C'est presque un miracle d'entendre des cadres algériens se prononcer de manière critique sur l'ordonnance n° 07-01 du 1er mars 2007 qui ligote littéralement les cadres algériens. Sa publication en plein procès Khalifa, où des cadres se sont retrouvés sur le gril, n'avait pas donné lieu à des commentaires. Seuls quelques journalistes, par impératif de fonction, avaient relevé que l'Etat s'arrogeait des pouvoirs exorbitants sur la vie des cadres pour des considérations très diverses: cela va du délit d'initié au souci de « garder » une ressource humaine tentée par le passage au secteur privé. Côté cadres, ce fut un silence qui n'a guère surpris. L'habitude de se taire, de se faire une raison a encore une fois pris le dessus, même si en aparté on disait tout le mal que l'on pense de ces mesures. Et pourtant, il y avait à redire, ne serait-ce que par le mélange des genres que l'on retrouve dans la démarche des autorités. Préserver le secteur public, comme Sonatrach ou la haute administration, du désencadrement passe-t-il par des mesures de rétorsion ? Comment concilier ces mesures autoritaires avec la nouvelle religion du marché imposée au forceps à la société ? Si la patate se vend au prix du marché, pourquoi les compétences ne chercheraient-elles pas une valorisation qu'elles ne trouvent pas dans le secteur public ? Sonatrach a récemment annoncé une revalorisation des salaires des cadres: c'est une réponse plus sérieuse et plus efficace que la menace de mise en oisiveté par ordonnance. Que gagne le pays à ce que des cadres, démissionnaires ou limogés, soient contraints à ronger leur frein pendant deux ans, voire cinq, puisqu'ils sont tenus de « déclarer » leurs activités pendant trois autres années après l'expiration des 48 mois de chômage sous ordonnance ? Rien ! Tout au plus, des cadres pourraient y voir une incitation de plus à quitter le cadre national et aller s'employer à l'étranger, loin de l'ordonnance... L'exact effet contraire de ce qui est officiellement recherché. Il y a, bien sûr, le souci d'éviter que les cadres profitent, pour leur usage personnel et du privé vers lequel ils veulent aller, des informations auxquelles ils ont eu accès dans l'exercice de leur fonction dans le secteur public. Cela pourrait être fondé, si ce n'est que l'ordonnance ratisse très large et touche quasiment toute la population désignée par décret. C'est à ce niveau que les cadres algériens ont toutes les raisons de voir dans la démarche une sorte de suspicion a priori. On est devant une législation qui tend vers une généralisation abusive à partir de quelques cas. Le débat, qui n'a pas eu lieu, mérite d'être rouvert, surtout dans un pays qui se plaint du désencadrement et qui risque d'importer des cadres. C'est essentiel pour un pays qui perd de manière cyclique des élites qui mettent des décennies à se forger et qui se perd dans des lubies de vouloir ramener des cadres qui sont allés, loin du pays, trouver l'épanouissement qu'ils n'y ont pas trouvé.
Posté Le : 30/07/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Saâdoune
Source : www.lequotidien-oran.com