Malika, la cinquantaine bien entamée, le sourire aux lèvres, parle de ses compagnes avec beaucoup de tendresse. Bicha, la siamoise, Minette aux poils d'angora et Gambi la petite tortue font partie de sa vie depuis plus de dix années. «Je ne peux imaginer mon existence sans mes petits enfants.» C'est un hommage que nous rendons à cette ingérieur agronome de l'Agence nationale de la nature du jardin d'essai du Hamma, décédée cinq années, jour pour jour, après la parution de ce récit que nous rediffusons.L'amour que porte Malika aux animaux et aux végétaux en général, et aux chats en particulier, elle le tient de son defunt père. «Mon père possédait une volière qui représentait toute sa vie. Nous avions la chance d'habiter une maison individuelle avec une grande cour, la volière était là et elle comprenait toutes sortes d'oiseaux avec plein de couleurs, et ce qui était extraordinaire, c'est que les oiseaux communiquaient avec mon père. Ils savaient quand il avait des petits soucis, lorsqu'il était content et vice-versa. Je demeurais admirative devant une telle complicité. Mais ce qui m'a marquée le plus, c'est l'amour que vouait mon frère aîné à sa chatte et je crois que le déclic est venu de là . Il l'affectionnait tellement que j'en étais ébahie. D'ailleurs, elle le lui rendait bien. Ils étaient aux petits soins l'un envers l'autre. Lorsque je les voyais ensemble, j'avais l'impression de voir un papa avec son enfant. Il la câlinait et elle répondait à tout cet amour.»Entourée d'une famille qui n'était guère indifférente aux animaux, Malika a hérité de cette attention particulière qu'elle prêtait à son tour aux êtres vivants. Les animaux partageaient notre maison, notre vie. Nous avons été éduqués dans cette ambiance ; forcément, mon père a déteint sur nous et d'ailleurs je l'en remercie. Au fil des ans, l'amour des animaux allait grandissant. Où qu'elle soit, la vue d'un chat éveille ses sens et elle n'hésite pas à prodiguer des soins à un animal en détresse ou combler de caresses une chatte en quête d'amour, comme elle est offusquée de voir des scènes de maltraitance envers ces êtres vivants. «Je suis horripilée quand je vois des adultes dans la rue chasser à coups de pied des chats. Pis, je suis scandalisée par la fourrière canine. Vous n'imaginerez jamais le sort réservé à ces innocents : on les asperge d'eau pour les électrocuter ensuite. Je trouve cela atroce. Il y a pourtant d'autres moyens moins horribles de les tuer. Tout y passe, les plus beaux, les plus sains, les malades... Un employé a même quitté son travail, ne supportant plus de les voir mourir dans ces conditions atroces. Ailleurs, on les pique tout simplement, c'est plus rapide et ils ne souffrent pas. Les plus beaux posent pour des spots publicitaires.Malika n'est pas prête de changer sa vie, elle est heureuse avec sa petite famille ; dans sa maison, Bicha, Minette et sa petite tortue font très bon ménage. «Il faut les voir le soir quand je rentre à la maison, elles accourent, m'accueillent avec des ronronnements et des miaulements, quant à la tortue, d'un pas nonchalant, elle essaye de les suivre. C'est amusant de les voir ainsi. Elles se roulent par terre, me lèchent les mains, elles sont contentes de me retrouver. Avec elles, je sens vraiment que je suis aimée et c'est, surtout, désintéressé. Quand je suis triste, que j'ai des soucis, qu'il m'arrive parfois de pleurer, elles ne mangent pas, elles se mettent sur mes genoux et ne me quittent pas. Bicha, un jour, a même essayé d'essuyer mes larmes. Je ne pourrai jamais me lier d'amitié avec une personne qui n'aime pas les animaux et surtout les chats ; d'ailleurs, heureusement que mon mari ne les déteste pas, car j'aurais divorcé sans la moindre hésitation. Comment voulez-vous ne pas les choyer !»Avant Bicha et Minette, Malika a adopté un chat qui a vécu avec elle jusqu'à sa mort, il avait 19 ans. Tokyo emplissait sa vie, il faisait son bonheur et celui ou celle qui ne l'aimait pas était banni de sa vie. «Je ne pourrai jamais me lier d'amitié avec une personne qui n'aime pas les animaux et surtout les chats ; d'ailleurs, heureusement que mon mari ne les déteste pas, car j'aurais divorcé sans la moindre hésitation.Ma famille me prend pour une folle, elle n'admet pas que j'aurais été capable de rompre mon mariage pour eux. Elle ne comprend pas non plus comment je dépense un budget colossal pour nourrir et soigner mes colocataires, mais aussi tous les chats du quartier qui quittent leurs maîtres pour venir manger chez moi. Je prends soin, au moment de leur servir leur déjeuner dans la grande cour qui fait office de salle à manger, de laisser le portail de la maison ouvert ; ils s'invitent, mangent sans trop m'approcher, remplissent leur petit ventre, se lèchent les babines et rentrent tranquillement chez eux. Il faut dire que je m'applique, en mettant tout mon cœur dans la préparation de leur popote. Tous les plats sont cuisinés avec de l'huile d'olive, tous les aliments sont bien cuits, y compris la viande. C'est d'ailleurs très mauvais de donner de la nourriture non cuite aux chats. Ma