Algérie

C'est ma vie «On a volé mon nom» (4e partie et fin)



Sur conseil et avis de mes proches, et afin de répondre positivement à la demande du document demandé, j'avais avisé l'avocat de mon souhait d'apporter la levée de l'opposition et de donner mon consentement pour la régularisation et l'établissement du livret de famille en question. De ce fait, il a été chargé d'entreprendre toutes les démarches nécessaires à cette utilité.
Par Abdelkader T.
Quelques jours après, Fatiha m'appela de nouveau pour me remercier de la levée de l'opposition et demanda si cela m'était possible d'effectuer un déplacement à Oran pour une rencontre avec les enfants, en sa présence bien sûr, cela pourrait nous permettre de renouer une solide et respectueuse amitié et que ceci soit une invitation solennelle tant pour moi que pour ma petite famille. J'étais un peu surpris de cette nouvelle tournure, aussi j'avais réservé ma réponse à plus tard… La revoir, par sagesse, j'en serai ravi ! Je suppose que, tout comme moi, elle avait peut-être beaucoup changé, devenant ainsi plus sage et plus consciente, vu son âge. Je me demandais si je pouvais la reconnaître. Probablement pas, car après une séparation de trente années, elle a dû changer ! En effet, j'ai gardé en mémoire une très ancienne image d'elle trop ternie par le temps et le souvenir d'une séparation qui s'est déroulée avec compréhension, indulgence et sans aucune animosité. A-t-elle changé ' Je pense qu'elle pourra me reconnaître plus facilement car moi-même je n'avais changé que très peu, j'ai plutôt vieilli. J'avais exigé dans un premier temps une rencontre uniquement avec Fatiha tout en expliquant qu'à travers elle, je tenais à revoir mes ex-folies de jeunesse et ce qui en reste, l'assurant de ma confiance et de mon respect pour sa personne. C'est ainsi que d'un commun accord, un rendez-vous avait été fixé au niveau de la gare de Mohammadia à Oran, où elle séjourne dans le cadre d'une visite familiale. Ainsi, tôt le matin, j'avais stationné mon véhicule devant la gare comme convenu et entamé une longue attente, j'étais quelque peu angoissé comme un enfant qui s'attend à une sanction, tout en me posant d'horribles questions :
- Quelle genre de femme est-elle devenue '
- Serait-elle comme ces femmes émigrées avec des cheveux teints en blond et habillée à la française '
- Ma confiance serait-elle bien placée '
- Dois-je m'attendre à une déception '
Ainsi, je trouve en face de moi une femme de petite taille, frêle, portant une djellaba noire, un visage sombre, un peu trop écrasé et comprimé par ce port de lunettes de vue. J'avais prononcé «C'est Mme Fatiha avant d'effectuer une accolade tout en gardant un lourd silence pendant quelques secondes, un peu affecté par ce changement et avant qu'elle puisse s'apercevoir de mon émoi, j'avais lancé : Où est-elle la belle Fatiha ' Ses lunettes m'avaient empêché de voir ses yeux en larmes, elle avait du mal à étouffer ses sanglots, alors je l'avais gentiment invitée à prendre place dans la voiture. Durant tout le trajet vers Oran distante de 70 km, elle me parla de son installation en France, de son mari à qui j'avais tenu à rendre hommage pour son bon choix, de ses trois filles. Quant à moi, j'avais évoqué le parcours depuis notre rupture, ma situation professionnelle, mon ménage et surtout mes étranges impressions envers elle, marquées parfois de regret ou de discernement. Souvent, il m'arrivait de la haïr, mais aujourd'hui, je suis très ému de l'avoir vue car j'estime qu'il était temps pour nous de nous retrouver, non pas pour renouer une nouvelle relation mais seulement au titre d'une rétrospective de parcours. «Madame, vous dire que j'avais tout oublié, c'est mentir, parfois je revivais intérieurement toute la période de cette tumultueuse union. Aujourd'hui, je me rends compte que nous avons fait beaucoup d'erreurs et surtout du mal l'un envers l'autre. Par sagesse, il m'arrivait parfois de m'en vouloir pour les souffrances que j'avais pu commettre envers autrui et plus exactement envers vous. Cependant, j'avais toujours gardé un sentiment de douceur, d'amitié et de compréhension dans notre relation, seulement les mensonges, les faux témoins et la citation du tribunal m'avaient beaucoup troublé, et sur le moment, je vous ai beaucoup détestée et j'avais aussitôt décidé de ne pas répondre à toutes vos demandes. Réflexion faite et après conseil de mes proches, j'avais fini par comprendre la situation de vos enfants et j'avais amplement cédé à entreprendre toutes les démarches nécessaires pour la satisfaction de vos doléances. Madame, qui de nous deux aurait souffert le plus ' Peut-être moi, plus que vous ; comme vous, je trouve que notre relation serait condamnable dans sa forme et dans son fond, nous resterons blâmables. Sachez simplement qu'aujourd'hui, je ne tiens nullement à vous juger encore moins à vous accuser de ce qui s'était passé, chacun de nous a tout naturellement suivi le chemin de sa destinée selon la volonté d'Allah. Avant de venir à votre rencontre, j'avais entamé une conduite d'indulgence, de pardon et de compréhension. J'ai décidé d'oublier toutes les rancœurs, toutes les animosités, les aversions et les ressentiments du passé. Madame, après une telle entrevue, j'estime qu' Allah vous a