Algérie

ÇA VA ' LOCAL !



J'ai la désagréable impression qu'on tourne en rond. Je mets ça sur le compte de la pandémie. Il y en a que pour lae Covid-19. Je n'oublie pas naturellement les procès de la corruption des dignitaires et des hommes d'affaires algériens. Ça n'intéresse plus personne, me semble-t-il. La presse a beau étaler des chiffres mirobolants, passé les premiers effets, le citoyen a l'air d'être blasé. On tourne en rond, je ressens comme un vertige. Ce virus transformiste tourne en bourrique le monde entier. Imaginez un peu l'image délirante, Bolsonaro (le président brésilien), lui qui était dans le déni de l'épidémie, a été obligé de mettre la bavette, Covid-19 oblige. Trump, himself, sort masqué. Comme on dit, la boucle est bouclée. Comme on joue avec le feu, on se brûle.Sauf que chez nous, les choses ne sont pas encore très claires. Personnellement, j'ai tout mis sur le dos du citoyen, je le reconnais, je pense encore qu'il est toujours dans le déni ; par contre, la puissance publique ne sait plus où donner de la tête. Je précise une chose : je ne veux pas être rassuré, je veux toucher du doigt l'ampleur de ce drame. Je veux, c'est valable pour tous les citoyens, trouver la solution dans les hôpitaux au moment voulu. Pour cela, il faut mettre les moyens, tous les moyens. Où sont ces moyens ' J'entends, ici et là, des voix de professionnels s'élever pour montrer du doigt les insuffisances criardes de nos structures de santé, d'un personnel dépassé par l'ampleur de l'épidémie (ils sont combien ces praticiens à avoir succombé au Covid-19 ') et par des décisions incompréhensibles pour tous. Le gouvernement doit revoir sa communication.
Je suis, comme tout le monde, l'évolution de l'épidémie. J'essaie de m'y retrouver. D'avoir une idée précise de ce qui se passe sur le terrain. Malheureusement, je n'y suis pas du tout. On a confiné, ça allait plus ou moins. On a «déconfiné», la situation s'aggrave (Oran, Sétif, Biskra...) Le gouvernement tente de communiquer. Je n'arrive plus à suivre, du tout. Je reviens aux fondamentaux : la bavette est-elle obligatoire ' Où ' Comment ' Dans l'espace public ' Qui doit contrôler ' Est-elle obligatoire dans la voiture ' Qui doit-on écouter, les professionnels de la santé qui poste des vidéos sur les réseaux sociaux ' Ou le ministre de la Santé qui rassure (je reste inquiet, néanmoins) ' Franchement, je suis dépassé. Je suis inquiet. Je voudrais bien être optimiste, sincèrement je n'ai pas les moyens de mon optimisme. Je suis admiratif devant ceux qui restent optimistes, toujours. Il me faut la recette.
Le ministre de la Santé n'arrête pas de dire : il faut prendre des mesures, les hôpitaux ne doivent refouler aucun malade, j'ai instruit ceci et cela, il ne faut pas que, on va dédier soixante pour cent des lits aux «covidés», je ne veux pas alarmer ... Il ne faut pas le dire, monsieur le ministre, il faut appliquer sur le terrain ; le citoyen doit voir vos décisions s'appliquer concrètement. Ile ne faut plus instruire, il faut forcer l'application. Les moyens existent-ils réellement ' Sont-ils bien répartis ' Je ne sais plus quoi penser. Rien ne peut se cacher. Les réseaux sociaux sont là pour transmettre, à la seconde, toute discordance. Nous le constatons sur la toile, au quotidien. On ne peut rien cacher, désormais. Malheureusement, la rumeur tient lieu de communication sociale. C'est là où les choses se compliquent : tout ce qui vient de la «Dawla» est soumis à suspicion. J'entends ici et là cette expression populaire : «makan'ch menha, ya kho !» Quoi répondre à une telle certitude ' La mentalité du beylik est toujours en cours chez nous.
Ce matin, dans ma tire, je suivais la file de voiture à Tizi. La circulation était dense. Pourtant, la chaleur ne laisse aucun répit. A un moment donné, l'automobiliste devant s'arrête net ; il baisse la vitre, fait signe à l'automobiliste en face de s'arrêter ; ce dernier s'exécute ; tous deux s'échangent les dernières infos ; un bouchon de se forme dans les deux sens. J'assistais impuissant aux salamalecs des deux quidams. Je n'ai pas intérêt à bouger le petit doigt. Il y a eu tout de même un paquet de secondes de blablas. Puis des klaxons se firent entendre, rageurs. L'un des deux énergumènes conclut l'échange par cette question, à haute voix : «Yakhi, ca va n'ta '» A l'autre de répondre d'une voix tonitruante : «Ça va, local !»
Il y a quelques années, on disait : «Intik, kho '» «Ki lastic !» Puis, on est passé à un autre niveau de langage : «Wech, ça va '» «Si jamais tu rencontres ça va, files-lui mon adresse !» Puis, on est passé à une autre tournure : «Ça va '» «Oui, ça va jusqu'où s'arrête». Il y en a d'autres, je suis sûr. Je me suis marré, ce matin. Il y aurait donc le «ça va local» et le « ça va d'importation». Ça me revient : «Ça va '» «Il y a mieux !» «Mais c'est cher, ya couz' !» Je n'invente rien, ça existe. L'Algérien révolutionne, bien malgré lui, la langue française. Et dire qu'il y a ceux qui veulent mettre en avant la langue anglaise. Cette dernière sera «algérianisée» à son tour. Nous sommes un peuple génial, il n'y a rien à dire. Que les sociolinguistes ne se cassent plus la tête ; bientôt, la daridja sera langue officielle et nationale.
Je me suis marré, comme il faut, ce matin. Je me suis réveillé du pied gauche ; j'étais bougon ; j'ai même ressenti l'envie de me payer une clope (une «Afras» de préférence). Puis, j'ai rencontré les deux compères de la route ; ils m'ont fait marrer grave. J'utiliserai cette formule avec des amis, juste pour voir leur tronche. «Ca va, local, Mus !» Car, il faut donner un contenu à cette formulation. Les sociologues doivent se pencher sur la question en urgence. C'est bref. Expéditif. Sans discussion aucune. «Ça va, local !» Tout est dit dans ces trois mots.
Je laisse Amin Khan clore cet espace de parole (enfin un peu d'altitude !) : «J'ai éteint la radio/et je me suis allongé sur le divan rouge/Il y a les bruits de la rue/Les enfants du quartier torture un chat/J'espère dormir ce soir et rêver de toi/J'ai lu dans le journal/Qu'un ancien camarade était mort aujourd'hui/Ou hier/En exil/J'ai fermé les yeux/La vie est d'une telle fadeur/Maintenant.»
Y. M.


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