Algérie

C'EST MA VIE



Une vieille armoire en bois massif que lui a offerte sa grand-mère, lors d'un déménagement, un fauteuil chiné dans une brocante, un lit et une table n'étant plus au goût du jour ; tout ce mobilier est matière à reconversion. L'auteur, c'est Razik, Eden Raz, pour les intimes, ce jeune artiste de 24 ans, architecte d'intérieur, qui a fait de son métier une passion.
Son attirance pour les beaux objets il l'a acquise dès sa tendre enfance. Les jolis intérieurs, l'originalité dans les agencements et la décoration l'ont toujours charmé. Il rêvait un jour créer lui-même son espace de vie. Avant de réaliser son rêve, il s'exerce dans la maison familiale, après l'obtention de son diplôme. «C'est un garçon qui a toujours aimé l'ordre, les meubles sobres et originaux ; il aime donner une personnalité, une âme à une maison», nous dira sa maman. Eh bien, l'artiste va s'éclater ! «Pénétrer dans une habitation où tout est entassé pêle-mêle, des meubles cossus, dans un salon de quelques mètres carrés, des murs aux couleurs vives dans un espace réduit parce que c'est la nouvelle tendance, m'ont toujours horripilé. Ce qui me désole le plus, ce sont tous ces gens aisés, qui ont la chance de construire leurs propres maisons, mais qui bâtissent des «bunkers» sinistres, alors qu'ils peuvent s'inspirer des belles maisons de La Casbah d'Alger ou d'autres régions du pays. Je n'en connais pas beaucoup qui ont opté pour ce style. C'est quand même plus joli, et ça nous change des affreux buildings». Razik se donnera à cœur joie pour relooker sa demeure. «Je dis toujours que lorsqu'on en a marre d'une bibliothèque ringard, il ne faut pas la jeter, il suffit d'avoir de l'imagination, peu d'argent et cela nécessite un minimum de moyens. Quand je vois tous ces gens qui changent de salon tous les ans, alors qu'il suffit de troquer l'ancien tissu d'ameublement pour un autre, on va dire, plus tendance, on a l'impression d'avoir un neuf.» Pour Razik, il n'y a pas que les meubles qui peuvent subir des transformations, «la vaisselle, les lustres, les lampes… On peut donner une nouvelle vie à tout». Il ne croit pas si bien dire. En effet, dans le F3 qu'il partage avec sa mère et son frère, la déco force l'admiration. Presque chaque objet, chaque espace est passé entre les mains de l'artiste qui en a fait une œuvre d'art. Comme cette console que sa maman a achetée il y a plus de 20 ans. «Vous savez, cela m'a coûté un pot de peinture noire, car j'ai opté pour cette couleur, et des pinceaux. Ma mère ne l'a presque pas reconnue.» Des murs au plafond, il a eu carte blanche pour tout rennover. «Au départ, il n'était pas question de toucher à la peinture ; on devait confier ça à un peintre. Lorsqu'il nous a présenté son devis, on a failli tomber à la renverse. Seule la cuisine nous a coûté 30 000 DA. Nous avons décidé, mon frère et moi, de nous mettre au travail. Quelques notions de base tirées d'Internet, de la peinture blanche et noire, des rouleaux, et le tour est joué. Le choix de la couleur blanche, même si beaucoup pensent que c'est salissant, donne de la perspective, de la luminosité et de l'éclat, surtout quand la superficie est réduite.
«Il n'y a pas que les meubles qui peuvent subir des transformations. La vaisselle, les lustres, les lampes… On peut donner une nouvelle vie à tout».
Et puis, quand ça se salit, ça se lave ou ça se rafraîchit. Quant au noir, même si, pour certains, cela paraît lugubre, ça camoufle les défauts. Il suffit de ne pas en abuser, c'est sobre et épuré.» Toujours dans un esprit pratique et économique, Razik, ne pouvant supporter la faïence bleue de la salle de bains, au lieu de changer les carreaux, et à quel prix, a tout simplement acheté de la peinture noire miracle, spéciale faïence. Sa brillance, une fois le travail fini, a laissé sa famille pantoise. «Aujourd'hui, on peut trouver de tout pour ce genre de travaux sur le marché. C'est vrai que cela coûte beaucoup moins cher quand on le fait soi-même, mais ça reste quand même hors de portée pour les menues bourses.» Notre artiste, pour la bonne cause, s'est converti en menuisier, lorsqu'il s'est agi de découper une ancienne bibliothèque qu'il a transformée en guéridon, ou encore meuble de coin, et son ancien bureau en éléments de cuisine. Il supprimera les piètements d'une vielle armoire afin de lui donner un nouveau design : de nouvelles poignées, une peinture fraîche, une glace et le meuble est méconnaissable. La table et les chaises de la salle à manger n'échapperont pas à son tour de mains : une bombe de peinture argentée et l'incontournable pot de peinture noire, et les meubles ont perdu de leur cachet