Caméra angle opposé

Les criminels de guerreSelon le responsable de la presse de la Maison-Blanche, le président américain G.W. Bush n’a appris que des Marines -dont il est le commandant suprême- n’ont massacré intentionnellement des femmes et des enfants irakiens dans la ville de Haditha que lorsque la presse s’est penchée sur la question et que des journalistes ont commencé à en poser. Ces propos, tenus mardi passé, supposent donc que le plus puissant chef d’Etat de la planète, à qui il suffit simplement de hausser le ton pour que d’autres chefs d’Etat deviennent subitement des agneaux, n’a été informé de ce que font ses armées qu’avant-hier. Au mieux, depuis lundi. Quel crédit faut-il accorder à de tels propos, sachant que les Etats-Unis disposent d’une puissante agence de renseignements, la CIA, qui fait et défait des gouvernements? Une agence si puissante qu’elle se permet de se jouer des services les plus performants d’Europe. Que faut-il penser d’une nation qui possède 33 organes de renseignements et le réseau d’espions et d’informateurs le plus étoffé dans le monde, une puissance qui se targue de pouvoir lire la plaque minéralogique d’une voiture à des centaines de kilomètres d’altitude, qui vous retrace l’itinéraire d’un terroriste, et qui possède le réseau de satellites le plus dense pour surveiller chaque mètre carré de l’Irak pour traquer les «mercenaires» étrangers qui franchissent les frontières, mais qui ne sait pas ce qui se passe dans un pâté de maisons où des soldats surentraînés et surarmés, soutenus par des hélicoptères et des blindés, massacrent tranquillement des innocents civils sans défense et sans reproches? Que penser d’une nation qui se vante de maîtriser la high-tech et d’opérer, en 1991 déjà, des frappes chirurgicales et qui 15 années plus tard en est encore à accumuler des «bourdes», en bombardant «par erreur» des maisons, tuant des «rebelles» qui se sont avérés n’être que des convives qui assistaient à un mariage? Combien de bourdes de ce genre ont commis les valeureux soldats venus libérer l’Irak des mains d’un dictateur sanguinaire et qui se mettent à tirer, comme des lapins, des citoyens en Afghanistan, à tuer de sang froid dans des lieux de culte, des civils aux bras levés en l’air en signe de reddition pour bien montrer qu’ils n’ont rien ou encore à torturer dans des prisons des personnes livrées pieds et poings liés à leurs bourreaux? Des gens bien quand ils étaient dans leurs casernes en Caroline ou en Californie et qui se transforment en sauvages, dès qu’il s’agit des autres? Il est de notoriété que tous les chefs ferment les yeux sur ce qui se passe dans la «merdouille» et que seuls les résultats comptent, à condition qu’il n’y ait pas de traces. Le problème, c’est qu’avec cette satanée miniaturisation et les offres alléchantes des journaux à sensation, ce ne sont justement pas les traces qui manquent. Mieux, ce sont de véritables séquences de tournage qu’on livre au «Post» et autre «Times». Il est difficile de croire que le président des Etats-Unis d’Amérique ne soit pas au courant du massacre de Haditha, surtout quand John Murtha, un député démocrate américain, vétéran des guerres de Corée et du Vietnam, accuse les Marines d’avoir tué des civils innocents irakiens et conteste la version officielle. «Nos troupes réagissent de façon excessive (...) et tuent des civils innocents de sang froid», a déclaré l’élu qui avait exigé un retrait «immédiat» des troupes américaines d’Irak. Qui croire? Un président qui affirme apprendre ce qui se passe dans son armée par voie de presse ou un élu, qui est fatalement informé, parce qu’en Amérique il y a la «démocratie» et que tout le monde a des comptes à rendre, y compris le président?Face à l’intensification de la guérilla urbaine en Irak, les fabricants d’armes américains, dont Boeing, viennent de mettre au point une nouvelle bombe de petit format afin de faciliter les bombardements aériens en ville (112 kg). Ces engins peuvent être emportés par tous les avions pour multiplier leur pouvoir destructif. Le colonel Richard Justice, un américain «bien», sorti probablement de la prestigieuse académie militaire de West-Point, en a fait les éloges et a assuré qu’elles pourraient être employées en Irak dès cet été. Le contrat de production qui durera jusqu’en 2015, est évalué à environ 2,5 milliards de dollars. Qui a dit que l’Amérique n’est pas venue tuer en Irak? Qui a dit que la guerre n’est pas une affaire d’argent et qu’on se «f...» des morts du moment qu’il ne s’agit pas d’Américains? Qui a dit que les troupes US se retiraient d’Irak dès que le gouvernement sera formé et que les forces irakiennes en état d’assurer la sécurité? Peu importe si cela a été ou non dit. Ce qui est sûr, c’est que les Américains resteront en Irak, au moins jusqu’en 2015. Et plus si affinités. Le plus troublant dans ces dépassements, bourdes, dommages collatéraux, appelez cela comme il vous conviendra, c’est qu’on juge un président démocratiquement élu pour crimes. C’est quoi déjà des soldats qui tuent délibérément des innocents? Des criminels de guerre? Bien vu. A condition qu’il ne s’agisse pas d’Américains.