Algérie

Cachez-moi ces ghettos'



Cachez-moi ces ghettos'
Voilà un ouvrage qui tente de mettre au jour les causes de la persistance en France des discriminations et du racisme envers les jeunes d'origine maghrébine. L'auteure fait état de la ségrégation scolaire : concentration dans des « écoles-ghettos », orientation scolaire précoce, souvent forcée et peu qualifiante, et déperdition scolaire importante. Une situation qui n'est pas meilleure pour l'accès à l'université. Ces jeunes, y compris les plus diplômés parmi eux, sont ensuite confrontés à un chômage massif, ainsi qu'à la discrimination à l'embauche ou leur maintien aux bas des organigrammes. Et comme leurs familles, ils buttent contre la discrimination au logement. Classés comme « population à risque », ils sont parqués dans les banlieues et dans certains quartiers. L' « islamophobie » qui règne en Europe et en France s'explique, selon elle, par la coïncidence entre la montée de la religiosité-refuge de jeunes Maghrébins, précarisés et stigmatisés, avec l'avènement de l'islamo-terrorisme. Le point culminant de cette « islamophobie » aurait été atteint par la loi de 2004 contre les signes religieux à l'école et la bataille qui l'a précédée. Cette loi a pourtant été accueillie avec soulagement par une grande partie des familles musulmanes, surtout des jeunes filles et des jeunes femmes de cette confession, qui estiment que cette loi les protège et protège leur religion des manipulations politiques.La bataille à laquelle elle fait allusion avait opposé, au sujet du « voile », la gauche républicaine et laïque aux islamistes, appuyés par les fondamentalistes juifs et chrétiens, ralliés par une partie de l'extrême-gauche. Il est à peine utile de rappeler que pour les peuples musulmans, seuls les islamistes dans leur diversité s'acharnent, depuis leur apparition en Egypte, à la fin des années 1920, à vouloir faire porter leur uniforme aux musulmanes. On s'étonne aussi dans le livre « qu'un bout de foulard provoque un emballement hystérique des tenants du modèle républicain » et de ses « féroces thuriféraires ». L'auteure confond effectivement le support du symbole, qui peut être neutre, avec le symbole lui-même. Par ailleurs, le racisme et la xénophobie ont tué un grand nombre de jeunes, majoritairement d'origine maghrébine. Evelyne Perrin cite une liste non exhaustive « d'assassinats » de ces jeunes dont les auteurs demeurent souvent et scandaleusement impunis. Pas moins de 150 meurtres racistes de jeunes ont été commis de 1980 à 1985. S'agissant des émeutes de banlieues, de novembre 2005, l'auteure les explique par les mauvaises conditions socio-économiques et la stigmatisation des jeunes d'origine maghrébine.Elle déplore en quelques mots les 8000 à 10 000 véhicules incendiés, ainsi que les destructions considérables d'infrastructures privées et publiques commis par les émeutiers. Elle juge néanmoins qu'il ne fallait pas condamner à des peines de prison les 600 incendiaires sur les 5200 jeunes arrêtés puis relâchés, peines qu'elle trouve disproportionnées. Les couches populaires des banlieues, majoritairement immigrées, n'ont pas manqué de voir dans cette position un encouragement au nihilisme autodestructeur de ces jeunes, une prime à l'impunité et un déni de justice à leur égard.Evelyne Perrin pointe aussi du doigt la répression administrative et policière, ainsi que l'exploitation patronale de centaines de milliers de sans-papiers, dont l'utilité économique est pourtant reconnue dans nombre de secteurs. A l'instar des chercheurs « communautariens » anglo-saxons et des tenants d'une société multiculturelle en France, elle rejette l'intégration, pourtant centrale en sociologie, qu'elle qualifie de « marché de dupe » dans une confusion entre intégration et déculturation, voire dépersonnalisation.Mais elle dénonce avec raison l'hypocrisie consistant à exhorter les jeunes d'origine maghrébine à s'« intégrer », tout en dressant devant eux des obstacles pour les en empêcher. Elle estime que la notion de « communautarisme » est instrumentalisée pour disqualifier les activités sociales, culturelles, politiques « autonomes » des immigrés maghrébins ou de cette origine. Sinon, pourquoi n'applique-t-on pas, selon elle, cette notion à l'encontre des Bretons, des Juifs, des Italiens, du réseau des grandes Ecoles' ' Les exemples qu'elle cite trahissent toutefois une méconnaissance de la différence entre activités communautaires et communautaristes. De même, sa lecture à contresens de l'Ecole sociologique de Chicago sur la fonction protectrice des ghettos afro-américains aux USA lui fait jusqu'à regretter la destruction dans les années 1960 et 1970, par les pouvoirs publics français, des bidonvilles. Cela est d'autant plus surprenant que cette affirmation et la suivante de même type, relative à la destruction de certaines barres HLM (années 1990 et 2000), contredisent sa critique pertinente de la concentration géographique des populations immigrées et de leurs mauvaises conditions d'habitation.`L'affirmation identitaire des jeunes Français d'origine maghrébine exprime selon elle leur refus de la conception française et républicaine de l'intégration qui les dépouillerait de leur identité. Evelyne Perrin reconnaît cependant qu'un grand nombre d'entre eux vivent plus ou moins bien leur double culture.Selon l'auteure, le passé colonial de la France est, comme le proclame l'Appel des Indigènes de la République, une donnée-clé pour comprendre le racisme anti-maghrébin en France. C'est pourquoi, elle réfute la critique de la gauche contre cet Appel d' « ethnitiser la question sociale ». Evelyne Perrin a bien raison de rappeler que la discrimination ethnique, subie par les immigrés et leurs enfants, s'ajoute à la discrimination sociale. Seulement, le reproche qui est porté à cet Appel est lié à la place surdéterminante que ce dernier accorde au facteur ethnique.Jeunes maghrébins de France : la place refusée par Evelyne Perrin. Éd. L'Harmattan, Paris, 2009.


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