui hurlait un ras-le-bol social, cette manif prenait une voie ramenant droitement vers le pays lointain. Certes, l'ordre du jour était le soutien au candidat Bouteflika, mais la voix générale, le son intestinal et le coeur étaient tout aussi pour cette Algérie, chérie, aimée et tant adorée. L'applaudissement était mêlé aux pleurs, comme l'étaient les youyous à l'invocation de la patrie.

L'échiquier politique de l'immigration algérienne en France se trouve déjà mis en branle. D'un coté, les éternels pourfendeurs, qui arrivent à peine à argumenter la raison probable d'une désertion de bureaux le jour J et qui tentent par l'épouvante de dessiner un scenario cataclysmique pour l'avenir du pays. De l'autre, des jeunes et moins jeunes qui n'écoutent qu'une seule voix. Celle de la fibre nationale. « Aller voter, est un acte hautement patriotique » ne cessaient de se le dire les présents à cette grande réunion familiale. M. Badaoui, 60 ans, président du Syndicat de défense des Algériens d'Europe, l'une de ces nombreuses associations qui vénèrent le président algérien et qui comptent coorganiser une série de meetings à Lyon (21 mars), à Lille (22), à Paris (28), à Marseille (29), restera un fervent militant national.

Quant à la fille Meryem, larmes toutes chaudes à l'intonation de l'hymne algérien, balbutiant les couplets de concert avec l'harmonie générale qui y régnait, elle ne trouvait de mots sanglotés que pour dire : Oui, je suis algérienne, oui j'irai voter, oui je voterai Bouteflika, et pourquoi pas ? dis donc !»

Un autre jour au même espace, au 82, boulevard général Leclerc, un regroupement eut lieu. Toujours dans l'élan de la campagne électorale pour le candidat président, l'assistance se comptait par individus. Plusieurs femmes, de rares jeunes. L'orateur mâchait ses mots dans cette langue de bois, qui, chez nous, connut, quand bien même et à un certain point, des limites. Lui, député par vocation et au titre de l'émigration, transperçait les tympans avec un style du déjà vu, du déjà su. Ainsi cette langue marche encore, comme elle semble se transposer au sein de la communauté algérienne installée ailleurs. Il n'avait rien à avancer, se plaçant exclusivement dans une position de défensive. Aller dire à ses compatriotes, les grands projets de développement national qui se sont faits durant la décennie écoulée, au même moment où, dans les débats, il fut évoqué à l'unanimité tout un enchaînement de doléances formulées par les uns et les autres. La campagne serait ainsi éclipsée au profit d'un autre débat, qui par principe aurait pu se tenir bien avant et par périodicité agencée dans le temps. Leur parlant de révolution, de colonialisme et de martyrs, l'intervention entre autres préoccupations portait sur le souci du comment organiser solidairement le transport des dépouilles mortelles et le rapatriement des cadavres. En face des bienfaits de l'autoroute est-ouest, on évoquait la tarification des billets d'air Algérie qui n'accorde des rabais que durant des périodes hors vacances scolaires, ce qui pénalise ceux et celles qui préludent de vouloir relier leur progéniture au pays d'origine. En face du chiffre millionnaire des logements, des lycées et des collèges ouverts, on évoquait la difficulté à pourvoir une place dans une classe enseignant la langue arabe. Et là aussi, l'orateur ira crescendo vers la surenchère sans y être invité, en arguant de la possibilité d'ouverture de classes suffisantes, non seulement pour la langue arabe mais aussi pour l'amazighité ! Le débat est vite relancé à ne pas finir. Si ce n'était l'intervention idoine et à bon escient, sans sa charge émotionnelle de Ounouh Rabah, enseignant-chercheur à l'université de Nanterre qui répliquait : « qui de tous les présidents aurait pris le courage, je dis bien le courage d'officialiser la langue amazigh ?»

La parole donnée aux présents semblait plus édifiante et plus utile que ne l'était l'effort censé agir dans l'effort sensibilisateur. Le débat dépassait en termes de richesse thématique et de loyauté largement les faibles imputations convictionnelles du modérateur. Il y avait un déphasage. D'époque, de personnes,...

Cette situation de grand besoin de dire ce que l'on ressent d'une façon toute honnête et sincère, ils sont venus, les quelques compatriotes, écouter le mot d'ordre, mais ils tenaient à mettre à profit cette rencontre avec l'un des leurs. Leur représentant. Ce qui peut se traduire autrement, à voir cet engouement défiler la revendication, par le manque flagrant de concertation communautaire et un déficit criard dans l'échange, la rencontre et le compte rendu populaire ou électif.

Entre l'un ou l'autre ; le regroupement peut connaître en effet d'innombrables variations. Tout dépend, semble t-il, des preneurs de paroles et des organisateurs. Du premier au second, l'Algérie était tout de même dans le coeur que dans le verbe. De l'innocence juvénile de Meryem en passant par l'enthousiasme de Ourah, le grossissage parolier et dénudé de certains tribuns situés à proximité de l'apparatchik ne donne pas label de qualité quant à la représentativité de la communauté nationale installée en France. L'intelligentsia, et, à moindre degré, l'élite est toujours sur le banc de touche. Le sociologue Ourah, sus-cité connaît les affres de cette réserve de cerveaux.

En l'état, la campagne électorale à Paris, tous partis et courants confondus, avait pris un début fortement timide. Démonstration : au marché d'Argenteuil (le plus grand de la région Val d'Oise), à tenir les vendredis et dimanches, aucune distribution de tracts ou de diffusion d'invitations à meeting. Pas l'ombre de représentants de candidats. Seules les moquées continuent à faire leur beurre par la quête et l'étiquette.






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