Algérie

C'EST MA VIE «Mon handicap fait ma force»


Ouassila Abda ne laisse personne indifférent, à commencer par son sens du contact, sa gentillesse et son sourire permanent. Un visage parfaitement dessiné, avec des traits bien proportionnés et harmonieux, et des yeux clairs qui lui donnent un regard pénétrant. La cinquantaine bien entamée, elle est toujours dynamique et rayonnante, et ce, malgré les douloureux événements qu'elle a vécus.
Ancienne élève du lycée Mahmoud-Ben-Mahmoud de Guelma, elle a suivi de brillantes études à l'école paramédicale de Annaba, pour devenir sagefemme. Wassila a débuté sa carrière dans les années 1980 à la maternité de l'hôpital Okbi de Guelma, jusqu'à la veille du tragique accident qui va boulverser toute sa vie. Aujourd'hui, elle exerce dans le secteur public, menant un long combat avec une endurance sans faille contre le rejet et la marginalisation des personnes handicapées par la société. «J'ai mené avec détermination une longue et dure bataille pour faire évoluer les mentalités et lever tous les obstacles à l'intégration», déclare-t-elle. Ouassila est une rescapée de l'hécatombe routière, elle a été victime d'un grave accident de la route. Cela s'est passé en 1986, lors d'une sortie en famille, le pire n'a pu être évité, puisqu'elle s'en est sortie avec un handicap moteur majeur, pour le restant de sa vie. En voulant connaître sa réaction quand elle a pris connaissance de son diagnostic et ses conséquences (paralysie totale des membres inférieurs), Ouassila reconnaît que «les réactions diffèrent d'une personne à une autre. Dans ce genre de situation, on peut avoir l'impression de vivre dans une illusion et souhaiter se réveiller d'un cauchemar, pour réaliser que rien ne s'est passé ; on peut espérer des fois que les équipes médicales traitantes se soient trompées de diagnostic ; pour moi, ces réactions sont légitimes, elles permettent aux gens de faire face à ces situations désespérantes. L'annonce d'une mauvaise nouvelle met malheureusement à mal les praticiens car elle est très pénible pour le patient. En ce qui me concerne, mon médecin traitant n'a pas eu beaucoup de problèmes, étant donné que je suis du domaine.» Le jour où les examens radiologiques ont révélé une fracture de la colonne vertébrale avec des lésions sévères de la moelle épinière, Ouassila savait déjà que le pronostic était sombre. «La paralysie de mes membres inférieurs était donc prévisible, et j'ai déjà commencé à en parler avec mes médecins.» Au bout de 7 années d'arrêt de travail, elle décide de reprendre le chemin des structures de santé, avec l'aide de sa famille, ses amis, et surtout grâce à son mental d'acier et à sa volonté inébranlable de surmonter son handicap et d'accepter courageusement l'une des plus lourdes responsabilités dans le secteur de la santé, qui est celle d'aider les femmes à donner la vie. Aujourd'hui, elle exerce merveilleusement bien son métier sur une chaise roulante, au centre de santé de la cité Guehdour-Tahar sur les hauteurs de la ville. Elle est chargée par la direction de l'EPSP de Guelma du programme des espacements des naissances, notamment la pose de stérilets, elle reçoit quotidiennement plus d'une vingtaine de femmes. Selon le registre de consultations, le nombre de pose de ce dispositif intra-utérin a atteint 140 entre le 2e trimestre 2010 et le 1er trimestre 2011, un résultat encourageant, estiment les spécialistes. «Elle doit être dévouée et passionnée par sa profession, pour vraiment réussir à avoir un nombre aussi important de consentantes, pour seulement la population des environs de la cité Guehdour», nous déclare un praticien du service de la prévention. L'écoute, les bons conseils, la prise en charge exemplaire, le suivi et l'accompagnement sont les motifs de satisfaction des usagères du service de Mlle Abda. Ces dernières mettent surtout en avant ses qualités humaines et professionnelles. «On lui reconnaît sa minutieuse patience lors de l'examen des patientes avant de choisir le meilleur moyen de contraception, elle jouit également d'un grand sens de l'humour», nous dira une patiente. Certains praticiens spécialistes en anatomie pathologique, chargés de la lecture des frottis de dépistage du cancer du col de l'utérus, nous ont apporté leur témoignage : «Mlle Abda effectue soigneusement son travail, il faut dire qu'elle nous facilite vraiment la tâche.» Cette femme exemplaire, qui a donc incontestablement réussi sa réintégration professionnelle avec dignité, reconnait, toutefois, avoir eu des difficultés lors de sa réintégration : «J'ai commencé à remarquer quelques attitudes désagréables et suspectes de la part de certaines collègues, qui ont affiché un rejet à mon égard, elles ont fini par comprendre que je suis dotée d'une ferme volonté de renouer avec mon activité professionnelle. A ce titre, je tiens à rendre un vibrant hommage à Mme Dahel Soraya, sage-femme de la direction de santé de Guelma qui m'a intégrée dans le groupe qui suit une formation dans le cadre du programme national des espacements des naissance, un geste qui a marqué un tournant décisif dans ma carrière professionnelle. » Ouassila a accepté aussi de nous parler de son coup de cœur, et de la grande déception qu'elle a vécue juste après son accident. «J'étais fiancée en 1984, c'est-à-dire deux années avant le drame, l'élu de mon cœur était un jeune technicien en télécommunications, qui m'a profondément marquée par son respect et sa considération. Mais ça a duré juste deux années. On va dire que c'était mon premier amour il a été vraiment à la hauteur durant les quelques jours qui ont suivi l'accident, il est même venu me voir à Paris où j'étais hospitalisée. Mon handicap a brisé l'équilibre de notre couple, la froideur, puis l'indifférence ont vite remplacé l'attention et l'amour qu'il me témoignait. Cela s'est manifesté dès mon retour en Algérie, et je pense aussi que mon fiancé n'a pas résisté aux pressions de sa famille et de son entourage. La séparation a été déchirante, trop cruelle, je l'ai ressentie comme un second choc. Cette attitude à laquelle je ne m'attendais pas n'a fait que confirmer encore plus mes craintes pour l'avenir de notre relation, depuis ce coup fatal.» Il s'agit là d'une preuve solide d'une force de caractère suffisamment grande qui lui permettra sans doute de surmonter les pires obstacles. «Pour être véritablement autonome, j'ai décidé d'accéder profondément à la vie active pour briguer avec le statut d'une citoyenne à part entière. J'ai réussi à surmonter mon blocage psychologique qui m'empêchait de passer mon permis de conduire car pour moi l'autonomie c'était de réussir à me déplacer seule sans aucune assistance. Dieu merci, maintenant je conduis un véhicule aménagé et je suis enfin libre de mes mouvements. Je me sens de plus en plus autonome, cette progression me permet de me procurer la plus grande satisfaction morale.» Mlle Abda est la benjamine d'une fratrie de trois filles, elle vit avec sa mère dans un F2 aménagé au rez-de-chaussée qu'elle a acheté il y a quelques années. C'est l'histoire d'une femme qui a réussi le pari difficile de vaincre les préjugés. Qui a dit que Abda Ouassila est une personne handicapée '
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