«C'est une manipulation électoraliste»

- Etes-vous opposée aux «lois mémorielles» ' Je suis Algérienne d'origine et j'ai vu le mal qu'avait fait le texte sur «les effets positifs de la colonisation». Donc, je suis contre, mais résolument contre les lois de nature mémorielle. Il faut laisser les historiens travailler en toute liberté et c'est aux historiens de nous amener la vérité des faits. Le Parlement n'est pas non plus un tribunal. Robert Badinter donne tous les arguments pour dire pourquoi il est contre cette loi relative à  la pénalisation du génocide arménien. Je ne sous-estime pas les souffrances du peuple arménien. Cela ne veut pas dire que je ne reconnais pas qu'il y a eu génocide, historiquement c'est démontré. La souffrance des Arméniens je la respecte dans la mesure où je sais aussi que les diasporas sont beaucoup plus violentes et radicales que ne le sont les gens qui vivent sur les territoires concernés.
- Et pourquoi ' Parce que l'exil est toujours une souffrance et cette souffrance se transmet de génération en génération. Et les exilés doivent, le plus souvent, davantage prouver que les gens qui sont sur place, par culpabilité. Les relations entre l'Arménie et la Turquie s'étaient normalisées, notamment sur ce sujet, puisque les deux pays avaient commencé à  signer des accords pour que les historiens puissent commencer à  faire un travail. C'est dommage que ces efforts, qui ne sont pas faciles de part et d'autre, soient freinés par une véritable ingérence du Parlement français et que finalement ce sont les radicaux turcs et Arméniens qui en tirent profit. D'un point de vue géopolitique, géostratégique et économique, la Turquie est un acteur de premier plan, il n'y a qu'à regarder une carte du monde pour s'en rendre compte. C'est aussi un pays qui devient un modèle pour le monde arabo-musulman dans la mesure où la Turquie a réussi le triptyque : respect de l'alternance démocratique, croissance économique à  deux chiffres et valeurs islamiques. Même si on peut mettre un bémol parce que l'armée protège la laïcité.
- Pourquoi le Parlement français se saisit-il d'une loi qui ne concerne pas la France ' Parce qu'il y a une population arménienne sur le sol français. Et à  chaque élection, on a droit à  immigration, sécurité et aux questions mémorielles parce qu'il y a des électeurs derrière. C'est une manipulation électoraliste.
- Le renvoi des autorités françaises par le Premier ministre turc à  leur propre passé colonial vous semble-t-il opportun ' De la part de la Turquie, c'est un peu déplacé. Pendant la guerre de Libération de l'Algérie, la Turquie n'a pas aidé les Algériens, à  l'ONU, Ankara était en faveur de l'Etat français. Le Premier ministre algérien a eu raison de dire que le drame algérien ne doit pas àªtre un fonds de commerce.
- Le cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie interviendra dans quelques mois. Comment verriez-vous cette célébration, du côté français ' Quelle action ou acte symbolique souhaiteriez-vous ' François Hollande s'est exprimé sur le sujet en tant que candidat, toute mon espérance c'est qu'il soit élu président de la République et qu'à l'occasion de cette commémoration il soit en mesure de faire ce qu'il a dit. C'est-à-dire la reconnaissance d'un certain nombre de faits historiques. Et si on apaise le passé, on peut se regarder dans le présent et construire un avenir. Je pense que les Algériens n'attendent pas de grandes déclarations, mais des gestes symboliques forts.