A défaut d'un débat politique sérieux, les cadres algériens font, à leurcorps défendant, l'actualité. Celle des tribunaux, bien sûr, où ils sont aux premières loges, celle desexils, le plus souvent silencieux. Parfois, ils le sont un peu moins, commel'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie Abdelwahab Keramane, condamné parcontumace dans le procès Khalifa, que l'on a pu entendre, hier, sur RadioFrance International, accuser le pouvoir politique de se défausser sur lescadres. Il y a enfin cette ordonnance relative « aux incompatibilités etobligations attachées à certains emplois et fonctions », adoptée, sans surpriseaucune, à l'unanimité au Conseil de la Nation. L'Etat se donne, à travers cetexte, le moyen de serrer la vis aux cadres et de limiter leur tendance, fortexplicable, à aller chercher ailleurs, une amélioration de leurs revenus et deleurs conditions de travail. Cette ordonnance part, comme toujours,d'intentions louables, rappelée d'ailleurs par M. Ahmed Nouï, secrétairegénéral du gouvernement : « prémunir l'Etat contre une sérieuse érosion de sesressources en matière d'encadrement au profit du secteur privé national ouétranger ». L'Etat se protège contre la tendance marquée de sa population decadres à le fuir. Légitime sans doute. La décision tombe sans écho, comme unelettre à la poste, alors que certaines dispositions de l'ordonnance paraissentexorbitantes et auraient certainement justifié un débat. Mais, il est vraiqu'en matière de cadres, tout est silence. A commencer par les concernéseux-mêmes qui n'arrivent pas à se donner une visibilité et une expression autreque celle de serviteurs muets, qui se retrouvent, parfois, dans les palais dejustice ou bien qui font leurs valises, discrètement et souvent avec une grosseamertume au coeur. Mais, les cadres algériens ne « font pas de politique » etcet état d'insatisfaction reste souterrain et ne transparait que rarement. Ilne se lit que dans les statistiques, ceux qui sont partis, 40.000 seloncertaines sources, sans idée de retour professionnel. Les cadres, en Algérie,ont beau être brillants, cela ne donne jamais lieu à une success story. Oubien, lorsqu'elle peut donner l'impression d'avoir commencé, l'aventures'achève en queue de poisson, comme celle d'un Ali Aoun, crédité d'avoirredressé Saïdal encerclé par des nuées de requins et qui « tombe » pour uneaffligeante histoire de voiture. Non, les « success story », c'est chez lescadres qui ne sont plus dans l'économie ou la rente nationale. Impossibled'éviter - et il n'y a pas de raison de le faire - la prestigieuse carrièred'un Elias Zerhouni, installé aux Etats-Unis et qui occupe le poste dedirecteur général des instituts nationaux de santé américains. Il n'est pas leseul à avoir connu une brillante trajectoire. Certains chercheurs etscientifiques sont là, à Alger, pour afficher leur disponibilité à faireprofiter leur pays d'origine d'un savoir-faire reconnu. N'ayant pas lescontraintes d'expression de leurs homologues locaux, ils rappellent utilementune évidence, comme M. Mohamed T. Boudjellal : pour agir, il faut une « volontédes deux parties », celle de l'Etat et des experts. Quelle est la différence 'dans ce discours, le cadre existe de manière autonome et se déclare prêt àconclure un contrat avec une autre partie. Cela rompt avec la logique quiprévaut et qui veut que le cadre, l'expert, fasse partie des meubles et n'a pasd'existence propre. Il est bon également d'entendre l'ancien directeur del'Institut d'études du commerce international à Genève, M. Abdelhak Mekki,évoquer l'existence d'une « incohérence » entre les décisions scientifiques etla situation socioéconomique du pays. « On continue toujours à croire que legouvernement n'utilise pas la science pour faire avancer le pays ». L'Algérie,officielle ou non, a besoin de ces rappels élémentaires. Seront-ils entendus 'mais, peut-être qu'une des voies possibles serait que les cadres algériens àl'étranger retissent les liens avec ceux restés sur place pour les aider toutsimplement à exister, à sortir du statut d'objets pour devenir des citoyens.C'est de la politique ? Evidemment, mais qui peut oser encore dire, en cestemps Kamikazes et nihilistes, que l'Algérie n'a pas besoin de politique ?
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Posté Le : 17/04/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Saâdoune
Source : www.lequotidien-oran.com