Caméra angle opposé

Pourquoi l’Allemagne? L’Iran menace la paix dans le monde. La République des Mollahs fait partie de l’Axe du Mal. L’Iran est l’un des pays qui soutiennent le terrorisme. L’Iran déstabilise son voisin et s’ingère dans ses affaires intérieures, encourageant la violence et le terrorisme dans un Irak qui n’aspire qu’à vivre librement et dans la démocratie. L’Iran envisage de fabriquer la bombe atomique. Toutes ces déclarations ne sont faites que pour masquer la bellicosité de leurs auteurs et faire oublier que ce sont ceux qui les tiennent qui sont la vraie menace pour la paix dans le monde. Que ce sont eux qui, non seulement soutiennent le terrorisme, mais l’ont créé. Qu’ils déstabilisent et voisins et riverains sur cette planète, qu’ils possèdent des arsenaux nucléaires et qu’ils s’ingèrent dans les affaires de tout le monde, particuliers ou collectivités. Cependant, dans leur esprit, il leur suffit de le dire pour que cela devient la Vérité absolue. Et penser le contraire signifie qu’on fait partie de l’Axe du Mal. Il n’y a pas de mal à rappeler que c’est l’Allemagne qui a provoqué deux conflits mondiaux qui ont impliqué des dizaines de pays et fait 70 millions de morts. Que les Etats-Unis d’Amérique sont la seule nation qui ait jamais utilisé l’arme atomique. Que la Grande-Bretagne a été le plus grand empire sur Terre et qu’elle s’est ingérée dans les affaires intérieures de dizaines de pays. Que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont toujours été des pays qui ont fait et défait des gouvernements, exercé des pressions pour contraindre des nations libres à souscrire à leurs démarches, pillé les richesses des autres et recouru à la force pour justifier l’injustifiable, comme défendre les droits de l’Homme, libérer des peuples de la dictature ou exporter la démocratie. Parmi ces quatre pays, trois siègent au Conseil de sécurité et détiennent un droit de veto. C’est-à-dire que le sort de peuples qui sont encore colonisés ou de pays dont les populations sont victimes de génocide dépend de leur bon vouloir. Et que si les Palestiniens restent toujours spoliés de leurs droits, c’est parce que ces grandes nations sont les premières à piétiner les droits de l’Homme et se f... royalement de la paix, si leurs intérêts n’en souffrent pas ou qu’il n’y a rien à gratter dans l’affaire. Ce bref rappel de l’histoire est utile pour dire que l’Iran ne possède le «palmarès» d’aucun de ces pays, qui «se soucient tant de notre sécurité». Il est légitime que la communauté internationale s’inquiète du fait que l’Iran cherche à se doter de l’arme atomique. Mais encore faut-il qu’il soit prouvé que telle est l’intention de ce pays et qu’il soit le seul dans cette situation, ce qui est loin d’être le cas. D’autres pays ont fabriqué la bombe sans qu’aucun tapage n’ait été déclenché. Le fait que la communauté internationale soit mise en avant, pour constituer l’alibi des opposants au projet iranien, cache mal l’hégémonie des Grands qui se sont partagé le monde et qui le régissent selon les règles qu’ils fixent eux-mêmes au mépris de la Charte de l’Onu qu’ils n’hésitent pas à instrumentaliser pour légitimer une intervention militaire. Ce qui est plus grave encore, dans la «crise» du nucléaire iranien, c’est que le Conseil de sécurité de l’Onu s’est enrichi de facto d’un sixième membre permanent. Il s’agit de l’Allemagne. Pourquoi avoir rajouté ce pays dans des négociations déjà pénibles à cinq? Pourquoi l’Allemagne et pas l’Espagne ou l’Italie, par exemple? Parce que ce pays faisait déjà partie de la troïka européenne qui «négociait» avant que l’AIEA ou que l’ONU vienne mettre son grain de sel? Parce que cette puissance économique est un partenaire commercial important de l’Iran, un levier que les Américains peuvent utiliser pour faire plier l’Iran? Quoi que puissent être les vraies motivations de ce jeu de coulisses, rien ne justifie qu’une nation qui n’a, a priori, aucun pas sur une autre, participe à des discussions de ce niveau. Il aurait été compréhensible, parce qu’il a été meurtri dans sa chair, que le Japon fasse partie de ces «5+1», ce qui n’est pas le cas. S’il s’agit d’une politique d’équilibre, pourquoi alors l’Egypte ne fait pas partie du Quartette qui devait parrainer la feuille de route dans le conflit israélo-palestinien? Sa présence aurait été, en tout cas, plus utile que celle de l’UE qui ne fait que suivre les instructions des USA. Parce que c’est vers Le Caire que s’est d’abord tourné le nouveau Premier ministre israélien, Ehud Olmert, dès son retour d’Amérique. L’Egypte, qui a ouvert la voie à la normalisation, est une référence et justifie son statut de membre. Pourquoi l’avoir exclue? Parce que la partie de cartes ne se joue qu’à quatre et que le cinquième ne peut jouer que le rôle de chandelier? Ou serait-ce parce que la voix arabe ne pèse plus rien et n’est plus audible? Le propos n’est pas de défendre l’Iran, de contester le rôle de l’Allemagne ou de réclamer le même statut à l’Egypte. Mais de demander à ce que l’on ne culpabilise pas un pays sur des preuves imaginaires, comme ce fut le cas pour l’Irak, pour l’agresser et le dépouiller de ses richesses, sous prétexte de défendre la paix dans le monde. Car dans le cas de l’Iran, et sachant ce qu’il est advenu de son voisin et de son président, n’importe quel iranien, à la place de Ahmedinejad, serait prêt a utiliser l’arme atomique -qu’il l’ait fabriquée ou achetée- pour mettre un terme à l’arrogance des Américains en provoquant un conflit nucléaire dévastateur. Ce qui expliquerait le retrait tactique de Bush dans l’affaire et les propos de Condolezza Rice qui a déclaré hier que Washington était prêt à discuter directement avec l’Iran.