rustique, car c'était la fausse note dans un décor moderne. Il troquera ensuite sa scie sauteuse, pour des pinceaux et jouera au céramiste en redessinant les motifs d'une série d'assiettes dont lui a fait don sa grand-mère, et modifiera la dernière assiette qui échappera à la casse d'une série, pour en faire un très joli vide poches. Des petites bouteilles de limonade vides, il ne s'en débarrassera pas, elles deviendront de jolis vases et des bibelots. Il fera de sa vieille lampe de chevet une toute neuve, en lui changeant tout simplement le cache ; pour ce faire, il en tissera un neuf avec du fil argenté. Il est aussi artiste peintre à sa manière. Il effectuera un travail de fourmi en découpant des photos de peintres célèbres qu'il ira chercher dans des magazines, pour réaliser un tableau très original qu'il accrochera sur le mur du salon. Et à temps perdu, ou lorsque la nuit, le sommeil le quitte, il se met face à son chevalet et peignera selon l'inspiration, sur des supports en polystyrène, contreplaqué, carton ou miroir de récupération, des figurines africaines, ou des formes géométriques en choisissant tantôt des couleurs vives, tantôt des tons chauds. Le résultat, comme dans la plupart de ses créations émerveillera son entourage. Il lui est souvent arrivé d'offrir ses dessins. Il nous racontera à ce propos : «Un jour, ne pouvant refuser de donner une de mes toiles, qui me tenait vraiment à cœur, à ma tante, j'ai décidé de faire une réplique que j'ai dessinée directement sur le mur de ma chambre. Je me suis dis, comme çà, personne ne pourra me la demander.» Comme tout artiste, le travail vient avec l'inspiration du moment, et qu'il ne faut surtout pas être contrarié. Ainsi, il lui est arrivé à n'importe quel moment de la journée de prendre un miroir qu'il aura soigneusement découpé à l'aide de son diamant, pour en faire un magnifique cadre : il y ajoutera parfois des petits jets de peinture, ou sur un carton rigide, il collera les débris de verre, qu'il aura récupérés. «C'est un principe chez moi, je ne jette rien. En coupant la glace, il m'arrive de perdre des morceaux, alors les chutes serviront forcément à autre chose.» Ayant le coup d'œil, quand il rentre dans un appartement, il ne peut s'empêcher de balayer discrètement de ses yeux aussi bien l'agencement de l'espace, que la déco. Et quand il s'agit de ses amis, il n'hésite pas à leur donner des conseils. Il se souviendra toujours de cette anecdote qu'il nous racontera en riant : «Je me trouvais chez ma cousine qui venait de se marier, quand des invités s'annoncent à la dernière minute. La maîtresse de maison panique, car elle n'a pas de table basse dans son salon. Razik la calme, en l'assurant qu'il allait trouver une solution. Il jette un regard dans la pièce, et là, il remarque une table guéridon en rotin dans le coin. «Dans ma tête, j'ai déjà dessiné la fameuse table basse. Il me fallait juste une scie. C'était un peu laborieux de couper les pieds, mais j'y suis arrivé. Moins haute, elle a très bien pris sa place au milieu de l'espace. Au départ, elle était rétissante, mais en la voyant, elle a sauté de joie, et pour me récompenser, j'ai eu droit à deux parts de gâteaux. En fait, avec le temps, quand je flashe pour un meuble ou un objet quelconque que je veux recycler sa «nouvelle version», j'allais dire, est vite scannée dans ma tête. Souvent, les autres n'arrivent pas à le voir, et des fois, j'ai du mal à les convaincre du résultat.»
«Ce qui me désole le plus, ce sont tous ces gens aisés qui ont la chance de construire leurs propres maisons, mais qui bâtissent des «bunkers» sinistres, alors qu'ils peuvent s'inspirer des belles maisons de La Casbah d'Alger ou d'autres régions du pays.»
Pour Razik, c'est un univers où l'on apprend tous les jours, on n'arrête pas la création, l'innovation. C'est aussi un domaine où il faut sans cesse se perfectionner. Notre créateur «se cherche encore», dit-il. Son objectif : poursuivre ses études à l'étranger pour monter ensuite sa propre entreprise. «Bien sûr, tout architecte d'intérieur rêve de concevoir sa propre maison, la mienne, elle sera puisée dans notre patrimoine culturelle et architechturale, dans mes racines. Ce sera La Casbah. Quand j'étais étudiant, j'avais proposé, dans le cadre des travaux de réhabilitation de La Casbah, de transformer une des douiret en auberge. Je n'ai pas pu le faire pour des raisons administratives, et j'en étais profondément frustré. Cette architecture m'a de tout temps fasciné. Mais je ne suis qu'au début du parcours, j'ai tout le temps de m'améliorer et de réaliser la maison de mes rêves.»




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)