largement pardonnée, sa clémence est immense, devrais-je le faire ' Je pense que oui, seulement, les mensonges et les mauvaises manipulations pour une action en justice restent à mon sens compréhensibles mais impardonnables. Trop de mensonges ont été avancés et surtout ces augustes témoins, qui devront un jour subir les conséquences d'un faux témoignage. Un jour peut-être, vos enfants sauront quelques vérités qui vous seront assez fatales. Quant à moi, je demeure responsable de mes actes et je devrais reconnaître toutes mes atteintes et mes transgressions faites il faut le rappeler avec un esprit juvénile sans avoir pour autant mesuré la gravité de mes agissements. Vous savez très bien que nous avons vécu ensemble selon votre désir et votre volonté ; vous étiez éprise de moi, vous m'aviez accepté tel que j'étais et avec toutes les folies et les égarements ; j'étais là lorsque vous l'aviez désiré, je suis parti lorsque vous l'aviez demandé. Nous avons tout simplement vécu une époque avec ses douceurs et ses douleurs, nous n'étions que nous-mêmes tout en suivant un chemin tracé par notre Créateur. A mes yeux, ces enfants ne méritent aucune indulgence et encore moins mon intégral reconnaissance paternelle. J'avais donc accepté cette régularisation uniquement dans le sens d'une réparation et surtout que le nom qu'ils portent n'est autre que le mien. Cependant, ils doivent savoir qu'ils ne seront que les enfants de Fatiha, que le document en question leur soit délivré, cela ne veut nullement dire que je demeure à leur audience ou à leur ordonnance, bien au contraire, ce serait mon unique et dernier geste envers eux, et surtout qu'ils puissent être assurés de mon indifférence la plus totale, sans pour autant oser avancer que le nom qu'ils portent tous les deux n'est nullement le leur. On ne devient pas fils de bonne famille par jugement ou autre document mais tout simplement par naissance conforme aux principes de nos aïeux et de notre religion. Mais je pense que le désir et le besoin d'être Français par papier édictent largement cette attitude. De surcroît, je ne pourrai que dénoncer leur attitude, leur rang d'assistanat et surtout de leur cas de souffre-douleur J'aurai tout simplement refusé et contesté loyalement les faits dont certains relèvent d'un pire mensonge comme par exemple la présence de témoins lors de notre séparation. Ne pas reconnaître la légitimité de ces enfants m'aurait sûrement permis d'être plus pratique et plus réaliste, car les présomptions du doute sont assez fortes. Ou faire encore rappeler à ces observateurs le souvenir de la présence de mon immédiat remplaçant avant même mon départ. Vous revoir, cela m'a permis de revivre pour un petit instant le passé tant dans ses douleurs que dans ses moments de quiétude. J'ai trouvé auprès de vous une entière disposition d'écoute et un sentiment de pardon. Il semble que vous avez beaucoup changé, vos paroles sont plus sensées. Cela m'aurait complètement donné satisfaction d'avoir effectué un tel déplacement, seulement me présenter devant vos enfants pourrait me perturber, et aujourd'hui je ne possède ni les facultés ni la force et encore moins la disposition nécessaire pour subir un tel examen. Peut-être bien que plus tard, je serais plus disposé. Je dois vous dire en toute sincérité que voir vos enfants maintenant qu'ils sont devenus des hommes pourrait m'être assez pénible et finalement que pourrais-je leur dire alors que le doute persiste toujours et j'en suis désolé. C'est vraiment très regrettable d'avoir rompu cette relation.» Sur le chemin du retour, j'avais longuement médité sur ma relation avec Fatiha et ses enfants, je mesurais subséquemment le degré de ma culpabilité et mes torts ; certes, ce sont des errements et des égarements de jeunesse, mais aujourd'hui, cela représente un préjudice assez étendu sur le plan moral. Pour mettre un terme aux conséquences de cet événement sur ma vie familiale, je devrai renoncer à rester en contact avec Fatiha comme demandé avant mon départ et surtout à n'avoir aucune rencontre ou contact avec ses enfants. Plus de trois décennies se sont écoulées sans que ces derniers s'inquiétaient de leur filiation et ce n'est qu'à la suite d'une contrariété administrative qu'ils ont ressenti le besoin de la signature d'un père. Quant à Fatiha, j'estime que trop la croire relève d'une grande crédulité, la contrainte et l'acuité de la nécessité du document en question pour ses enfants l'ont poussée sans aucun doute à se comporter de la sorte et surtout à afficher l'image d'une personne indulgente et pieuse. Mais mon pressentiment me laisse croire à une grande comédie bien jouée. Comme on dit, la fin justifie les moyens. Après toutes ces longues années, il me sembla que rien n'avait changé dans le caractère et le comportement de cette femme, elle est toujours perfide, hypocrite et trompeuse. Comme j'aurais aimé lui dire avant mon départ que j'avais un peu trop cru à son attitude de sagesse et à ses discours moralisants ; seulement, après une profonde méditation, j'avais parfaitement repris mon bon sens pour comprendre la duplicité du comportement de cette femme. Enfin, j'avais compris que l'on m'a utilisé et que l'on m'a tout bonnement volé mon nom.


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