famille me répète toujours : ''Au lieu de dépenser ton argent pour les chats, donne-le aux pauvres. J'ai un principe : j'aide les handicapés, les enfants, je faisais partie d'ailleurs d'une association d'aide aux enfants, mais pas les valides. Et puis c'est mon argent, j'en fais ce que je veux.»En évoquant Tokyo, Malika en parle avec une profonde tristesse. Pendant 19 années, il a fait partie de sa vie. Il a partagé ses joies et ses peines, il est mort de vieillesse. Son attachement pour lui étonnait ses amies. On avait l'impression que c'était un être humain, il se comportait comme tel, affectueux, attentionné. Malika a été très affectée par sa mort. Elle en a voulu à tous ceux qui n'ont pas compati à sa douleur, qui n'ont pas trouvé important de lui présenter des condoléances. Il a eu droit à un dîner funéraire et elle voulait même publier un faire-part dans le journal. Pour Malika, Tokyo était exceptionnel. «Un jour, j'ai reçu ma cousine, elle portait ma robe ; pris de colère, avec ses pattes il a essayé de la lui à'ter, tout en lui interdisant de rentrer dans ma chambre. Il prenait soin de moi et de tous mes effets et avait un côté coquin que j'aimais beaucoup : quand il faisait une bêtise, il se cachait et se blottissait dans un coin pendant que je le grondais. Une fois ma colère passée, il sortait de sa cachette et, comme pour se faire pardonner, se mettait sur mes genoux et me léchait. Il n'était content que lorsqu'il m'arrachait un sourire ou un câlin. Le seul inconvénient avec Tokyo c'est qu'il refusait de passer la nuit seul. Quand je m'absentais, j'étais contrainte de le confier à des amis et ce n'était pas toujours évident. Sinon, c'était un amour de chat. Il est enterré dans le jardin de ma sœur.»Après Tokyo, elle avait décidé de ne plus jamais élever de chat, jusqu'au jour où, comme par enchantement, la chatte du voisin est rentrée chez elle. N'ayant jamais eu de femelle, je ne savais pas comment réagir avec elle. Elle a donc pénétré dans ma chambre, s'est carrément recroquevillée sur mon ventre devant les yeux ahuris de ma cousine qui, affolée, s'est écriée : «Tu ne vois pas qu'elle est pleine, elle va mettre bas.» Eh bien, elle n'a pas bougé. Le travail a duré plus de deux heures. En fait, elle est venue me demander de l'aider à avoir ses chatons. Elle a eu trois adorables petits siamois. Le lendemain, quand son maître a voulu la reprendre, elle a refusé de le suivre. Depuis, Bicha s'est incrustée chez moi. Vous savez, parfois les chats quand ils vous témoignent de l'amour, il est difficile d'y résister. Cela me rappelle une anecdote que je garde toujours à l'esprit. C'est l'histoire de cette richissime dame qui vivait dans un quartier huppé, qui ne sortait jamais, mais qui avait tout pour elle. Un jour, un chat blessé miaulait devant son portail. Au départ, elle semblait indifférente à ses miaulements, mais le chat se faisait insistant, elle court alors pour voir ce qui se passait réellement ; là , elle ne put résister à la vue de ce petit minou blessé à la patte qui appelait au secours. Sans réfléchir, elle l'a pris dans ses bras et le conduit à l'intérieur. Elle l'a soigné, dorloté, lui donnait à manger et, sans se rendre compte, elle commençait à s'attacher au petit animal. L'idée première de lui rendre sa liberté s'effacera vite, elle deviendra la maîtresse de Minou. Depuis, non seulement elle ne peut plus s'en séparer, mais se donne le prétexte de partager ses repas gargantuesques ,non seulement avec lui, mais avec tous les chats du quartier. Jamais elle n'a imaginé qu'un jour elle s'amouracherait d'un chaton.»Malika croit fermement à la thérapie par les chats. Ces derniers, sans le savoir, ont contribué à la guérison de beaucoup de malades. Elle en parle en connaissance de cause. «Je n'oublierai jamais cette vieille dame qui, après la mort de son époux, a décidé de se laisser mourir. Sa fille unique qui vivait avec elle n'a pas réussi à lui faire surmonter son chagrin. Elle a consulté un psychologue qui lui a conseillé d'élever un animal. Elle est venue me voir, je lui ai alors proposé une petite chatte (les femelles sont plus affectueuses, plus attachantes). Et pour la bonne cause, nous avons monté un scénario, j'ai simulé un voyage et sollicité la dame à la garder pour quelques jours. En un mois, elle s'est métamorphosée. Elle avait retrouvé l'appétit, ne gardait plus le lit et s'occupait de la chatte qui, petit à petit, s'est attachée à elle. Elle montait sur son lit, la réveillait aux aurores, la léchait et se blottissait contre elle pour terminer son sommeil. La vieille dame le lui rendait bien, elle a retrouvé son sourire, elle allait faire son marché, apportait de la viande à son invitée qui l'attendait, heureuse, sur le pas de la porte. Bref, elle a retrouvé sa santé. Et lorsque j'ai voulu récupérer ma minette, elle a refusé de me la restituer. Ce n'est pas là le meilleur exemple à méditer '
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Posté Le : 25/03/2017
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Naé Ì„ma Yachir
Source : www.lesoirdalgerie.com